Section2. Un Contrôle de gestion propice à
une gestion axée sur les résultats :
Le contrôle de gestion est « ...un dispositif
qui vise à alimenter et objectiver le dialogue de gestion entre les
différents niveaux d'une administration, en apportant les outils de
connaissance des coûts, des activités et des résultats
permettant d'améliorer le rapport entre les moyens engagés et les
résultats obtenus ». Le rapport entre contrôle de
gestion et dialogue de gestion sont donc très étroit.
Le contrôle de gestion permet d'aider les responsables
d'administration à piloter les programmes publics déjà
tracés,
Au surplus, « Le pilotage des administrations(...)
nécessite (...), la compréhension synthétique de la
performance de chaque secteur sous ces différents aspect et pour
l'ensemble des activités »87
En effet, le contrôle de gestion est un outil de
pilotage qui s'insère dans le cadre de revalorisation des
méthodes de la gestion publique. La Tunisie a connu déjà
des avancées importantes au niveau du pilotage de la réforme
(§1er). Néanmoins, des contraintes se présentent face
à la réforme souhaitée, entravent la phase
d'expérimentation de la GBO sur le terrain de l'exécution
budgétaire (§2ème).
Paragraphe première/- Les avancées
réalisés au niveau du pilotage de la réforme :
87 Abate (B), La nouvelle gestion publique,
édition LGDJ, France. 2000. P.55.
48
Les structures de pilotage de la GBO se manifestent à
travers l'institution du comité de pilotage interministériel, le
"Comité ministériel pour la coordination et la conduite du projet
de réforme de la gestion du budget de l'Etat par objectifs". Ce
comité, crée par le décret N° 2007-893 du 10 avril
2007 est présidé par le Premier ministre. Douze ministres et le
secrétaire général du gouvernement en sont membres
;
Le pilotage de la réforme a été
renforcé par la mise en place des unités de gestion par objectifs
ces unités peuvent être créées par décret sur
proposition du ministre concerné après avis du ministre de
finances.
La distinction doit être claire entre l'unité
`centrale' de gestion par objectifs chargée de la coordination
de la réforme. Cette unité est rattachée au
ministère des finances Elle devra être chargée du
secrétariat du comité de suivi et d'évaluation et du
groupe interministériel de pilotage. Elle aura, entre autres, pour
tâche de:
- Produire les documents de support (notes
méthodologiques, directives, instructions, etc.) nécessaires aux
travaux d'expérimentation de la réforme.
- Produire des documents d'information à 1'intention
des ministères sectoriels et d'autres instances gouvernementales sur la
réforme budgétaire.
- Apporter assistance et conseil aux unités de gestion par
objectifs des ministères.
- Gérer les assistances techniques appuyant la mise en
place de la GBO (préparation des termes de référence,
choix des intervenants selon les procédures en vigueur, supervision des
contrats, etc.).
- Coordonner les activités des groupes de travail.
Et `Les unités de gestion par objectifs (UGBO) des
ministères'. Ces unités sont en cours de
mise en place dans les ministères pilotes. Il est prévu qu'elles
soient directement rattachées auprès du ministre concerné.
Il sera nécessaire qu'au moins deux cadres travaillent à temps
plein pour ces unités. Les effectifs de ces unités seront ensuite
renforcés, notamment en leur adjoignant des cadres formés au
contrôle de gestion. Les unités GBO seront mises en place dans les
autres ministères en fonction du rythme de généralisation
de la GBO88.
Par ailleurs, il y a les unités de projet par objectifs
prenons a titre indicative l'exemple du Décret n° 2006-1433 du 22
mai 2006, modifiant le décret n° 2004-1107 du 17 mai 2004 portant
création d'une unité de gestion par objectifs pour la
réalisation du projet de mise à niveau des circuits de
distribution des produits agricoles et de la pêche et fixant son
organisation et les modalités de son fonctionnement, ainsi que le
décret no 2013-2896 du 10/07/2013 portant modification du décret
n° 2001-2795 du 6 décembre 2001, portant création d'une
unité de gestion par objectifs pour la réalisation du projet de
développement agricole intégré du bassin minier du
gouvernorat de Gafsa et fixant son organisation et les modalités de son
fonctionnement etc.
Les ministères pilotes concernés par la GBO ont
pratiquement suivie la même démarche consiste à choisir des
programmes publics, fixer des objectifs liés à ces programmes,
designer les responsables des programmes publics et établir des
indicateurs de performance permettant de mesurer la réalisation des
objectifs assignées. Cette démarché s'insère dans
l'optique de rationaliser les choix publics afin d'accroître
l'efficacité de l'action publique.
88 Schéma directeur pour le développement d'une
gestion budgétaire par objectifs en Tunisie, Banque mondiale Mars2009.
Tunisie. P.55.
49
Prenons ainsi l'exemple, du ministère de l'enseignement
supérieur et la recherche scientifique concernant le programme public
orienté aux universités dans le but de promouvoir la
qualité de l'enseignement supérieur dont, le ministère a
fixé un ensemble des objectifs généraux ; Contribuer au
développement de l'économie du savoir, développer la
compétitivité du système productif et l'innovation et de
la recherche et des objectifs spécifiques consistent a assurer une
prestation d'enseignement supérieur à tous les bacheliers,
améliorer le rendement interne des établissements de
l'enseignement supérieur, promouvoir la production scientifique,
développer l'innovation pédagogique, favoriser l'insertion dans
l'environnement et développer l'employabilité et la
création des entreprises
Tous ces objectifs sont liés par un tableau de bord
comportant ; le taux d'inscription dans l'enseignement supérieur, la
proportion de la population active disposant de formation supérieure, le
nombre de places offertes par filière, le nombre d'enseignants par
spécialité, le coût du diplômé, le taux de
passage, de redoublement et d'abandon par niveau et par filière, le
nombre d'enseignants ayant eu une formation pédagogique par
spécialité, etc89.
Du même, le ministre de l'agriculture a mis en place un
budget de programmes. Selon le bilan économique de l'agriculture et de
la pèche pour 2013, les programmes publics amenées par ce
ministère s'intègre dans l'objectif de ;
- Soutenir les efforts pour parvenir à la
sécurité alimentaire
- Renforcer la compétitivité et la promotion des
exportations - Serrer l'exploitation des ressources naturelles
Il convient de souligner que, c'est seulement les
ministères pilotes de la première vague (Ministère de
l'agriculture, ministère de l'enseignement supérieur et la
recherche scientifique, ministère de l'emploi et la formation,
ministère de l'éducation et ministère de la santé
publique) et la deuxième vague ((Ministère des
finances. Ministère de l'industrie Ministère de
l'équipement. Ministère du transport) sont parvenus à
présenter leurs budgets sous forme GBO avec des projets de performance
et leurs cadres de dépenses à moyen terme correspondants.
(Ministère des finances. Ministère de
l'industrie Ministère de l'équipement. Ministère du
transport).
Les UGBO reflètent l'insertion de la nouvelle logique
de GPO et sa substitution à l'ancien budget de moyens, au niveau de
l'échelle national.
Faut-il amplifier une logique de centralisation ou
décentralisation pour implanter la GBO au sein de l'administration ?
L'enjeu de la question est fondé car, il relève
de la pratique qu'il existe deux manières d'élaborer et de
communiquer des objectifs ;
« La première est la gestion de direction, les
cadres supérieurs se chargeant alors, d'établir tous les
objectifs pour ensuite, le faire connaître aux gestionnaires de
l'échelon intermédiaire
89 V/ Appui analytique du développement du budget par
objectifs, analyse du cadre conceptuel des budgets par objectifs, Banque
internationale pour la reconstruction et le développement région
Moyen-Orient Afrique du nord département du développement
économique et social Juillet 2005.P.87.
50
qui les transmettent à leur tour aux cadres
inférieurs. La communication s'effectue donc, à sens unique. Du
haut vers le bas. La seconde manière de procéder consiste
à faire participer les gestionnaires des nouveaux intermédiaire
et inférieur à la détermination des objectifs et jouer un
rôle actif lors de la discussion, de la révision et de
l'approbation de tous les objectifs »90.
Il nous paraît que, la seconde démarche est plus
favorable à la logique de la GBO puisque, elle assure une communication
continue du département vers sa haute hiérarchie, c'est la
méthode qui convient plus à la logique de la nouvelle gestion
publique qui est une méthode interactive.
Les UGBO entraînent la réorganisation des
structures étatiques, tant que la GBO repose sur un engagement des
différents acteurs en scène en vue de réaliser les
objectifs escomptés. Ainsi, nous remarquons un va- et- vient successive
entre les divers ministres ; le ministre de finances, le première
ministre et le ministre concerné des projets des unités en se
référant ainsi à l'article 3 du décret
n°96-1236, portant création des unités de gestion par
objectifs qui dispose qu':
«Une commission créée au sein du
ministère concerné est chargée d'examiner toutes les
questions relatives au suivi et à l'évaluation des missions
confiées aux unités de gestion par objectifs ».
La Commission de suivi et d'évaluation des missions
dévolues à l'unité de gestion par objectifs. Elle a
été crée par arrêté du Premier ministre du 27
février 2007. Elle est présidée par le ministre des
finances ou son représentant. Elle comprend deux représentants du
premier ministère, quatre représentants du ministère des
finances, un représentant du ministère du développement et
de la coopération internationale et un représentant de la Cour
des comptes.
Cette commission est appelée à jouer un
rôle essentiel dans le suivi technique de la réforme. Elle devrait
se réunir au moins trimestriellement, afin de faire des recommandations
au Comite de pilotage interministériel sur tous les aspects de la
reforme budgétaire.
La nouvelle gestion publique exige un savoir faire et une
compétence pour mener à bien le pilotage du projet de la
réforme engagé. Toutefois, des obstacles et les limites
rencontrés au niveau du cadre budgétaire et administrative
entravant l'expérimentation de la GBO sur le terrain.
Deuxième Paragraphe/-
l'expérimentation entravée de la gestion budgétaire par
objectifs sur le terrain de l'exécution budgétaire
:
La mise en oeuvre de la GBO sur le terrain de
l'exécution budgétaire affronte plusieurs difficultés :
une difficulté au niveau de l'adaptation des textes juridiques, mais
aussi au niveau du contexte ;
L'inadaptation du cadre juridique revient à la lenteur
au niveau de la progression de la réforme entre les ministères
pilotes tant en ce qui concerne la présentation par programmes,
90 EL BOGHADI (M. Jamel), les apports de la nouvelle loi
organique du budget, mémoire pour l'obtention du mastère en
droit public et financier, Faculté des Sciences Juridiques Politiques et
Sociales Tunis2. 2006. P.31.
51
ainsi que, l'appropriation des concepts, des instruments et
des méthodes de la GBO, et un cadre de gestion budgétaire
traditionnel.
Compte tenu de ce décalage grandissant, il devient
indispensable de permettre aux ministères pilotes de passer à une
nouvelle étape de la réforme sur le terrain de la gestion sans
attendre une révision complète du cadre législatif et
réglementaire. Il s'agit en effet, de répondre à l'attente
des responsables et gestionnaires de programmes qui se sont fortement investis
dans la démarche de réforme en permettant ainsi, de les
responsabiliser et de continuer à les motiver91 .
Dans ce même sens, il convient de relever la
réforme inachevée de la nomenclature budgétaire qui a eu
lieu, en effet, le législateur tunisien a introduit une nouvelle
architecture budgétaire sans l'avoir accompagnée d'une adaptation
nécessaire à la nouvelle gestion publique.
« La LOB continue à se référer
au chapitre budgétaire comme cadre unique de virement et de transfert
des crédits (article 35 et 36 de la LOB). Surgit alors, à nouveau
le problème de la combinaison entre deux nomenclatures
financièrement distinctes »92.
Présenté par chapitre, la nomenclature
budgétaire actuelle ne décrit pas l'action
gouvernementale. Mais, une suite de masses financières
regroupées par nature sur lesquelles des votes sont
émis93.
L'inadaptation se manifeste au niveau du contrôle
exercé dans le cadre des unités de gestion par objectifs ce
contrôle qualifié par Kamel Ben Messaoud d'un contrôle
« mal agencé »94
Cette qualification se justifie par la prolifération
inutile du nombre des commissions de suivi et d'évaluation des UGBO au
sein du même ministère et pour le même secteur qui ne fait
qu'instaurer un cadre rigide et lourd par conséquent, une lenteur au
niveau de l'accomplissement des tâches confiées à ces
unités.
Par ailleurs, l'article 5 du décret de 1996 portant
création des UGBO dispose que « le ministre concerné
soumet un rapport annuel au premier ministre sur l'activité des
unités de gestion par objectifs relavant de son autorité,
notamment, en ce qui concerne les ressources et les résultats
réalisés par rapport aux objectifs fixés »
Ce procédé aurait été plus utile
s'il était institué entre le directeur de l'UGBO et son ministre,
ce dernier serait tenu informé du rythme d'avancement dans la
réalisation des difficultés rencontrées de les cerner,
d'en rechercher l'origine et d'y faire face grâce aux pouvoirs reconnus
à chaque ministre.
91 Bouvier (M) et Esclassan (M-Ch), Rapport intitulé
« Nouvelle gouvernance financière publique et réforme des
dispositifs de contrôle dans le cadre de la GBO en Tunisie », 23 mai
2011. P.12.
92 Ajroud (J), Op, cit P.99.
93 Mehrez (W), « L'évaluation de la gestion
budgétaire », Mémoire pour l'obtention d'un diplôme de
mastère
en droit public, Faculté de droit et des sciences
économiques et politiques de Sousse. Tunisie, 2010-2011. P.59.
94 Ben Messaoud (K), « Les unités de gestion par
objectifs », Actualités Juridiques Tunisiennes,
N°20-2007. P.28.
52
Sur un autre plan, le système comptable, instrument
nécessaire du contrôle de gestion à besoin d'une
réforme et une révision pour l'aligner aux standards
internationaux en la matière pour répondre aux exigences de la
nouvelle gestion publique ;
En vertu des articles 5-1, article 68 alinéa 2 et
l'article 196 de la loi n°73-81 du 31 décembre 1973, portant
promulgation du code de la comptabilité publique les opérations
financières effectuées par les comptables publics sont soumis au
système de la comptabilité à partie double ou dite
comptabilité patrimoniale. Néanmoins, le système de la
comptabilité à partie double n'a reçu aucune
application.
Quelle sont les fondements d'une comptabilité a partie
simple et à partie double ?
En effet, dans la comptabilité en partie simple «
chaque phénomène...est observé d'un seul point de vue
; il n'est donc, saisi qu'une seule fois, dans un seul compte.
La procédure a l'avantage de la simplicité,
mais elle donne une description pauvre et entraîne une perte
d'information.
La méthode comporte une part d'arbitraire et
s'harmonise mal avec l'emploi de compte à deux colonnes pour
décrire un même événement, on peut hésiter
soit à le noter sur un autre compte, qui devra être
crédité. Il faut donc, une règle pour décider du
choix, entre plusieurs possibles, de l'unique compte qui sera utilisé et
par conséquent du signe de l'écriture qui y sera
portée....(page79) Il n'y a pas de liaison entre les
différents comptes, donc, pas de système général
d'information de l'entreprise ... »
Pour ce qui est de la comptabilité en partie double
« C'est une variété particulière de
comptabilité en partie multiple. Elle consiste à décrire
chaque événement à la fois de deux points de vue
différents en le faisant entrer dans deux classifications
différentes, c'est-à-dire en le notant simultanément sur
deux comptes différents. On a ainsi une description plus riche qu'avec
la partie simple (deux points de vue au lieu d'un seul) plus facile qu'avec la
partie multiple (quand le nombre de comptes utilisés à la fois
est supérieur à deux) »95
Autrement dit, la comptabilité a partie double se base
sur la correspondance entre des ressources et leur emploi entre une origine et
sa destination par contre la comptabilité à partie simple se
fonde sur la seule distinction des recettes et des dépenses et la
détermination d'un solde entre le total des dépenses et le total
des recettes.
Le système comptable tunisien est dominé par la
logique de légalité budgétaire par la conformité
des opérations budgétaire à l'autorisation
budgétaire alors qu'actuellement, on trouve de nouvelles exigences
liées à l'efficacité et l'efficience de la gestion
administrative à laquelle le système comptable doit faire
satisfaction.
Instaurer une logique de résultats au niveau du
système de la comptabilité publique suppose que les dispositions
susvisées entrent en pratique c'est par cette façon que l'on
pourra
95 Lassègue (P), Lexique de comptabilité,
3éme édition Dalloz, Collection Sirey. France.1993. P.76-79.
53
améliorer la gestion administrative par une information
financière fiable pivot d'une bonne décision
financière.
La GBO exige une culture administrative centrée sur la
performance et tournée vers la logique des résultats.
Néanmoins, la culture administrative actuelle dominée encore par
la rigueur, la routine la paperasse et la bureaucratie. Tandis que,
l'implantation de la nouvelle gestion publique exige une rupture a la gestion
classique qui est en train de se réaliser progressivement au sein de
l'administration tunisienne.
Pour insérer à l'esprit des fonctionnaires la
culture de performance dans la réalisation des objectifs
assignés, une étape de formation du nouveau processus semble
être indispensable c'est suite à cette réflexion que le
décret du 24 novembre 2003 a accordé à l'unité
chargée de la mise e place de la GBO la mission de « concevoir
un programme de formation des cadres dans le domaine de la gestion
budgétaire par objectifs »96. L'Ecole Nationale
d'Administration ainsi que l'école nationale des finances ont
inséré la GPO dans son cursus de formation.97
Selon le professeur Guy DESAUNAY « la gestion est
encore un art, et les techniques de gestion ne peuvent être
utilisés pour atteindre leur pleine efficacité que par des
individus qui possèdent les structures mentales adéquats qui font
vivre ces technique »98.
La réflexion de la nouvelle gestion publique doit
être conduite sur la base d'une nouvelle culture administrative
fondée sur la performance. Mais, également sur un diagnostic
approfondi des systèmes de contrôles, éléments
indispensables pour évaluer les politiques publiques mises en oeuvre.
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