La gestion par objectifs en matière budgétaire: L'expérience tunisienne( Télécharger le fichier original )par Siwar Cherif Faculté des Sciences Juridiques Politiques et Sociales de Tunis - Mastère de recherche en droit public 2012 |
Section deuxième. (...) A une répartition par objectifs des crédits :La réforme budgétaire de 2004 a ouvert de nouveaux horizons aux modèles de classification des dépenses par l'innovation apportée au niveau de la présentation budgétaire ouvrant la possibilité de répartir les crédits budgétaires en fonction des objectifs assignées. Il convient à cet égard, d'aborder le fondement d'une répartition par objectifs des crédits (§1er), afin d'enlever les limites pratiques (§2ème) de celle-ci. Premier paragraphe/- Le fondement d'une répartition par objectifs des crédits :L'unité de spécialisation des crédits par programmes constitue le fondement d'une répartition par objectifs 54 Jenayah (R), Thèse précité, Faculté de droit et des sciences politiques et économiques de Tunis. Tunisie, 1982. P.127. 55 Ibid. 34 L'unité de spécialisation des crédits par programmes est souvent liée au mode de budgétisation par programmes et elle s'insère dans le cadre de la nouvelle gestion publique, connu sous la forme du planning-programming- budgeting system (PPBS) aux Etats-Unis et la Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) en France. Ce mode de budgétisation a pour objectifs d'affiner les choix budgétaires en fonction des programmes publics. Il s'agit de procéder à l'évaluation préalable de l'utilité et l'efficacité des opérations budgétaires. En Tunisie, La loi organique du 13 mai 2004 modifiant la L.O.B du 8 décembre 1967 indique dans son article 11 alinéa 2 que : « La loi de finances peut autoriser l'affectation des crédits selon des programmes et missions »... « les programmes comprennent les crédits affectés à une action ou un ensemble d'actions homogènes mises à la charge de chaque chef d'administration en vue d'atteindre des objectifs déterminés et des résultats pouvant être évalués» et que « les missions comprennent un ensemble de programmes concourant à concrétiser une stratégie d'intérêt national ». Une mission est donc constituée de plusieurs programmes alors que, le programme concerne une seule administration. La mission concerne plusieurs administrations, ce qui représente une petite révolution dans la répartition organique des dépenses faite actuellement et depuis longtemps par chapitres selon les ministères. Pour que la budgétisation par programmes soit bien fondée, il faut que le programme soit l'unité de Spécialisation des crédits et non plus le chapitre ou la partie. Le programme devient également l'unité opérationnelle d'exécution du budget. « Le programme constitue également la base du dispositif d'affichage des stratégies publiques par les objectifs, les indicateurs et leurs cibles. Il s'agit de définir le périmètre de chaque programme (que comporte-t-il?), et de fixer les territoires respectifs des différents programmes. Le découpage en programmes demande d'examiner l'ensemble des programmes d'un même ministère, en discutant de leurs frontières respectives, et non pas de seulement examiner chaque programme l'un après l'autre ».56 À chaque programme sont associés des objectifs précis ainsi que, des résultats attendus. Les actions constituent un découpage indicatif du programme, elles apportent des précisions sur la destination prévue des crédits. Les programmes publics définissent le cadre de mise en oeuvre des politiques publiques pour chaque ministère. Chaque ministre désigne un responsable de programme chargé de mener les actions que comportent les programmes. 56 Guide Méthodologique de la Banque Mondiale-Tunisie `Etablissement des nomenclatures de programmes et présentation budgétaire `juin 2007. P.2. 35 Ce responsable de programme peut modifier la répartition des crédits par action et par nature selon le principe de fongibilité des crédits. , qui peut être définie comme la « Règle selon laquelle les ordonnateurs peuvent utiliser indifféremment les crédits relevant de plusieurs lignes budgétaires (paragraphes, articles voire chapitres actuels, au sein d'une même partie par exemple) figurant dans le périmètre de la fongibilité décrété. En effet, la répartition des crédits indiquée en annexe du projet de loi de finances n'est qu'indicative. Le but recherché est d'accroître l'efficacité de l'action publique en rationnalisant les dépenses publiques et en optimisant les ressources. Cette réforme ambitieuse nécessite plusieurs années de préparation, des essais, et d'apprentissage puisqu'il s'agit d'implanter une nouvelle culture centrée sur l'efficacité et le développement et donc, changer une mentalité par une autre centrée sur la performance. L'ensemble des missions et des programmes assortis des indicateurs consistent à évaluer les politiques publiques mises en oeuvre et retraçant l'impact attendu des dépenses publiques. Pour permettre à l'administration d'intégrer cette réforme budgétaire plusieurs guides méthodologiques ont été préparés afin de, clarifier les différents concepts et technique de la GBO. La nomenclature budgétaire a pour but de permettre une lecture lisible des comptes publics afin de, garantir un contrôle efficace du parlement. C'est dans ce cadre que le législateur tunisien a procédé à une rénovation de la nomenclature budgétaire dans le but de l'adapter aux exigences de la GBO. Cette rénovation se traduit notamment, à travers la nouvelle présentation des dépenses budgétaires qui s'établissent désormais, par missions et programmes. Une réforme se trouve donc, affirmée progressivement quoique, encore limitée au niveau de la pratique. Deuxième paragraphe /- Les limites pratiques d'une répartition par objectifs : Le législateur tunisien n'a pas procédé à un changement total de la nomenclature budgétaire. Selon l'article 11 de LOB aucune obligation ne pèse ainsi, sur l'exécutif de préparer un budget en mode GBO. Il s'agit tout de même d'une possibilité ouverte. Par ailleurs, établir un budget en mode GBO implique que l'unité de spécialisation des crédits soit non plus le chapitre ou la partie mais le programme. Toutefois, et même après la réforme de 2004, il reste que le vote des crédits ne s'effectue pas encore par programmes, La règle de la spécialité dans son acception classique est encore retenue. Ce qui nous fait penser que la Tunisie n'est pas encore au stade de la pleine consécration de la GBO57. 57 Ajroud (J), « La gestion budgétaire à l'heure de l'intégration euro-méditerranéenne », RTF, N°12-2009. P.295. 36 Sur un autre plan, la réforme initiée par l'article 11 précité a introduit le mode de budgétisation par objectifs, mais il ne s'agit pas de remplacer pas un mode de gestion par un autre. La réforme a tout simplement prévu la possibilité de combiner deux modes de gestion : une gestion basée sur une nomenclature organique et une gestion basée sur une nomenclature fonctionnelle ou dite matricielle. A la lumière de ce qui procède, il est clair que les inflexions apportées au niveau de l'unité de spéciation des crédits restent encore limités. D'autant plus que, la juxtaposition de deux modes de gestion, signe de prudence et d'hésitation, rend ardue la mise en oeuvre de la GPO. Mais cela n'empêche pas une progression au niveau des ministères tenus de préparer leurs budgets par programmes et missions, on peut se référer à cet égard, au circulaire n°12 du président du gouvernement concernant la préparation du budget de l'Etat 2014 et le cadre de performance des programmes souligne que les ministères de la première (Le Ministère de l'Agriculture, le Ministère de la Santé Publique, le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. le Ministère de l'Éducation nationale et le Ministère de la Formation professionnelle et l'Emploi.) et la deuxième vague (Ministère des finances. Ministère de l'industrie. Ministère de l'équipement et le Ministère du transport) concernés par la GBO sont tenus de présenter leurs budgets pour l'an 2014 sous la forme des missions et programmes selon un calendrier bien précis ce conformément, au décret n°3407-2012 du 31 décembre 2012 relatif à la répartition de la nomenclature budgétaire. Comme nous l'avons signalé au début, la réforme de la gestion publique est une réforme de tous le processus budgétaire (préparation, présentation et exécution budgétaire) et donc, il ne suffit pas de modifier les textes juridiques pour réussir la réforme, puisque, la réussite de la réforme est liée surtout à la capacité de qualification des ressources humaines, des procédures et des systèmes d'agir pour se conformer aux exigences du nouveau système, il convient d'aligner la culture administrative et la pratique budgétaire vers plus de performance et d'efficacité c'est désormais, la tâche la plus ardue dans la réforme. En un mot, on ne peut pas parler de la volonté des pouvoirs publics à revaloriser la gestion publique, sans la consécration d'une pratique budgétaire performante. 37 Deuxième partie. La consécration d'une pratique budgétaire centrée sur la performance : « L'expérimentation est avant tout une méthode qui repose sur l'observation d'un phénomène avant de dégager une théorie générale appliquée aux sciences...l'expérimentation a été aussi utilisée pour éprouver la pertinence et l'efficacité de certains réformes... »58. L'étape de l'expérimentation et la consécration de la GPO n'est pas évoquée dans le contrat de jumelage entre la Tunisie et l'Union Européenne59 alors, qu'elle constitue un laboratoire de nature à affiner les choix budgétaires qui sont effectués depuis plusieurs années. Autrement dit, l'expérimentation se présente comme une étape nécessaire à une éventuelle mise ne place de la GBO. Des travaux communs ont été menés à la demande de l'unité GBO entre celle-ci : les experts clé du jumelage, la direction du budget, le centre informatique et certains ministères expérimentateurs. Certains derniers ont pu présenter à titre indicatif des programmes en mode GBO. Cependant, la réforme est encore limitée, en raison des contraintes de la loi organique du budget qui est déjà en cours de révision et le manque des moyens pourraient instaurer une gestion réelle en mode GBO Pour adapter les prescriptions juridiques à la nouvelle gestion publique, une révision de la loi organique du13 mai 2004 peut être nécessaire, voire même une constitutionnalisation de certains principes ou mécanismes fondamentaux. Il est important de rappeler, à cet égard qu'une gestion opérationnelle en mode GBO ne vaut que si l'ensemble des guides thématiques sont mises en oeuvre pour donner un sens à l'expérimentation : une nomenclature adaptée, des contrôles allégés et simplifiés, des objectifs et indicateurs de performance et enfin, un pilotage par le responsable de programme capable de s'engager et de rendre compte. C'est notamment, l'objet du "protocole d'expérimentation de la GBO" qui donne les indications pour mettre en place celle-ci60. L'expérimentation concrète des ces éléments caractéristiques de la GBO ne peuvent être mises en place qu'à travers l'amélioration de l'information financière (chapitre premier), condition d'une évaluation effective des politiques publiques mises en oeuvre (deuxième chapitre). 58 Roux (A), « Réforme de l'Etat et l'expérimentation », in `La réforme de l'Etat' Jean Jacques Pardini et Claude Deves (s,dir). Actes du colloque international de Toulon (1er et 2 octobre 2004), édition Bruylant. Bruxelles 2007. P.87. 59 V/Fiche de jumelage-appui à la gestion budgétaire par objectifs, programme d'appui à la mise en oeuvre de l'accord d'association Tunisie-union européenne. 60 www.gbo.tn 38 |
|