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L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

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par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

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2- L'assimilation du trust au mandat

La jurisprudence française a eu recours à la notion de mandat pour qualifier le trust354(*). Or l'agency qui est l'équivalent du mandat anglo-saxon se caractérise par une subordination plus importante et par une contrepartie au profit du mandataire. Par ailleurs, l'agency a un domaine plus vaste que le mandat classique car il a vocation à régir la matière contractuelle et délictuelle. Les deux institutions demeurent néanmoins proches et permettent à une personne d'agir au nom et pour le compte d'autrui355(*). C'est la raison pour laquelle le trustee a été qualifié de mandataire par les juges. Le trustee doit administrer les biens en bon père de famille sous peine d'engager sa responsabilité. Il doit assumer ses obligations en respectant les règles équitables strictes qui régissent son comportement en se conformant aux stipulations de l'acte constitutif qui détermine les tâches lui incombant. Etant investi d'une mission de confiance, il est tenu d'une obligation de loyauté vis-à-vis des bénéficiaires. Le trustee ne doit pas acquérir un bien objet du trust et ne doit pas tirer profit du trust356(*).

Le trust se rapproche à certains égards du mandat mais s'en distingue également. En effet, le trustee ne peut être assimilé à un simple représentant. Il ne représente pas le settlor ou les cestuis que trust car d'une part, il est titulaire de la propriété légale. D'autre part, le trustee n'agit pas selon leurs instructions. Le mandant conserve ses droits et peut toujours agir en vertu de ses propres droits. De son côté, settlor disparaît dès la création du trust et ne peut plus exercer ses droits sur les biens mis en trust. Par ailleurs, le mandat civiliste se forme par contrat. Le mandant et le mandataire doivent réunir leur consentement pour former valablement la convention. Le trust exprès naît d'un simple acte unilatéral de volonté du settlor, qui n'implique pas d'échange des consentements avec le trustee. En outre, il semble plus judicieux de faire prévaloir le trust au mandat. Le mandat de droit civil expire en principe lors du décès du mandant357(*) alors que l'existence du trust est indépendante de celle du settlor. De plus, le mandat est révocable ad nutum358(*)alors que le trust est en principe irrévocable.

Dans une affaire célèbre, la jurisprudence a eu néanmoins l'audace d'assimiler le trust au mandat classique. Une personne de nationalité française avait souscrit des obligations émises par une société anglaise et à ce titre un trust avait été constitué en Angleterre. L'objet du trust était d'assurer la défense commune des droits des obligataires. La société anglaise a fait l'objet d'une procédure collective. L'un des obligataires français esta en justice contre la société afin que la réalisation de l'actif social soit ordonnée. Or l'instrumentum stipulait que ce droit d'action était réservé au trustee. Les tribunaux ont alors rangé le trust dans la catégorie du mandat et ont estimé que le mandat ne permettait pas à l'obligataire français d'exercer une action personnelle359(*). Une autre affaire est à l'origine d'un rapprochement entre le trust et le mandat. Le tribunal civil des Alpes-Maritimes a jugé que « le mandat à lui confié n'a rien de contraire à l'ordre public français ». Le trustee a pu réaliser seul l'actif de la succession en France et en disposer conformément à la volonté du testateur360(*).

L'assimilation du trustee à une catégorie du for passe ainsi par la reconnaissance de ses pouvoirs sans que l'acte constitutif du trust ait à recevoir un exequatur préalable. Il n'y a pas lieu de distinguer selon que le trustee exerce ses pouvoirs sur des meubles ou sur des immeubles361(*). La première chambre civile de la Cour de cassation a admis notamment que la décision étrangère, qui confère ou qui homologue le testament conférant aux personnes désignées des pouvoirs d'administration en matière successorale, produit ses effets en France indépendamment de toute déclaration d'exequatur, du moment qu'elle ne doit pas donner lieu à des actes d'exécution forcée en France362(*).

Dès que les pouvoirs du trustee sont reconnus, le juge a pour mission de l'assimiler à un acteur juridique du droit français. Une méthode comparatiste permet de transposer le trust dans l'institution française adéquate dans le but de mettre fin au litige. Le trustee a été qualifié par les tribunaux français d'exécuteur testamentaire363(*). En vertu de l'article 1025 alinéa 1er du Code civil, ce personnage est nommé par le testateur pour veiller ou procéder à l'exécution de ses volontés. L'exécuteur testamentaire est mis en cause en cas de contestation sur la validité ou l'exécution d'un testament ou d'un legs. Il intervient pour soutenir la validité ou exiger l'exécution des dispositions litigieuses364(*). En outre, l'exécuteur testamentaire peut prendre les mesures conservatoires utiles à la bonne exécution du testament. Il peut faire procéder à l'inventaire de la succession en présence ou non des héritiers. Enfin, il peut provoquer la vente du mobilier à défaut de liquidités suffisantes pour acquitter les dettes urgentes de la succession, au regard de l'article 1029 du Code civil. Cette qualification n'est pas conforme au droit de propriété du trustee sur les biens de la succession. En effet, l'exécuteur testamentaire en droit français n'a que les pouvoirs d'un mandataire. Sa mission ne peut pas excéder trois ans à compter de l'ouverture du testament365(*). Dans certains cas, le trustee peut être qualifié d'exécuteur testamentaire. Ainsi, en l'absence d'héritier réservataire acceptant, le testateur peut habiliter l'exécuteur testamentaire à disposer en tout ou partie des immeubles de le succession et procéder à l'attribution ou au partage des biens subsistants entre les héritiers et les légataires366(*). Sa mission est en principe cantonnée à la liquidation de la succession mais pendant cette phase transitoire, il est propriétaire des biens successoraux. En droit anglais, le trustee ne doit pas être confondu avec l'executor. Cet exécuteur testamentaire est chargé de payer les dettes de la succession et de transférer le solde aux légataires. De son côté, le trustee est le propriétaire légal des biens successoraux. Il doit gérer les biens de la succession pour le compte de bénéficiaires. Ces derniers jouissent d'un droit de propriété alors que les légataires sont seulement titulaires d'une action personnelle à l'encontre de l'exécuteur testamentaire367(*).

* 354 T. Civil de la Seine, 26/12/1894, JDI 1895. 587 : le trust avait pour objet de faciliter le paiement d'une pension à une femme séparée ; Toulouse, affaire Kerr, 18/07/1905, JDI 1906. 451 : le trust avait pour objet d'organiser la masse des obligations d'une société britannique. Confirmé par Civ 1ère, 19/02/1908, JDI 1912. 243 ; T. civil de la Seine, 19/12/1916, JDI 1917. 1069 : le trust avait pour objet de gérer une succession au-delà des obligations normales d'un exécuteur testamentaire ; Paris, 18/04/1929, Revue critique DIP 1935. 149 : le trust avait pour objet de gérer la fortune d'une femme mariée.

* 355 Article 1984 du Code civil : « Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

* 356 T. Civil de la Seine, 28/06/1901, JDI 1901. 812, p.813 : « les trustees ne sont en réalité que des mandataires chargés de gérer et d'administrer les biens du trust et d'en assurer la conservation et la transmission conformément aux volontés des constituants » ; M-F PAPANDREOU-DETERVILLE, « Droit des trusts et droit des biens », RLDC 2006, n° 25.

* 357 Article 2003 alinéa 3 du Code civil : « Le mandat finit : par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture, soit du mandant, soit du mandataire ».

* 358 Article 2004 du Code civil : « Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s'il y a lieu, le mandataire à lui remettre soit l'écrit sous seing privé qui la contient, soit l'original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l'expédition, s'il en a été gardé minute ».

* 359 Toulouse, affaire Kerr, 18/07/1905, JDI 1906. p.453 : « Les trustees ont le mandat d'agir au nom et pour le compte des obligataires, ces derniers ont renoncé à l'action individuelle qu'ils auraient pu exercer contre le débiteur en révoquant le mandat, comme la loi française le permet ».

* 360 T. Civil des Alpes-Maritimes, 22/02/1928, JDI 1929. 433, p.435 : le même jugement a toutefois ajouté que la loi américaine « a investi les trustees de la propriété de l'immeuble », ce qui souligne la difficulté à appréhender le trust.

* 361 Paris, 29/11/1952, JDI 1953. 140.

* 362Civ 1ère, 03/11/1983, n° 82-14003, Revue critique DIP 1984. 336, note Revillard.

* 363 T. civil de Nice, 02/05/1905, JDI 1911. 278 ; Crim, 04/06/1941, D. 1942 p.5 : la chambre criminelle de la Cour de cassation a admis qu'un public trustee new-yorkais agisse en réparation du préjudice causé par une infraction pénale ; T. civil de la Seine, 22/03/1967, Revue critique DIP 1968. 503 ; TGI Bayonne, 28/04/1975, JCP 1975, II. 18168 : le tribunal a opté pour l'application de la loi anglaise à une transmission testamentaire d'immeubles situés en France, quant au rôle du trustee dans la dévolution successorale.

* 364 Article 1028 du Code civil.

* 365 Article 1031 du Code civil : « Les habilitations mentionnées aux articles 1030 et 1030-1 sont données par le testateur pour une durée qui ne peut excéder deux années à compter de l'ouverture du testament. Une prorogation d'une année au plus peut être accordée par le juge ».

* 366Article 1031-1 du Code civil.

* 367 J-P BERAUDO, « Trust », Répertoire de droit international, Dalloz, septembre 2012.

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