CHAPITRE VI : ANALYSE ET INTERPRETATION DES
RESULTATS
Après avoir présenté les données
du terrain, il s'agit maintenant d'analyser et d'interpréter les
résultats, c'est-à-dire leur donner un sens, une signification en
mettant en relief les facteurs déterminants au regard des
hypothèses formulées afin de les confirmer ou de les infirmer.
Il s'agit en fait de préciser la singularité ou
l'originalité des résultats obtenus au regard de notre cadre
théorique d'analyse.
6.1. Rappel du cadre théorique
d'analyse
Comme déjà exposé dans la
problématique et les théories explicatives, notre cadre
théorique de référence est le modèle
théorique de l'analyse systémique. C'est à travers ce
schéma que nous analysons la réalité de la mise en oeuvre
de l'APC dans les ENI afin de mettre en évidence
l'interdépendance des éléments qui contribuent à
l'atteinte des objectifs poursuivis par la réforme.
Ainsi, la théorie de système stipule qu'un
système entretient à la fois des liens internes entre les
éléments constitutifs et des liens externes avec d'autres
systèmes plus larges dont il est en interaction.
De ce fait, notre analyse porte sur les liens qui existent
entre l'innovation en cours dans les écoles normales et le
système éducatif dans son ensemble à travers le
Ministère de tutelle qui fournit les ressources et qui assure la
supervision, le suivi et l'évaluation de la réforme. Elle porte
aussi sur l'interdépendance entre le processus de la réforme dans
les ENI et l'environnement pédagogique au niveau des écoles
primaires.
Quand les liens sont suffisamment forts entre les
différents éléments du système, l'innovation peut
alors apporter le changement escompté. Par contre, lorsque les
connexions entre ces mêmes éléments sont faibles,
l'innovation a alors peu de chance d'apporter une amélioration
significative au niveau du système d'éducation dans son
ensemble.
6.2. Interprétation des résultats et
vérification des hypothèses 6.2.1. Vérification de
l'hypothèse 1
Les éléments de vérification de
l'hypothèse 1 sont les suivants :
6.2.1.1. Les ressources financières de la mise en
oeuvre de la réforme
Sur la question de la disponibilité des ressources
financières pour la mise en oeuvre de l'APC dans les écoles
normales, la plupart des responsables administratifs scolaires ont
confirmé leur insuffisance et les conséquences négatives
que cette situation entraîne pour les
86
différentes activités. Cette situation
dénote la faiblesse de l'engagement de l'Etat à financer la
réforme en cours, choisissant de laisser le terrain libre à
certains partenaires techniques et financiers.
Dans les ENI enquêtées, les principales sources
de financement sont constituées des subventions accordées par
l'Etat et des frais versés par les élèves-maîtres
inscrits à titre privé. Au titre de la subvention de l'Etat,
chaque ENI bénéficie de trois millions (3 000 000) FCFA par
trimestre et dans l'attribution de ce montant, aucune distinction n'est faite
de la taille et des besoins spécifiques de chacune des écoles
normales. Cette subvention est dérisoire car les effectifs
d'élèves à former sont élevés. La plus
petite de ces écoles enquêtées, celle de Tahoua, compte 844
élèves et celle de Maradi 2 405 élèves tandis que
l'ENI de Zinder abrite 2 641 élèves-maîtres.
Concernant le montant issu des inscriptions des
élèves, il sert juste au paiement des primes du personnel et
même à ce niveau, deux (2) de ces écoles sur les trois (3)
n'arrivent pas à satisfaire cette exigence.
Nous relevons donc que l'incapacité des ENI à
mobiliser d'autres ressources en dehors de celles données par l'Etat et
les partenaires constitue la principale difficulté qui fait que ces
institutions n'arrivent toujours pas à être autonomes sur le plan
financier.
En fait, la rareté des ressources financières a
véritablement affecté l'exécution des activités
nécessaires au bon fonctionnement des ENI.
Par exemple, s'agissant de la question centrale de
l'organisation des stages, le manque de moyens financiers conduit à des
déprogrammations dans les activités d'encadrement des stagiaires.
Cette contrainte entraîne le plus souvent la réduction du nombre
de jours nécessaires à l'exécution des activités
dans le but de faire face aux dépenses liées à la prise en
charge du personnel impliqué. Dans ces conditions, l'encadrement n'est
jamais fait dans les normes car le souci est de suivre et évaluer tous
les stagiaires dans le délai imparti.
Une autre conséquence engendrée par
l'insuffisance des ressources financières est la non-implication des
encadreurs du terrain (conseillers pédagogiques et inspecteurs) dans
l'organisation du stage et cela malgré que les textes l'exigent. Cette
situation constitue aussi un autre facteur qui a des répercussions
négatives sur la qualité de l'encadrement des
élèves-maîtres dans les écoles primaires.
La question des primes accordées au personnel des ENI
constitue aussi une préoccupation car non seulement certaines ENI
n'arrivent pas à faire face aux dépenses liées à
cette question mais aussi de plus en plus de voix s'élèvent au
niveau du personnel pour souligner l'insuffisance du montant accordé au
titre des primes. Alors, l'effet recherché à travers
87
l'institution de ces primes qui est celui de motiver le
personnel et de le maintenir dans les ENI peut ne pas être atteint.
Au regard de notre schéma théorique, il ressort
qu'un des éléments essentiels à savoir les ressources
financières n'entretient pas de connexions suffisantes avec les autres
éléments de l'ensemble pour permettre l'atteinte des objectifs de
la réforme.
6.2.1.2. Les ressources matérielles
Sur le plan du matériel didactique, la situation n'est
pas non plus favorable dans les écoles normales où les manuels
pour l'accompagnement de la mise en oeuvre des programmes selon l'APC sont
quasi inexistants.
Les seuls documents qui traitent de cette nouvelle approche
sont les modules ayant servi aux différentes formations reçues
par les encadreurs.
Pour la planification et l'exécution des cours, les
encadreurs adoptent plusieurs stratégies. L'une d'elles consiste
à se référer aux anciens documents conçus selon la
PPO qu'ils essaient d'adapter selon les exigences de l'APC.
Une autre stratégie relève selon leurs propres
termes de la débrouille. Ils essaient à travers
l'internet, de chercher les documents qu'ils peuvent exploiter dans le cadre de
leurs activités. Cette solution, comporte également beaucoup de
difficultés quand on sait que dans les ENI, l'accès à
l'internet pose de sérieux problèmes : vétusté ou
manque de matériel informatique, non maîtrise de l'outil
informatique par certains encadreurs, charges liées aux frais de
connexion difficilement supportables par les ENI, faute de moyens.
L'insuffisance de ressources pédagogiques
nécessaires influe inévitablement sur la qualité de
l'enseignement-apprentissage et le développement des compétences
des élèves-maîtres.
S'agissant des moyens logistiques, le problème se pose
avec plus d'acuité à l'ENI de Zinder qui n'a
bénéficié d'aucun appui d'un partenaire financier sur ce
plan, contrairement aux ENI de Tahoua et Maradi. Il en a résulté
des conséquences sur l'organisation des stages notamment le transport
des élèves dans leurs écoles de stage et le
déplacement des encadreurs pour le suivi et l'évaluation des
stagiaires.
Cette insuffisance des moyens logistiques dans les
écoles normales, contraint donc les chargés de stage à
placer les élèves-maîtres dans les zones faciles
d'accès (urbaines ou périurbaines) pour le stage en
responsabilité. Cette situation est contraire aux dispositions des
textes qui prévoient de ne retenir que les zones rurales dans le cadre
du stage en responsabilité, ce qui permettra aux futurs maîtres de
se familiariser à l'environnement socio-culturel du milieu de stage en
attendant la fin de leur formation pour y servir.
88
Les ressources matérielles, à travers leurs
faibles contributions au processus constituent également un
élément défaillant par rapport à notre
modèle d'analyse. Les liaisons que cette sous-composante entretient avec
les autres éléments ne sont pas assez solides pour permettre
à l'ensemble du processus de fonctionner sans contraintes majeures.
6.2.1.3. Les ressources humaines
Sur la question des ressources humaines, nous nous sommes
intéressés aux effectifs du personnel et au profil des
encadreurs.
D'abord du point de vue des effectifs, nos recherches ont
révélé que les écoles normales manquent de
ressources humaines suffisantes notamment le personnel d'encadrement et le
personnel auxiliaire. Cette situation n'est pas sans conséquences sur
les activités pédagogiques et l'exécution de certaines
tâches nécessaires au bon fonctionnement de
l'établissement. Il s'agit principalement de l'exécution des
cours dans les salles de classe, de l'encadrement des mémoires de fin
d'études, du suivi et de l'évaluation des
élèves-maîtres en situation de stage.
Il ressort clairement que les effectifs pléthoriques
des élèves-maîtres dans les écoles normales
constituent l'une des raisons pour lesquelles l'effectif des encadreurs
n'arrive pas à couvrir les besoins d'encadrement afin de satisfaire au
ratio encadreurs/élèves-maîtres. Alors pour y faire face,
parfois les directeurs des études procèdent soit à la
diminution du volume horaire par matière, soit à la reconversion
des encadreurs vers d'autres spécialités différentes de
leurs spécialités d'origine.
Pour expliquer le manque de personnel en quantité dans
les ENI, il est aussi évoqué le problème lié aux
affectations. Selon un des directeurs centraux, les directeurs des ENI
hésitent parfois à accepter les encadreurs qui sont
affectés dans leurs établissements car ils savent que
l'arrivée d'un encadreur entraîne un surplus de 40 000 FCFA par
mois au titre des primes mensuelles alors même que le paiement de ces
primes aux encadreurs déjà en poste devient de plus en plus
difficile.
Concernant le personnel auxiliaire, son manque se justifie
surtout, par le fait que, la grande majorité de ce personnel est
vieillissante et, quand l'un part à la retraite, il n'est pas
remplacé. Le recrutement à la Fonction Publique est de plus en
plus rare ces dernières années et constitue un véritable
casse-tête même pour les jeunes diplômés qui
possèdent une certaine qualification à plus forte raison pour un
personnel qui est parfois sans formation.
Le profil des encadreurs est aussi cité parmi les
contraintes en termes de ressources humaines de qualité dans les ENI. En
effet, selon les enquêtés, ce profil est peu adapté au
89
regard des missions d'encadrement des élèves.
Parmi les différentes catégories d'encadreurs, aucune n'a une
formation spécifique qui la destine à l'encadrement des futurs
maîtres. Ces catégories relèvent soit du domaine de
l'encadrement sur le terrain (formation continue), soit du domaine de
l'enseignement général.
A travers l'analyse, on constate que les ressources humaines
font aussi défaut dans les ENI. Ce qui constitue également une
entrave or, c'est la disponibilité en quantité et en
qualité de ces ressources qui permettra donc aux autres
éléments de l'ensemble tels les unités
pédagogiques, l'interdisciplinarité, le suivi des stagiaires,
l'évaluation des compétences des
élèves-maîtres, de fonctionner convenablement.
Malheureusement, sur ce point, il subsiste encore des insuffisances.
6.2.1.4. Déduction 1
A la lumière des données analysées dans
les points 6.2.1.1 à 6.2.1.3., nous constatons des
insuffisances notoires au niveau d'une des composantes essentielles du
dispositif systémique pour la mise en oeuvre des programmes selon l'APC
dans les ENI. En effet, les ressources, qu'elles soient financières,
matérielles ou humaines sont nettement insuffisantes dans les
écoles normales où nous avons mené nos investigations.
Partant de ces constats, nous pouvons dire que
l'hypothèse selon laquelle " Les contraintes de la mise en
oeuvre des programmes selon l'APC tiennent à une insuffisance de
ressources financières, matérielles et humaines dans les ENI "
est confirmée.
6.2.2. Vérification de l'hypothèse
2
A ce niveau, l'environnement pédagogique des
écoles primaires est l'élément de vérification de
l'hypothèse 2. Cet environnement pédagogique a été
analysé aussi bien à travers les résultats des entretiens
semi-directifs qu'à travers les résultats issus des observations
de pratiques de classe.
6.2.2.1. L'environnement pédagogique des
écoles primaires
? Résultats issus des entretiens
semi-directifs
A travers l'environnement pédagogique des écoles
primaires, nous avons mis en relief certains éléments qui le
caractérisent notamment le matériel pédagogique et
didactique, la formation continue dont bénéficient les
enseignants dans le domaine de l'APC, les pratiques enseignantes et la
méthode pédagogique privilégiée dans
l'enseignement-apprentissage. Ainsi, c'est l'interaction de tous les
éléments précités qui favorise la mise en oeuvre de
la réforme, tout comme l'avait si bien noté HAMMOND (1973) :
« le succès ou l'échec d'un
90
programme est déterminé par le jeu
interactif d'un ensemble de forces liées à l'environnement
pédagogique »34.
S'agissant du matériel pédagogique et
didactique, la disponibilité en quantité suffisante des manuels
scolaires, des outils didactiques et leur adéquation à la
nouvelle démarche pédagogique constituent des conditions
nécessaires pour une bonne mise en oeuvre des programmes selon l'APC.
C'est lorsque ces conditions sont satisfaites dans les écoles primaires
que les élèves-maîtres pourront effectuer un stage dans
l'esprit de la réforme et après leur formation, continuer
à enseigner selon les principes de l'APC.
Malheureusement, selon nos constats lors des visites de classe
et les opinions des interviewés, dans les écoles primaires la
question des manuels scolaires constitue un véritable défi qui
entrave la qualité de l'enseignement-apprentissage.
Tout d'abord, les manuels sont en quantité
dérisoire. Ce qui fait que dans certaines classes où nous avons
eu à observer des séances de lecture, on peut trouver
jusqu'à 7 ou 8 élèves et parfois
même plus, autour d'un seul livre de lecture. Pire, certains
élèves sont même exclus de la leçon car n'ayant pas
versé les frais de COGES (Comités de Gestion des Etablissements
Scolaires) qui devraient servir à payer ces livres.
L'insuffisance des manuels scolaires dans les écoles
primaires pose du coup la question de la responsabilité de l'Etat. Ces
dernières années, le désengagement de ce dernier dans la
gestion des établissements s'en ressent car les comités locaux
mis en place pour le suppléer n'arrivent pas à faire face aux
problèmes.
De leur côté, les stagiaires sont aussi
confrontés au même problème d'insuffisance de livres et de
matériel didactique. Par manque de guides, ces derniers se voient
contraints de préparer certaines leçons et de laisser d'autres.
Ou bien, parfois, ils sont obligés de préparer en classe au
moment où le maître titulaire de la classe présente les
leçons. Ce qui fait que le temps qu'ils doivent consacrer à
écouter, suivre les titulaires dans leurs pratiques est en
réalité consacré à autre chose.
Dans de telles conditions, comment favoriser
l'émergence d'une vraie professionnalité au niveau de ces futurs
enseignants ?
Par ailleurs, quelque fois, les rares manuels disponibles sont
conçus dans l'esprit de la PPO. Ce qui nécessite de la part des
stagiaires et des maîtres des écoles un travail d'adaptation pour
prendre en compte les exigences de la nouvelle démarche. Ce travail
n'est pas non plus aisé connaissant le faible niveau des enseignants.
34NADEAU M-A (1988).
L'évaluation de programme, théorie et pratique, les
presses de l'université Laval, p.81
91
Dans ces conditions, comment créer une
situation-problème sur la base de ce qui existe dans les anciens
documents ? Comment traduire les contenus des programmes de 1988 en vigueur
dans ces écoles sous forme de compétences à installer?
Autant de questions par rapport auxquelles le doute subsiste
quant aux capacités des stagiaires et des maîtres des
écoles primaires à y répondre.
Comme solution à cette contrainte, les
élèves-maîtres lors des stages et certains enseignants pour
dispenser un cours selon la nouvelle approche, essaient de formuler des
compétences à leur manière. Cela est paradoxal quand on
sait que la formulation des compétences relève du ressort des
autorités politiques et des concepteurs des programmes et est fonction
des orientations du système éducatif et des finalités qui
sont poursuivies. Cette situation est aussi valable pour la
situation-problème dont l'élaboration pose de
sérieuses difficultés pour les stagiaires et les enseignants des
écoles primaires. Sur cette question, un enseignant interviewé
confirme qu'on rencontre les formulations les plus banales de
situations-problèmes au niveau des enseignants. Selon lui, presque
toutes les situations-problèmes qu'on trouve sont
élaborées selon le même schéma, qui consiste
à dire : « Un élève ne connaît pas ceci ou
a un problème sur telle chose » et la consigne consiste
à dire : « Aidez-le à trouver la solution
».
La formation continue est aussi l'un des axes importants qui
peut améliorer la qualité de la mise en oeuvre des programmes
selon l'APC mais, là également, la situation n'est pas
satisfaisante car la question de la formation des enseignants n'a pas
été traitée avec la rigueur requise. Ce qui fait que
depuis le début de la mise en oeuvre de la réforme jusqu'à
cette date, la grande majorité d'enseignants n'a
bénéficié que d'une seule formation de quelques jours sur
l'APC ; d'autres n'en n'ont pas du tout bénéficié. Or,
c'est la condition nécessaire pour qu'ils puissent s'approprier
l'innovation et assurer un encadrement de qualité à l'endroit des
élèves-maîtres au moment de leur stage.
Par conséquent, étant donné que d'une
part, les manuels qui ne sont pas adaptés, le référentiel
des compétences officiel qui n'est pas encore disponible dans les
écoles primaires, et d'autre part, les situations-problèmes sont
mal formulées, la formation continue des enseignants non assurée
; on est en droit de se demander si enseigner dans ces conditions selon la
nouvelle approche ne contribue pas davantage à détériorer
la qualité des apprentissages au lieu de les améliorer ? Cela
parait fort probable car lorsqu'une innovation manque de certains
éléments fondamentaux pour sa mise en oeuvre (comme dans le cas
de celle en cours dans les ENI), elle évoluerait à contre-courant
de ses objectifs et des attentes placées en elle.
92
Dans ces conditions, au lieu que la réforme permet
l'amélioration de la situation de départ, elle va plutôt
contribuer à la dégrader davantage.
Alors, en partant de notre schéma d'analyse, nous
constatons que l'environnement pédagogique qui est pourtant un
élément essentiel du dispositif n'arrive pas à maintenir
des liens solides avec les autres éléments essentiels du
processus de la réforme. Notamment le lien qui est censé exister
entre ce qui se passe dans les ENI en termes de mise en oeuvre de l'APC et la
réalité qui prévaut dans les écoles primaires. Par
contre, on remarque que sur certains aspects, il y a même des
contradictions flagrantes qui se manifestent notamment à travers les
méthodes pédagogiques qui ne sont pas les mêmes, la
formation sur l'APC qui n'est pas assurée aux enseignants du primaire,
la non-appropriation de la démarche par ces derniers et le refus qu'ils
manifestent parfois lorsque les stagiaires dispensent les cours selon la
nouvelle démarche.
En conséquence, l'environnement pédagogique tel
qu'il se présente n'offre pas de conditions adéquates à
l'implantation de l'APC et sa généralisation au niveau du
système éducatif du pays.
? Résultats issus des séances
d'observation de pratiques de classe
Les visites de classe effectuées pour observer les
pratiques pédagogiques des élèves-maîtres dans leurs
classes de stage ont révélé que les stagiaires ne
privilégient pas une seule approche pédagogique pour dispenser
les cours. En effet, ils font recours soit à la PPO, soit à l'APC
ou bien essaient d'alterner les deux approches.
Cette combinaison de stratégies de la part des
élèves-maîtres s'explique par plusieurs facteurs. D'abord,
en considérant l'environnement pédagogique des écoles
primaires, les élèves-maîtres, quand ils y arrivent pour le
stage, ils sont confrontés à un contexte où cohabitent
principalement deux approches pédagogiques (la PPO pratiquée par
la grande majorité des enseignants et l'APC utilisée par un petit
nombre). Face à une telle réalité, les stagiaires
développent d'abord une stratégie d'adaptation au contexte qu'ils
ont déjà trouvé. Cet état de fait est
confirmé par Monsieur G.D. (encadreur) s'exprimant sur
l'environnement des écoles primaires en ces termes . ·
« sur le terrain (écoles primaires), il se pose un problème.
Les élèves-maîtres qui sont censés être les
vecteurs de la vulgarisation de l'APC sont confrontés au problème
suivant . · les titulaires ne pratiquent pas l'APC et là les
élèves-maître sont obligés de se conformer, de
suivre d'abord ce que les titulaires sont en train de faire. Alors au lieu
qu'ils soient vecteurs, qu'ils soient des moules pour les titulaires qui sont
sur le terrain, c'est le contraire, ce sont eux qui se mettent dans le moule
des titulaires ».
93
Ensuite, lorsqu'ils tentent d'appliquer la méthode
acquise à travers leur formation, ils sont confrontés à
plusieurs obstacles.
Les enseignants du terrain qui sont censés les encadrer
lors du stage conformément à la nouvelle démarche sont
dans l'incapacité de le faire étant donné qu'ils ne la
maîtrisent pas eux-mêmes. D'ailleurs, certains d'entre eux
empêchent même aux stagiaires d'appliquer la nouvelle
démarche prétextant qu'avec l'APC les élèves ont
des difficultés à comprendre les leçons.
D'autres facteurs liés aux conditions
matérielles dans les écoles primaires interviennent
également dans l'explication des difficultés
éprouvées par les élèves-maîtres pour
appliquer l'APC lors des stages. Il s'agit, en effet, du manque de
matériel pédagogique adapté à la nouvelle
démarche. Dans de telles conditions, la situation est plus
délicate car comment les élèves-maîtres pourront-ils
mettre en pratique ce qu'ils ont appris à l'école normale sans un
minimum de guides, de manuels et d'autres supports tels les
situations-problèmes et le référentiel de
compétences ?
En face de ces obstacles majeurs, les
élèves-maîtres choisissent soit d'appliquer maladroitement
la nouvelle démarche avec toutes les conséquences que cela
entraîne pour les élèves, soit de privilégier
l'ancienne où ils pourront au moins bénéficier d'un
encadrement adéquat de la part des maîtres titulaires.
Dans tous les cas, l'objectif assigné au stage, qui est
celui de permettre aux élèves de se confronter à la
pratique et de développer leurs compétences professionnelles
à travers l'accompagnement d'un enseignant expérimenté et
compétent aussi, est rarement atteint.
6.2.2.2. Déduction 2
En considérant les informations analysées au
point 6.2.2.1., il ressort que des liens existent entre la
réforme des programmes au niveau des ENI et l'environnement
pédagogique au niveau des écoles primaires. Etant donné
que ces liens sont faibles ou insuffisants, l'innovation dans les ENI a alors
peu de chance d'apporter le changement espéré au niveau du
système d'éducation dans son ensemble.
La faiblesse et l'insuffisance de ces liens et connexions,
confirmées aussi bien par les résultats des entretiens
semi-directifs que par les résultats issus des séances
d'observation de pratiques de classes, provoquent dans l'environnement
pédagogique des écoles primaires plusieurs défaillances
qui ne favorisent pas l'implantation de la réforme sur le terrain.
94
Ainsi, au vu de tout ce qui précède,
l'hypothèse selon laquelle "Les difficultés de
l'application de l'APC sur le terrain de stage par les
élèves-maîtres sont dues à un environnement
pédagogique défavorable qui prévaut dans les écoles
primaires" est ainsi confirmée.
6.2.3. Vérification de l'hypothèse
3
L'hypothèse 3 est vérifiée à travers
les points suivants :
6.2.3.1. Divergences au sujet de la tutelle du suivi
de la réforme
La contradiction entre les acteurs des deux Directions (la
Direction de la Formation Initiale et Continue et la Direction des Curricula et
de l'Innovation Pédagogique) du Ministère de l'enseignement
primaire par rapport au choix de l'approche pédagogique et au sujet de
la tutelle du suivi de la réforme est évidente et apparaît
clairement dans les propos des responsables.
Pour la DFIC qui a suivi pendant cinq (5) ans la mise en
oeuvre de l'APC dans les ENI, il est difficile d'admettre que cette approche
soit subitement écartée du système au profit d'une autre
approche, ce qui constitue à leurs yeux, une remise en cause des efforts
déployés durant plusieurs années pour la mise en oeuvre de
cette approche dans les écoles normales.
Par contre, à la DCIP, les cadres sont satisfaits du
nouveau choix curriculaire du pays portant sur l'APS. Ce choix permettra non
seulement de corriger les insuffisances qu'ils ont tant décriées
au niveau des programmes selon l'APC mais favorisera également leur
pleine implication dans le processus du pilotage de la réforme dans les
ENI, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Soulignons, de ce fait, que ces divergences ont
constitué un obstacle à la création de conditions
favorables pour une mise en oeuvre efficace de l'APC dans les ENI. En effet,
les directives contradictoires constatées dans le pilotage de la
réforme ont entraîné une situation d'incertitude et de
manque de confiance au niveau des acteurs, ce qui n'est pas de nature à
faciliter l'exécution des activités sur le terrain.
6.2.3.2. La fonctionnalité des unités
pédagogiques (UP)
La fonctionnalité des UP est un indicateur
déterminant pour la bonne marche des activités
pédagogiques. Sur ce point, la grande majorité des
interviewés ont confirmé que les UP sont fonctionnelles
même si par ailleurs, elles comportent des insuffisances. Au nombre de
celles-ci, il y a d'abord le rythme des rencontres qui n'est pas du tout
régulier.
95
Il ressort des interviews que c'est surtout en début
d'année que les UP se réunissent pour établir les
progressions. Mais en dehors de ces rencontres du début d'année,
les réunions entre les UP sont très rares.
Toutefois, en considérant les cas
d'irrégularité et de rareté évoqués par les
encadreurs à propos des rencontres, on est en droit de se poser la
question de savoir si ces UP fonctionnent réellement. Ou bien,
faudrait-il savoir jusqu'à quel rythme de rencontres peut-on
considérer que les UP sont fonctionnelles ? En tout cas, il y a
contraste dans les propos des interviewés et cela laisse planer le doute
sur la régularité de ces activités pédagogiques.
6.2.3.3. L'interdisciplinarité
Comme stupilé dans les programmes de formation des
Ecoles Normales d'Instituteurs, l'un des principes sur lesquels s'appuie la
formation à l'ENI est que « toutes les disciplines
enseignées doivent converger vers un objectif unique, celui de
développer chez l'élève-maître les
compétences nécessaires pour faire classe avec
efficacité35 ». De ce fait, les encadreurs doivent
promouvoir l'interdisciplinarité afin de pouvoir atteindre cet
objectif.
Malheureusement, l'interdisciplinarité n'est pas
effective dans leurs établissements respectifs, ce qui constitue un
grand handicap pour la mise en oeuvre des programmes des ENI. En effet, si nous
concevons que la compétence est un ensemble de savoirs
intégrés utilisés pour faire face aux situations
complexes, nous voyons aisément que l'acquisition de vraies
compétences ne peut se faire qu'à travers un
enseignement-apprentissage mené dans le cadre de
l'interdisciplinarité.
Cette situation d'insuffisance de communication entre les
encadreurs des différentes disciplines et des différents domaines
s'explique par des facteurs objectifs tels que l'insuffisance de formation, la
faiblesse du suivi interne exercé par l'administration même de
l'école et du suivi externe exercé par les responsables des
Directions centrales concernées. S'y ajoutent également des
facteurs subjectifs liés aux comportements de certains encadreurs qui,
non satisfaits de leur présence dans les ENI, se laissent gagner par le
découragement et la démotivation car ambitionnant toujours
d'occuper les fonctions de responsabilités dans les services
déconcentrés relevant du secteur de l'enseignement primaire.
Le clivage au sein des encadreurs entre la catégorie
des chargés d'enseignement et celle des inspecteurs et conseillers
pédagogiques constitue également un autre facteur qui ne favorise
pas une franche collaboration entre encadreurs des différents domaines
et disciplines pour asseoir les bases de l'interdisciplinarité. Dans ces
conditions, la question de l'évaluation des
35 Programmes d'études des écoles
normales d'instituteurs, version provisoire, octobre 2008
96
apprentissages se pose aussi car si
l'interdisciplinarité n'est pas développée, comment
peut-on objectivement évaluer les compétences des
élèves-maîtres ?
Nous estimons que cette synergie d'action est indispensable
car c'est la conjugaison des efforts fournis par les encadreurs au niveau de
chaque unité pédagogique et entre les unités
pédagogiques qui peut permettre d'installer les compétences
pertinentes au niveau des élèves-maîtres.
6.2.3.4. L'évaluation des compétences
des élèves-maîtres
La mise en oeuvre des programmes selon l'APC dans les ENI, ne
s'était pas accompagnée d'un changement dans le système
d'évaluation des acquis des élèves-maîtres. Les
encadreurs continuent à garder les mêmes modes d'évaluation
portant surtout sur les ressources et les savoirs théoriques.
En effet, les évaluations certificatives et les
systèmes d'examen sont restés sans changement alors que l'APC
recommande de privilégier l'évaluation formative et
l'évaluation des compétences acquises par les
élèves.
Cependant, pour atteindre cet objectif, d'énormes
faiblesses restent à surmonter dont l'insuffisance de la formation des
encadreurs, les effectifs pléthoriques d'élèves dans les
salles de classe, le manque de matériel et outils didactiques, etc.
6.2.3.5. Le suivi de proximité assuré
par le directeur des études (suivi interne)
Le suivi interne des encadreurs en situation de classe est une
activité qui relève des compétences des directeurs des
études (DE). Cependant, cette tâche pédagogique importante
rencontre des difficultés dans les écoles normales
enquêtées. Ces difficultés ont été
évoquées par les Directeurs des études eux-mêmes,
mais également par les encadreurs.
Selon Monsieur H.A. (encadreur) : « Le Directeur des
études a le profil, il a les compétences mais le problème,
ce qu'il y a aussi la question du temps. L'aspect administratif prend le dessus
sur l'aspect pédagogique ».
Monsieur A.F. (encadreur) affirme de son
côté ce qui suit : « Avec la direction des études,
ça ne va pas du tout. Normalement, la direction des études doit
être la coordonnatrice principale des activités ; malheureusement,
nous remarquons que le directeur des études ne fait pas correctement son
travail, sinon il aurait coordonné les activités mais ça
ne se faisait pas ». Ces différentes déclarations
attestent à suffisance que le suivi interne est défaillant or le
suivi interne est une activité qui, au-delà de sa portée
pédagogique permet à l'établissement de contrôler ce
que les encadreurs sont en train de faire dans les salles de classe, de les
encourager, de les motiver et aussi de s'enquérir des difficultés
qui se posent à eux dans
97
l'exécution des tâches pédagogiques. Mais,
ce suivi de proximité n'est pas assuré comme ça se
doit.
Les raisons qui entravent la tenue d'une telle activité
sont de plusieurs ordres.
Il y a d'abord le manque de temps car il ressort que les
directeurs des études se consacrent plus aux activités
administratives qu'aux activités pédagogiques.
L'instabilité qui caractérise ce poste est aussi
mise en cause. Lorsqu'un directeur des études est nommé, sa
durée dans sa nouvelle fonction est brève. Parfois, c'est
lui-même qui demande à partir pour un autre poste plus
prestigieux.
Il y a également l'insuffisance de formation qui ne
permet pas aux directeurs des études d'être à l'aise dans
le suivi des encadreurs.
A toutes ces raisons s'ajoute l'insuffisance des textes
soulignée par les directeurs des études eux-mêmes. En
effet, selon ces derniers, ce suivi n'a qu'un caractère formel car les
textes disponibles ne définissent pas clairement les contours de
celui-ci et la forme qu'il doit prendre. Est-ce qu'il doit être un
suivi-conseil ou bien doit-il se présenter sous la forme d'une
inspection en bonne et due forme ? A ces questions, seuls des textes bien
conçus et tenant compte de toutes les exigences pédagogiques de
l'heure pourront y apporter des réponses claires.
En se référant à notre cadre
théorique, il apparaît que le suivi de proximité dans les
ENI est défaillant du fait de son incapacité à maintenir
des relations solides avec les autres éléments internes du
système que sont la fonctionnalité des unités
pédagogiques, l'interdisciplinarité, la pratique de classe des
encadreurs, ce qui constitue une contrainte majeure à l'atteinte des
objectifs de la réforme.
6.2.3.6. Le suivi des élèves-maitres en
situation de stage
Le suivi effectué par le personnel des ENI lors de la
période des stages en responsabilité dans les écoles
primaires est de trois sortes, à savoir le suivi-administratif, le
suivi-conseil et le suivi-évaluation des stagiaires.
Le premier type de suivi est assuré par
l'administration de l'école normale dans le but de prendre contact avec
les inspections de l'enseignement primaire et les écoles primaires. Son
but est de mettre en place le dispositif du stage. Mais, deux (2) des trois (3)
écoles normales éprouvent des difficultés à le
réaliser par manque de moyens matériels et financiers. Les moyens
dont il est question ici concernent surtout la disponibilité de
véhicules tout terrain en bon état pour permettre les
déplacements entre l'école normale et les écoles retenues
pour
98
le stage et la disponibilité de fonds prenant en charge
les frais de déplacement du personnel administratif impliqué dans
le suivi.
Le deuxième type de suivi a pour objectif de faire le
point des difficultés vécues par les
élèves-maîtres au moment où ils sont en stage. Les
encadreurs discutent avec eux et essayent de leur proposer des solutions sous
forme de conseils. Cette activité, malgré sa contribution
significative pour la réussite du stage en responsabilité n'est
pas effectuée dans toutes les ENI. Deux des trois ENI
enquêtées ne font pas le suivi-conseil, faute de moyens permettant
de prendre en charge les frais de déplacement des encadreurs et les
frais de carburant. La seule école normale qui arrive à effectuer
cette activité le fait grâce à la bienveillance de la
Coopération Suisse qui a mis à sa disposition les moyens
nécessaires.
Quant au troisième type de suivi qui est le
suivi-évaluation, il intervient généralement vers la fin
de la période de stage. Il offre aux encadreurs l'occasion de suivre les
stagiaires en situation de classe et d'évaluer les leçons qu'ils
auront à présenter. En fait, il sanctionne la fin du stage.
Malheureusement à ce niveau également les normes en
matière d'évaluation des élèves-maîtres ne
sont pas respectées par faute de moyens.
Les textes prévoient qu'au maximum un encadreur ne doit
pas évaluer plus de trois (3) stagiaires par jour. Mais dans certaines
ENI, les encadreurs évaluent jusqu'à six (6) stagiaires par jour.
Lorsque le nombre de stagiaires à évaluer est
élevé, cela ne permet pas à l'encadreur de suivre
l'élève-maître dans plusieurs leçons. C'est pourquoi
certains encadreurs affirment que l'évaluation d'un stagiaire porte le
plus souvent sur une seule leçon, ce qui n'offre pas toutes les
garanties d'objectivité requise.
En somme, il ressort que le suivi-évaluation des
stagiaires par les encadreurs présente des insuffisances importantes qui
ont sans nul doute des répercussions négatives sur la
qualité du stage en particulier et sur celle de la formation des
élèves-maîtres en général. Il faut le
rappeler, c'est ce stage qui permet à l'élève-maître
de se confronter à la pratique et, c'est en se confrontant à
cette pratique qu'il pourra devenir un enseignant professionnel.
6.2.3.7. Le suivi-accompagnement de la
réforme
Le suivi-accompagnement exercé par le pool des
formateurs nationaux comporte beaucoup d'insuffisances et ne donne pas
satisfaction aux acteurs de la mise en oeuvre de la réforme dans les
ENI. Les principales raisons qui justifient cette insatisfaction sont les
suivantes :
99
Tout d'abord, la question du niveau de formation des membres
du pool des formateurs nationaux est souvent évoquée
dans l'explication des insuffisances du suivi-accompagnement de la
réforme.
Il faut relever que ceux qui assurent ce suivi sont des
chargés d'enseignement, des inspecteurs de l'enseignement du premier
degré et des conseillers pédagogiques. Or, ce sont les
mêmes niveaux de qualification qu'on retrouve chez les encadreurs des
ENI. Mieux encore, parmi ceux-ci, la grande majorité a passé
beaucoup d'années de pratique et par conséquent a pu capitaliser
une grande expérience en matière d'encadrement, ce qui n'est pas
le cas pour bon nombre des membres du pool qui sont juste à leurs
débuts dans le cadre de ces genres de missions. C'est donc cette
situation qui rend difficile leurs tâches et fait que les encadreurs et
les responsables des ENI, dans leur grande majorité, sont insatisfaits
par rapport au suivi de la mise en oeuvre de l'APC.
Ensuite, une autre insatisfaction est liée à la
non-adéquation du profil et au manque de certaines compétences au
niveau du pool des formateurs nationaux. Ainsi, en plus du suivi de
pratiques de classes des encadreurs, ce sont aussi les mêmes
accompagnateurs qui assurent les renforcements des capacités à
travers les sessions de formation. Or, quand il s'agit de donner ces formations
aux encadreurs, il se pose aussi de réelles difficultés dues au
manque de spécialisation des accompagnateurs. En effet, beaucoup d'entre
eux ne peuvent pas valablement assurer les missions de suivi et de formation
qui leur sont confiées car pour bien suivre et bien former, il faut
être du domaine ou tout au moins avoir des connaissances assez solides
sur la question, tel n'est pas le cas pour beaucoup d'accompagnateurs qu'on
envoie pour réaliser un suivi ou une formation dans un domaine qu'ils ne
maîtrisent pas. Par exemple, il n'est pas rare de trouver des cas
où ce sont des titulaires de licence ou de maîtrise en lettres
modernes, en sociologie ou en histoire qui sont chargés de suivre et
d'assurer la formation en psycho-pédagogie à des encadreurs
titulaires de licence ou de maîtrise dans le domaine de la
psycho-pédagogie. En plus, des difficultés se posent aussi
lorsqu'il s'agit pour un inspecteur de l'enseignement primaire de suivre et
d'assurer la formation en mathématiques à des encadreurs dont la
formation initiale relève exclusivement du domaine des
mathématiques.
Certes, les accompagnateurs ont eu à
bénéficier de formation dans le cadre de leurs activités
de suivi mais, ces formations sont généralement insuffisantes
pour leur permettre une maîtrise parfaite des questions abordées
lors du suivi des encadreurs en classe ou lors des séances de
formation.
100
La deuxième raison est relative à la
fréquence des missions du suivi-accompagnement.
Généralement, c'est une ou deux missions qui sont menées
par an. Ce qui, du reste, ne permet pas de voir les difficultés qui se
posent que ça soit au plan de la pratique de classe des encadreurs ou
dans la mise en oeuvre de la réforme de façon
générale.
Une troisième raison expliquant aussi les insuffisances
du suivi-accompagnement de la réforme est la faible implication, des
encadreurs intervenant dans certaines disciplines telles les langues nationales
et la morale professionnelle et législation, dans les activités
de suivi et de renforcement de capacités menées par les membres
du pool des formateurs nationaux. Pourtant, ces disciplines sont très
nécessaires dans le cadre de la mise en oeuvre de l'APC et doivent, par
conséquent, être valorisées pour permettre la prise en
compte des réalités locales dans la formation initiales des
élèves-maîtres.
Soulignons en fait, que le but du suivi-accompagnement de la
réforme est d'apporter de solutions adéquates aux insuffisances
constatées dans le processus de la mise en oeuvre de l'approche et
d'anticiper même sur les éventuels problèmes qui pourraient
se poser. Malheureusement, les insuffisances constatées relativement
à cette importante activité influent aussi négativement
sur l'exécution des activités sur le terrain, notamment sur les
questions liées à l'interdisciplinarité, à
l'évaluation des compétences, au suivi-évaluation des
élèves-maîtres en situation de stage.
6.2.3.8. L'évaluation de la
réforme
En plus qu'elle permet de déterminer la valeur d'un
phénomène, l'évaluation constitue un excellent outil qui
fournit aux décideurs une information valide et en temps opportun.
Malheureusement au Niger, l'évaluation est une composante qui est
négligée dans le processus de mise en ouvre des réformes.
Celle qui est actuellement en cours dans les ENI n'en fait pas exception. Cela
fait cinq ans déjà que les programmes selon l'APC sont en
expérimentation dans ces écoles mais, jusqu'à
présent, aucune évaluation n'est encore entreprise pour voir les
forces et les faiblesses de ladite réforme. D'ailleurs, le fait de
rester pendant une longue durée dans cette phase
d'expérimentation ne permet pas une harmonisation des pratiques entre
les différentes ENI du pays. Ces dernières ont tendance à
agir différemment en termes d'initiatives. A ce niveau, il est
étonnant de remarquer que quand bien même la réforme des
programmes selon l'APC n'est pas encore évaluée, le
Ministère a déjà opté pour une nouvelle approche
qu'est l'Approche Par les Situations (APS).
101
Soulignons, toutefois, que le manque d'évaluation de la
réforme constitue une défaillance qui ne permet pas de
déterminer objectivement les forces et faiblesses des différentes
composantes qui interagissent dans le cadre de la mise en oeuvre de la
réforme.
6.2.3.9. Déduction 3
En se référant à notre cadre
théorique, nous avons souligné qu'un système entretient
à la fois des liens internes entre ses éléments
constitutifs et des liens externes avec d'autres systèmes plus larges
dont il est en interaction. Dans le cadre d'une réforme, lorsque ces
liens sont insuffisants ou faibles, l'atteinte des objectifs poursuivis serait
difficile.
Les résultats analysés dans les points
6.2.3.1. à 6.2.3.8. mettent en exergue la faiblesse des
liens entre plusieurs éléments de notre dispositif
systémique. En effet, ces résultats prouvent qu'au sein
même des ENI, la question du suivi et de l'évaluation ne trouve
pas de réponses adéquates.
Cette situation est aussi valable pour le Ministère de
tutelle où beaucoup d'insuffisances sont constatées relativement
au suivi et à l'évaluation de la mise en oeuvre de la
réforme dans les écoles normales.
En considérant toutes ces informations, notre
troisième hypothèse selon laquelle " les contraintes de
la mise en oeuvre de l'APC dans les ENI s'expliquent par une insuffisance dans
le suivi et l'évaluation de la réforme " est
également confirmée.
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