Les contes et les mythes en pidgin : facteur d'éducation de l'enfant dans la société africaine traditionnelle dans la région du sud- ouest (BUEA)( Télécharger le fichier original )par Anne OBONO ESSOMBA Université de Yaoundé I - Doctorat en littérature orale et linguistique 2014 |
V.1.3.2. L'initiation:contenuLe contenu des initiations est un contenu complexe, il est un ensemble d'enseignements sociaux et d'enseignements magico-religieux. C'est par l'enseignement social de l'enfant que l'initiation se révèle être une véritable école qui a pour objectif principal: l'instruction et l'éducation de l'enfant. Sur le plan instructif, l'initiation se résume en un long et profond enseignement sur les mythes et les légendes de la tribu pour faire connaître non seulement les origines de la tribu aux enfants mais aussi, les principaux événements qui ont marqué l'essentiel de l'histoire tribale. Dans le cas particulier, ce sont des initiations qui sanctionnaient les cérémonies de circoncision chez les garçons ou les excisions chez les filles. L'enseignement portait sur les généalogies pour fixer dans les mentalités des jeunes adolescents, les limites, dans lesquelles ils pourront se marier. De plus, l'enseignement pouvait même porter sur l'art de courtiser. Toujours sur le plan instructif, les enfants par les contes et les autres récits oraux pouvaient acquérir des connaissances sur la décence et l'éthique nécessaires à leur vie dès leur retour dans la société. Les initiateurs profitaient de leur vie dans la brousse ou la forêt, pour enseigner sur les plantes médicinales. De plus l'enseignement pouvait aussi porter sur le comportement social, sur la vie communautaire et ses exigences et sur la nécessité d'agir en homme, c'est-à-dire l'alliage de deux principes: la réflexion avant l'action et l'art de garder les secrets. Ce dernier principe disait-on était celui qui servait à différencier un homme d'une femme. Bref l'enseignement ici permettait une meilleure réintégration sociale. Le niveau éducatif quant à lui concernait le savoir-vivre, la formation de la personnalité et le modelage des comportements. Dans ce sens, une bonne partie de l'éducation portait sur la confrontation de l'enfant à des épreuves qui avaient pour objectif d'éprouver sa force. Ces épreuves rudes, douloureuses, avaient pour but principal de montrer à l'enfant que rien dans la vie ne pouvait s'obtenir sans sacrifice et comme le montre nos contes de l'orphelin Noana et ses soeurs, The orphan Boy, l'orpheline et la vieille femme, c'est par la souffrance et la douleur que l'enfant réalise des choses incroyables, c'est par le combat qu'il réussit à sortir victorieux de l'épreuve qu'est la vie et comme le dit Alain, 1986): « la grande affaire est de donner à l'enfant une haute idée de sa puissance, et de le soutenir par les victoires; mais il n'est pas moins importants que ces victoires soient pénibles et remportés sans aucun secours étranger » L'objectif donc de ces épreuves pénibles consistait à montrer que l'enfant ne pouvait s'attribuer le statut d'homme que s'il pouvait se transcender, accepter la douleur et la souffrance sans crier, sans pleurer sous peine d'être traité de femme, de lâche. Il est important de dire que cet enseignement social était toujours mêlé à de la mystique, de la magie qui donnaient aux enfants, l'impression d'être dans un monde au-delà du réel. Comme nous le montre Philippe Laburthe- Tolra en parlant de l'initiation « Sô »8(*)chez les béti (l'initiation qui est évoquée dans le conte L'union fait la force), on avait recourt à un moment de l'initiation à des moyens et pratiques magico-religieux que les initiateurs prenaient souvent le soin de cacher. Cette façon de mêler l'enseignement social (réel) à un enseignement (irréel) participe de la vision du négro-africain de percevoir le monde réel et le monde irréel comme un seul et unique monde. Il n'y a qu'avoir comme nous l'avons déjà dit la prédominance du merveilleux qui rapproche les contes des mythes. S'il est clair que l'initiation, était le moyen par lequel la société assurait la continuation et la perpétuation de ses richesses aussi bien culturelles que religieuses en tant qu'elle était: «le rappel périodique et solennel des valeurs fondamentales du village du clan ou de l'ethnie », il convient d'apporter ici quelques limites aux pratiques initiatiques surtout dans l'éducation de l'enfant dans la société africaine traditionnelle. Comme toute oeuvre humaine pensée, conçue et mise en oeuvre, l'initiation en tant qu'elle était un enseignement stricte des valeurs ancestrales à travers les mythes et autres genres de la tradition orale, en tant qu'elle avait pour objectif la conformation du comportement, de la personnalité de l'enfant aux archétypes sociaux et à la mentalité traditionnelle, ne permettait pas une remise en cause de la société dans ses fondements. L'enseignement conservateur ne laissait pas de place à un certain évolutionnisme dans la pensée de l'enfant tant elle était enfermée dans le passé et les traditions. L'enfant étant le père de l'homme. Lorsqu'on va plus loin on se rend compte que la situation de l'Afrique aujourd'hui (continent sous-développé), prend sa source dans cet enfermement dans le passé qui empêchait d'amorcer les échéances et d'asseoir une logique constructive pour le futur. L'enseignement magico-religieux donné dans le cadre des initiations et même parfois dans le cadre social rendait l'enfant non pas un être au monde mais un être asocial constamment entrain de vivre dans un au-delà où la mystique et la sorcellerie prévalent et prédominent. La place donnée aux idées innovatrices était tellement nulle que rien ne pouvaient ébranler la société traditionnelle dans ses fondements. Les idées novatrices étaient considérées et jugées comme individualistes et donc contraire à l'esprit de la communauté et de la solidarité qui ne donne de la valeur qu'à l'individu pris dans l'étau du groupe. L'apparition de certaines maladies parfois infectieuses dans les camps d'initiation était la résultante des conditions hygiéniques précaires. De plus,la mort de certains initiés à l'image de Ngo Lipem ternissait quelque peu la mission de l'initiation qui était de former et d'éduquer car, l'éducation suppose aussi des échecs qui sont nécessaires pour façonner des réussites Mures. Ce sont ces quelques limites à apporter à l'initiation dans l'éducation de l'enfant dans la société africaine traditionnelle. * 8 Le « so » en effet comme le montre Laburthe Tolra dans : initiatiques et société secrètes au Cameroun : essai sur la réligion béti, avait pour effet de lever les interdits pour donner accès aux viandes reservées aux hommes : potamochère, serpent python, etl'antilope qu'on appelle « So ».Cette initiation était reservée uniquement aux garçons .le non initié qui gouttait à la viande interdit pouvait avoir une maladie grave. |
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