VI.1.3. La
société globale
Lorsque l'enfant au sortir des entrailles protectrices de sa
mère arrive au monde et dès qu'une fusion relationnelle
principalement familiale le porte vers la possession de quelques bribes de
notions et d'avoirs nécessaires dans ses premières relations avec
l'autre, l'autre pris dans sa diversité et sa complexité, la
seule réalité que l'enfant trouve en face de lui après sa
classe d'âge est indubitablement la société globale.
Entendons par société globale, l'ensemble de ce
qu'il est convenu de nommer « groupe social» ou groupe
clanique pour s'accorder au contexte des clans africains c'est-à-dire:
« l'ensemble de toutes les personnes vivantes ou défuntes qui
se reconnaissent, un ancêtre commun » (P.Erny,
1968 :83).
Très tôt, l'enfant est appelé à
prendre conscience de la société et du rapport qui le lie
à elle. Progressivement, il réalise qu'il doit s'affirmer, se
déterminer et s'y accomplir comme être à part
entière. La société deviendra très vite le
réceptacle où l'enfant trouvera des modèles de conduites,
des compagnons pour sa marche vers la maturité mais aussi, le lieu
où il devra poser ses marques pour imprimer son temps.
Il convient ici de réaliser que la
société a dans son imagerie une conception bien
particulière de la personne de l'enfant et des particularités
dans l'éducation qu'elle entend donner à celui-ci.
VI.1.4.L'enfant dans l'imagerie
de la société globale
Chaque peuple a sa propre conception de la personne même
de l'enfant. Dans chaque imagerie, on lui donne tel ou tel pouvoir, on lui
confère des origines et des provenances souvent colorées de
couleurs mythiques et imaginaires. Mais, quoiqu'il en soit, il reste vrai que
l'enfant est souvent un être exceptionnel.
Dans les sociétés africaines en
général, l'enfant est dans l'imagerie populaire le sujet des
discussions les plus vives avant même sa naissance. C'est dire qu'il est
pensé, fantasmé dans les consciences et est attendu avec
impatience.
Toujours dans cette imagerie, l'enfant dès sa venue au
monde est considéré comme un ancêtre
réincarné. C'est que: « dans la perspective spirituelle
où se place l'Africain traditionnel chaque humain qui se
présente est considéré comme un messager et
une révélation de l'autre monde, du ciel, de la
divinité» (P.Erny, 1968 :175). Dans le conte :
Trahoré et le mauvais chef,
la naissance de Trahoré né sous l'ongle de son père,
le vieux chef déchu par le mauvais chef, fait suite à la
requête que le vieux monarque déchu est allé faire
auprès des ancêtres de sorte que, sa naissance et aussi plus tard,
ses prodigues ne sont que les manifestations visibles d'un certain ordre
supérieur, celui des ancêtres ;ces êtres aux
connaissances et prodiges innombrables.
Pris dans cette perspective, l'enfant devient dans la
société traditionnelle africaine la condition de toute union
entre un homme et une femme. C'est dans ce sens que l'imagerie populaire
africaine dira que : « pour l'homme comme pour la femme,
les enfants ont leur vie, leur bonheur. Ils sont le remède contre la
mort » (Angelo B.1984 :21). Dans Trahoré et
le mauvais chef, la naissance mystérieuse du jeune
Trahoré est un remède, un soulagement, une catharsis à
l'existence du vieux chef sans enfant parce que marié à une femme
stérile.
L'enfant est dans la société traditionnelle
africaine le moyen par lequel un homme se pérennise dans le temps. Il
est l'élément de toute perpétuation de valeurs, des
traditions et des techniques, de sorte que:« si vous voulez sauvez des
connaissances et les faire voyager à travers le temps, disaient
les vieux initiés Bambaras, confiez les aux enfants »
(A.Hampaté Ba,1996 :9). De plus, posséder des enfants
constitue une force non négligeable dans la production. Il n y a qu'a
voir dans nos contes Les mauvais génies du champ de
mi/ et Dylim's children l'aide que peuvent apporter, les
enfants dans la production et au-delà comme dans L'orpheline et
la veille femme, l'enfant peut apporter une aide dans la
réalisation des tâches ménagères.
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