VII.2.1. L'omniprésence
de l'oralité dans les temps anciens
S'il ya des vérités qui restent
éternelles, s'il y a des essences qui restent immuables, il est du
reste, possible d'affirmer, que l'homme est la parole. Elle fait partie de son
être et elle n'a de sens qu'à travers l'homme. Elle et lui sont
donc, consubstantiels et se présupposent bilatéralement. Si nous
postulons ici pour l'omniprésence de l'oralité, quelles sont nos
raisons ? Et surtout quel est notre argumentaire ?
L'un des premiers livres, le best-seller de tous les temps,
objet de passions, de folies et aussi et irrémédiablement le
livre le plus assis sur le plan de la pensée pratique est : La
Bible. Oui, mais pourquoi ce livre ? A la réponse, nous disons
qu'il est ce livre qui consacre les fondements de la pensée humaine nue
et crue. Elle est le livre, fondement, définissant l'homme, sa nature,
et surtout sa destinée. Mais, notre but ici, n'est pas d'évoquer
sa prégnance dans la vie des hommes (encore faut-il les mettre d'accord
sur la question de la foi), mais nous l'évoquerons ici, car elle est une
arme à notre argumentaire.
L'un des évangiles qui servira notre cause ici,
est : Evangile selon St Jean (Louis Second, 1982 :1060). Et,
précisément dans son chapitre intitulé : La
parole faite chair, Jean, disciple de Jésus, nous montre comment
dès la genèse de la création de l'homme et de l'univers,
la parole bienfaitrice, créatrice s'est imposée comme
incontournable dans l'acte existentiel. C'est ainsi que, Jean dit :
Au commencement était la Parole, et la Parole
était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
Elle était au commencement avec Dieu.
Toutes choses ont été faites par elle, et
rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.
En elle était la vie, et la vie était la
lumière des hommes.
La lumière luit dans les ténèbres, et
les ténèbres ne l'ont point reçue.
Partant de cette acception, la parole fonde l'être
constitutif de la personne humaine puisque par extension, l'homme a
été fait à l'image de Dieu lui-même. La parole
étant donc en l'homme, l'accompagne de tout temps et dans tout lieu.
Elle est donc omniprésente comme Dieu lui-même. Car il est une
pensée Biblique, qui affirme qu'au travers de sa parole, exprimée
en ses lois (Les 10 commandements donnés à Moise), Dieu nous
accompagne. La parole est donc partout et éternelle.
En un sens, nous pouvons rapporter, la définition du
terme : Oralité à celle de la Littérature
Orale. Et dans ce sens, nous pouvons dire que l'oralité est :
« l'usage esthétique du langage non écrit et
d'autre part l'ensemble des connaissances et les activités qui s'y
rapportent. ».(S.M.Eno Belinga, 1978 :7) En
Afrique en général, depuis la nuit des temps, la primauté
de la transmission par la parole, des connaissances et des actes culturels est
une réalité indubitable. Si « en Afrique, la
littérature écrite apparut vers 1900 » (S.M.Eno
Belinga, 1978 :20) il, faut dire qu'en Afrique :
Contrairement à certaines idées
reçues, la littérature écrite (certains peuples d'Afrique
noire connurent précocement l'écriture : [l'écriture
Bamoum, les hiéroglyphes]) est toujours demeurée secondaire par
rapport à la littérature orale, féconde,
multiple .
Cette place secondaire attribuée à la
littérature écrite vient de la fonction sociale de
l'oralité dans les premières civilisations humaines. De nombreux
ethnologues comme : Geneviève C. Griaule expliquant cette fonction
sociale de la parole dans l'acte social des peuples dits primitifs ont pu
dire :
Dans la mesure où tout acte social suppose un
échange de paroles, où tout acte individuel est lui-même
une manière de s'exprimer, la "parole" est parfois synonyme d'action
entreprise...Considérée sous l'angle du social, la parole est
aussi l'expression des règles qui rendent possible la vie en
société, et dont la connaissance est transmission est transmise
par l'enseignement oral (S.M.Eno Belinga,1978 :20). .
Dans l'Afrique de l'Ouest traditionnelle, la parole prenait
tellement d'acuité qu'elleavait une fonction de propagande politique
ceci, à travers les griots qui sont des chanteurs et parfois
médecins, historiens ayant eux-mêmes reçu leurs
connaissances suite à une longue tradition des faits de
générations en génération, de bouches à
oreilles, et souvent, suite à un enseignement propédeutique, une
initiation ou à un rite de passage qui n'était pas sans dangers.
Marcel Griaule aussi, dans son livre sur les Dogons
a pu montrer comment les mythes et les légendes de l'Afrique jouent
un rôle dans le fondement de la compréhension de
l'évolution de l'homme. Tout comme les célèbres
épopées de Gilgamesh qui narre l'histoire tragique du
roi Gilgamesh, au même titre que l'Iliade et l'Odyssé,
d'Homère, ils sont des récits oraux qui loin de traduire la
culture orale de l'homme mais aussi, et surtout la prééminence.
Au-delà et pour l'Afrique en particulier, la parole s'inscrit dans le
vécu précoce de sa civilisation, dans la fonction transcendantale
de la vie elle-même : dans l'évocation des formules
incantatoires, les malédictions, les envoûtements et les
désenvoûtements, les formules de délivrance des mauvais
sorts, les malédictions des empoisonnements nocturnes. C'est ce qui a
poussé Eno Belinga (S.M.Eno Belinga, 1978 :21) dire
que : « pour les Africains, tout "parle" dans le monde
crée par la divinité, dans le monde transformé et
hiérarchisé par l'homme ».
C'est donc avec et par la parole que les premiers hommes de
toutes les époques disaient, le monde qu'ils vivaient, l'attente des
récoltes, les joies devant la naissance du premier fils, le rapport avec
son Dieu. C'est avec la parole vie qu'ils s'imposaient en tant qu'êtres
humains.
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