Chapitre premier/- La budgétisation par
programmes
14 OCDE, « Les traitements du privé pour le public
», éditions OCDE, Paris 1993. P.13.
15 Khochtali (A), « Budgétisation et
gouvernance publique transparente en Tunisie » in colloque
international `5ème Réunion annuelle des hauts responsables du
budget des pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du nord' organisé par
l'OCDE et l'Ecole Nationale des Finances sous l'intitulé le 15 et
16 novembre 2012.
16
« Le passage d'une logique de moyens à une
logique de résultats se manifeste par l'abandon de la
budgétisation par postes de dépenses, matérialisés
par des chapitres budgétaires, pour faire place à une
budgétisation par programmes»16.
Une budgétisation par programmes correspond à
une présentation par programmes traduisant les politiques publiques,
mais aussi un mode d'affectation des crédits lié aux coûts
de la politique publique par rapport aux objectifs et aux résultats
escomptés.
Ce nouveau mode de budgétisation présente un
processus en cours d'élaboration au niveau du cadre budgétaire
tunisien nécessite une segmentation des politiques publiques tout en
identifiant clairement la destination précise des crédits et en
faisant le découpage des actions entreprises conformément,
à la politique publique définie.
Ce mode de budgétisation permet de faire un lien
interactif entre l'allocation et les résultats recherchés par les
politiques menées.
Pour être conforme à l'esprit de ce nouveau
système, la programmation budgétaire doit être
stratégique (Section1) dans le sens où, elle doit traduire la
stratégie et la politique publique choisie par le gouvernement.
Toutefois, on ne peut pas mesurer les résultats des objectifs
assignés sans le recours à des indicateurs de performance
(section 2), clé de voûte d'une budgétisation par
programmes.
Ainsi, selon le témoignage de Gérard Braun :
« La plupart des grands pays industrialisés ont
profondément réformé leur procédure
budgétaire et leurs méthodes comptables au cours des
dernières années. Ces réformes ont
généralement visé à mettre en place des budgets
axés non plus seulement sur les moyens,(...), mais surtout sur des
objectifs qu'il s'agit d'évaluer grâce à des indicateurs de
résultats pertinents »17.
Section 1. La programmation budgétaire
stratégique :
La Tunisie s'est engagée dans la transformation de son
cadre de gestion budgétaire, afin de développer une approche
budgétaire axée sur les résultats, désignée
sous la bannière de la GBO. La nouvelle gestion publique implique de
placer le budget dans une perspective pluriannuelle.
La technique de la pluri-annualité crée un cadre
budgétaire propice à la bonne gouvernance ;
La pluri- annualité exige que le gouvernement indique
clairement ses priorités à moyen terme. Avec cette
démarche, il est plus difficile pour un gouvernement d'échapper
à ses engagements puisque, il est tenu de faire face aux coûts de
ses engagements.
16 Catteau (D), La LOLF et la modernisation de la gestion
publique, édition Dalloz, France, 2008. P.35.
17 BRAUN (G), Rapport d'information intitulé,
fait au nom de la commission des finances, « Etude comparative portant sur
la réforme de l'Etat à l'étranger », n°348
(2000-2001).
www.sénat.fr. (Page
consultée le 23/06/2013).
17
La règle de la pluri-annualité permet une
maîtrise des dépenses publiques puisque, elle institue
l'établissement des projections de différentes dépenses du
budget et renforce la pérennité des politiques publiques et une
meilleure allocation des ressources.
« .. La pluriannualité facilite la mise en
place de réformes structurelles et la réalisation
d'économies. La fixation de plafonds pluriannuels pour chaque
ministère :
- Clarifie le volume des
économies exigés sur les trois années à venir
;
- Exige la mise en place de
réformes durables au lieu de mesures d'austérités
provisoires ... »18, écrit Richard HUGUES.
Pour mieux cerner la question d'une programmation
budgétaire à moyen terme, il convient tout d'abord de
s'arrêter aux exigences de cette programmation (§1er)
afin de, relever les instruments de sa mise en oeuvre
(§2ème).
Premier paragraphe/- Les exigences d'une
programmation budgétaire à moyen terme :
La programmation budgétaire à moyen terme met
en cause, le principe de l'annualité budgétaire (A) «
dans la mesure où, elle constitue la seule technique qui confère
à certaines prévisions et autorisations budgétaires une
dimension pluriannuelle. Du fait de la programmation des dépenses, le
budget perd, du moins en partie son caractère annuel
»19.
Au surplus, la programmation budgétaire à moyen
terme est liée par une procédure précise qui doit
être respectée (B).
A- L'infléchissement du principe d'annualité
:
Le principe de l'annualité signifie que,
l'autorisation de percevoir les ressources et de réaliser les
dépenses, donnée par la loi de finances, n'est valable que pour
une année.
L'article 1er de la loi n° 67-53 du décembre 1967
portant LOB dispose que :
« La loi de finances prévoit et autorise,
pour chaque année, l'ensemble des charges et des ressources de l'Etat
».
Et l'article 2 du même texte ajoute que : «
L'année budgétaire commence le 1er janvier et se termine le
31 décembre».
Le principe d'annualité budgétaire est un
principe simple à comprendre théoriquement. Mais, contraignant au
niveau de la pratique.
18 Huges (R ), « Le budget pluriannuel au Royaume-Uni
» in `La bonne gouvernance des finances publiques dans le monde'
(S. dir Michel Bouvier), édition LGDJ. France. 2010. P.229.
19 Chelli (S), « Programmation des dépenses
d'investissement et annualité budgétaire », RTD.
1982. P.432.
18
Dans ce sens, le professeur Ahmed Essoussi à
estimé que : « Le principe d'annualité représente
un cadre étroit et par trop rigide »20 notamment,
en ce qui concerne les dépenses ;
«...Pour les dépenses, la situation est (...)
complexe puisque, celles-ci présentent des périodicités
diverses allant d'un jour jusqu'à plusieurs années. Il a donc
été nécessaire de prévoir des dérogations
autorisant la souplesse nécessaire de à l'accomplissement des
opérations budgétaires...»21.
Une application stricte du principe d'annualité
budgétaire suppose que, tout crédit prévu au budget d'un
exercice soit utilisé lors de l'exécution de ce budget, ou,
à défaut, il fait l'objet d'une annulation. Cela interdit toute
faculté de report consistant à renvoyer sur l'exercice suivant le
crédit budgétaire qui n'aurait pas été
dépensé.
Cette règle renvoie à un système
précis d'exécution des opérations financières de
l'Etat ; des établissements publics dotés d'un budget
rattaché pour ordre au budget de l'Etat et des fonds spéciaux du
trésor qui est le système de la gestion consacré par
l'article 44 de la LOB.
L'exécution de la loi de finances doit être
réalisée dans l'année civile administrative,
c'est-à-dire entre le 1er janvier et le 31 décembre
date à laquelle les crédits non utilisés sont
annulés. A contrario, la règle de l'annualité interdit
d'inscrire dans la loi de finances des autorisations budgétaires portant
sur plusieurs années hormis, les exceptions prévues par la
loi.
A la lumière des contraintes que suscite le principe
d'annualité, une exigence d'infléchissement dudit, principe s'est
présentée avec acuité particulière au niveau de la
pratique.
En pratique, le cadre annuel du budget a été
assoupli et dans certains cas de figure, il a même été
écarté ; en effet, le législateur a admis son
dépassement dans le cadre de la comptabilisation annuelle des recettes
et des dépenses de gestion et dans le cadre des dépenses de
développement ;
La comptabilisation annuelle des recettes et des
dépenses qui permet de clôturer l'année budgétaire
et de préparer la loi de règlement du budget de l'Etat se fait
donc, selon le système de la gestion22.
Celui-ci consiste à ne comptabiliser que les recettes
et les dépenses effectivement encaissée et payées à
la date du 31 décembre.
Dans le même sens, l'article 3 du code de la
comptabilité publique (CCP ci-après) apporte une analyse
détaillée quant au fonctionnement du système de la
gestion, puisqu'il précise que:
20 ESSOUSSI (A), Finances publiques, édition
Latrach, Tunisie. 2013. P.51.
21 Ibid.
22 L'autre système d'exécution du budget est le
système de l'exercice qui consiste à comptabiliser toutes les
recettes et les dépenses autorisées par la loi de finances
quelque soit la date du paiement ou de l'encaissement.
19
« Les opérations financières de l'Etat
... (des établissements publics, des collectivités publiques
locales et organismes assimilés) ... sont exécutées dans
le cadre du système de la gestion. Sont seules considérées
comme appartenant à la gestion et au budget correspondant, les recettes
encaissées et les dépenses ordonnancées dans les douze
(12) mois de l'année budgétaire ....»
Dans ce même cadre, L'article 89 du CCP précise que
:
« Les engagements de dépenses s'imputent sur
les crédits du budget de l'année en cours (...) et que (...)
l'exécution des dépenses courantes doit se faire au plus tard le
31 décembre de la même année ».
Enfin, l'article 92 du CCP prévoit que : «
Les engagements dont l'exécution prévue pour le 31
décembre au plus tard n'a pu intervenir à cette date, ou dont,
l'ordonnancement n'a pu être effectué avant la clôture de la
gestion, sont annulés. Les dépenses correspondantes peuvent faire
l'objet d'un nouvel engagement sur les crédits ouverts pour les
mêmes services au budget de l'année suivante.»
D'après toutes ces dispositions, il résulte que
le système applicable est celui de la gestion, qui désigne que
:
· Les opérations financières de l'Etat
doivent être, réalisées entre le 1er janvier et le 31
décembre ;
· Les crédits non utilisés sont
annulés le 31 décembre. ;
· Les dépenses déjà engagées
mais, non achevées au 31 décembre, ne peuvent pas être
réalisées et sont annulées (à charge du vote de
nouveaux crédits pour l'année suivante)23.
En Tunisie, le législateur a choisi le système
de la gestion tout en introduisant un certain nombre d'aménagements
permettant de prolonger l'année civile de vingt jours pour prolonger le
délai d'exécution de la loi de finances.
Par ailleurs, l'Etat appelé à réaliser
des programmes de développement et des dépenses d'investissement
qui, par nature, ne peuvent s'inscrire dans le cadre limité d'une
année ce qui porte atteinte au principe de l'annualité. Il a
fallu chercher un équilibre entre deux objectifs contradictoires : la
nécessité politique du contrôle annuel du parlement et la
nécessité économique de l'investissement à long
terme. Le législateur a mis en oeuvre des outils juridiques qui
réalisent cette conciliation.
Dans les articles 13 et 14 de la LOB, il fait la distinction
entre l'autorisation des crédits de programmes qui concerne une
opération dans son ensemble et qui est valable sans limitation de
durée et l'autorisation des crédits de paiement qui intervient
chaque année pour l'ensemble des crédits effectivement
réalisés au cours de l'année et qui sont inscrits dans la
loi de finances (LF). Et les crédits d'engagement, qui constituent la
somme maximale des crédits autorisés par loi de finances pour
l'exécution annuel du projet (estimation annuelle).
Le principe d'annualité a connu plusieurs
dérogations ; il s'agit de la pratique de plus en plus, répandue
des reports de crédits. Il s'agit de permettre à un crédit
budgétaire non consommé au
23 Chikhaoui (L), Cours des finances publiques, ENA.
Tunisie. P. 24. (Disponible sur le site :
www.ena.tn)
20
titre d'un exercice et qui devrait donc, être
annulé d'être ouvert à nouveau au titre de l'année
budgétaire suivante selon une procédure simplifiée.
Ainsi, les excédents des fonds du trésor sont
reportables d'année en année indique l'article 21 de la LOB, cet
assouplissement se situe dans le cadre de la nouvelle gestion publique qui vise
à responsabiliser les gestionnaires en raccordant la possibilité
d'atteindre les objectifs voulus en contrepartie, d'une certaine souplesse des
règles d'exécution.
La budgétisation par programme implique de placer le
budget de l'Etat dans une perspective pluriannuelle. Une telle perspective
suppose l'infléchissement du principe d'annualité, mais
également le respect de la procédure du cadre de dépenses
à moyen terme.
Ce mode de budgétisation permet de donner un nouvel
élan à l'action publique basé sur les priorités
stratégiques du gouvernement, la programmation pluriannuelle se
présente ainsi comme la claire expression des choix budgétaires
de l'Etat.
B- Le respect de la procédure du
Cadre des Dépenses à Moyen Terme :
Le CDMT se passe par une procédure dite, de
budgétisation en deux temps (Voir annexe n°1) composée de
deux phases selon le schéma directeur pour le développement d'une
gestion budgétaire par objectifs en Tunisie : une phase de cadrage et
une phase de préparation des prévisions budgétaires.
La phase de cadrage visant à tracer la politique
budgétaire afin d'assurer, le lien entre les objectifs visés et
le budget de l'Etat.
La phase de cadrage est basée sur la préparation
d'un TOFE prévisionnel et un CDMT global. Par ailleurs, un schéma
de référence d'application de la procédure CDMT peut
être tracé « Préalablement à
l'établissement de ce cadrage, et pour lui fournir des
éléments, les ministères sectoriels préparent dans
certains pays des CDMT sectoriels initiaux comprenant: la mise à jour
technique des CDMT préparés l'année
précédente, sans accroissement de leur enveloppe
financière, cette mise à jour donnant les dépenses de
référence mentionnées ci-dessus et
présentées de manière clairement séparée de
ces CDMT mis à jour, des propositions d'initiatives nouvelles
»24.
En ce qui concerne, la deuxième phase qui est la phase
de préparation des prévisions budgétaire, celle-ci
comportant les arbitrages inter-sectoriels qui sont effectués par les
ministères sectoriels sous l'approbation du ministre des finances tout
en respectant les plafonds des dépenses déterminées dans
la phase de cadrage25.
Il revient également, au ministre des finances de
vérifier la cohérence de propositions sectorielles par rapport
aux plafonds des dépenses et les objectifs stratégiques
assignées dans le plan du développement ainsi que, les autres
documents stratégiques.
24 Schéma directeur pour le développement d'une
gestion budgétaire par objectifs en Tunisie, Banque mondiale Mars2009.
Tunisie. P.12.
25 Ibid.
21
L'introduction de la pluri-annualité dans la
procédure budgétaire constitue une étape nécessaire
pour l'approfondissement d'une gestion publique axée sur les
résultats.
La question qui se pose, à cet égard, est de
savoir : quels sont les instruments d'une programmation budgétaire
pluriannuelle ?
Deuxième paragraphe/- Les instruments de
programmation budgétaire à moyen terme :
Il s'agit d'inscrire le budget dans un cadre pluriannuel
permettant d'assurer le suivi entre le budget en cours, le budget en
préparation et les budgets futurs de manière à assurer une
certaine continuité financière.
Cette planification glissante peut prendre la forme d'un Cadre
de Dépense à Moyen Terme (CDMT) généralement
triennal qui est d'ailleurs, en cours d'élaboration en Tunisie en vue de
GPO26.
Les instruments de programmation budgétaire à
moyen terme se résument à la préparation d'un cadre
macro-économique à moyen terme (A) et un Tableau des
Opérations Financières de l'Etat (TOFE) prévisionnel
(B).
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