VII.3.
UNE IDENTITE CULTURELLE CAMEROUNAISE
Avant
de parler de l'identité culturelle camerounaise, il convient cependant
de définir les notions d'identité et d'identité
culturelle.
VII.3.1. Définition de
l'identité
Cerner la notion de l'identité n'est pas la chose la
plus facile. Elle est conçue diversement. C'est une notion chère
à la philosophie depuis le « connais-toi
toi-même » de Socrate comme le précise Amin Maalouf
jusqu'à Sigmund Freud en passant par tant d'autres penseurs. Selon les
usages courants, déterminer l'identité d'un individu revient
à porter à la connaissance de qui veut le
connaître son nom, son prénom, date et lieu de naissance, sa
photo, ses signes distinctifs, sa signature et ses empreintes. Fournir toutes
ces informations, à pour objectif de démontrer sans confusion
qu'il n'existe pas parmi les milliards d'êtres humains sur la terre une
seule personne avec laquelle on peut se confondre fut-elle son frère
jumeau.
Pour certains, l'identité d'une personne est stable,
immuable. Ceci sous-entend qu'un peuple s'identifie non pas selon ce qu'il est
entrain de devenir, mais selon ce qu'il était autrefois. Or, le
phénomène identitaire dont on cherche à rendre compte se
transforme, car tout est changement, instabilité et variation. Ce qui
nous amène à envisager une autre conception.
D'après John Storey, l'identité humaine a
été confondue à la nature humaine entendue comme quelques
choses de cohérent et de fixe, comme une qualité essentielle,
immuable d'une personne, qui est garanti par la nature et surtout par la
biologie humaine. Cette vision des choses a été fortement remise
en cause dans les études réalisées au XIXe et au XXe
siècle par certains intellectuels. Qu'il s'agisse de Charles Darwin,
Sigmund Freud, F de Saussure, tous s'insurgent contre la conception
traditionnelle fixe et stable de l'identité. Pour eux, l'identité
humaine donc l'objectif est la différenciation, la singularisation des
communautés, des peuples, des individus est quelque chose de construit
dans le processus de devenir autre, mais jamais achevé ; comme
quelque chose qui a plus avoir avec le future qu'avec le passé. En
d'autres termes, elle ne réside pas dans le dépôt culturel
d'un peuple mais plutôt dans l'ensemble des activités qui
produisent ce dépôt culturel et qui l'assume en le
dépassant. A la limite, l'identité se confond avec la
capacité d'intégration de différence qui fait la grandeur
et la richesse de l'homme. C'est dans ce sens que John Storey considère
les identités comme une forme de consommation ou d'un héritage
fixe. Elle se réfère donc aux questions d'utilisation des
ressources historiques, langagière, culturelle dans le processus du
devenir et non de l'être.
Avec l'évolution actuelle des choses, et
précisément embarqué dans le train de la mondialisation,
une nouvelle approche de la notion d'identité émerge. Amin
Maalouf (1998 :18) dans Identité meurtrièrepropose
pour sa part, une nouvelle définition d'identité qui prend en
compte :
la somme de toutes les appartenances et sein de
laquelle l'appartenance à la communauté humaine prendrait de plus
en plus d'importance jusqu'à devenir l'appartenance principale, sans
pour autant nier nos multiples appartenances
particulières .
Autrement dit, l'identité serait ce qui fait qu'une
personne soit elle-même et personne d'autre. Et même, si cette
personne se situe à la lisière de plusieurs traditions
culturelles, de plusieurs langues ou de plusieurs pays, elle aurait une seule
identité faite de tout cet ensemble d'éléments qui l'ont
façonnés selon un dosage particulier qui ne serait le même
d'une personne à l'autre. Il apparaît donc difficile de
compartimenter l'identité ou de le cloisonner.
Pour Jean François Bayart dans Illusion
identitaire,l'énoncé identitaire peut-être comparable
à une société. « La
société est un archipel de pouvoir
différent ». Autrement dit, l'identité n'est pas
un corps unitaire dans lequel s'exercerait un pouvoir et seulement un, mais
c'est une juxtaposition, une liaison, une coordination, une
hiérarchisation aussi de différent pouvoir qui néanmoins
demeure dans leur spécificité. Ainsi, grâce à chacun
des appartenances d'une personne prise séparément, il a une
parenté avec ces grands nombres de ces semblables. Grace aux mêmes
appartenances prises toutes ensembles, elle a son identité propre qui ne
se confond pas avec les autres. De cette manière on peut affirmer ces
liens avec les autres, surtout dans le contexte actuel
caractérisé par un mouvement général de
décloisonnement des sociétés sans pourtant nier sa
spécificité. C'est ce qui amène Dileep Padgaonkar
(1994 :77) à affirmer que :
Je suis né indien, dans une caste
déterminée. Nous avons connu 1100 ans de gouvernement occidental
et je ne peux pas nier leur contribution au façonnement de ma
personnalité et mon pays. Je ne souhaite ni exalter ni dénigrer
aucune composante de mon identité. De fait, chacun de nous a un
gène culturel de l'autre. Notre incapacité à le
reconnaître à créer d'horrible
problème..
Toutefois, il convient donc de dire que l'identité
n'est pas donner une fois pour toute. Elle n'est pas figée, elle est a
un caractère instable. L'identité se construit et se transforme
tout au long de l'existence de l'individu. Ainsi, la conception qui rendait
l'identité à une seule appartenance installerait les hommes dans
une attitude sectaire, dominatrice et pourrait les transformer souvent en
tueurs. La réalité de l'identité serait donc qu'elle est
mélangée à l'altérité.
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