L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé( Télécharger le fichier original )par Romain Coquet Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012 |
2- La nature juridique du fonds commun de titrisationLe fonds commun de créance, calqué sur le régime du fonds commun de placement, a été introduit en droit français par la loi du 23 décembre 1988. Il s'agit d'une « copropriété qui a pour objet exclusif d'acquérir des créances détenues par des établissements de crédit ou la Caisse des dépôts et consignations en vue d'émettre, en une seule fois, des parts représentatives de ces créances »240(*). Ce fonds doit permettre le refinancement des établissements de crédit. En outre, il doit permettre l'amélioration durable de la structure du bilan des banques. En vertu de l'article L 214-49-4 du Code monétaire et financier, le fonds commun de titrisation est un organisme de titrisation constitué sous la forme de copropriété et dépourvu de la personnalité morale241(*). A l'instar des fonds communs de placement, « le fonds commun de titrisation est constitué à l'initiative conjointe d'une société chargée de sa gestion et d'une personne morale dépositaire de la trésorerie et des créances du fonds »242(*). La titrisation consiste pour une entreprise à transférer des créances ou d'autres actifs à une entité ad hoc, qui finance l'acquisition de ces actifs en émettant des titres dont le remboursement du principal et le paiement des intérêts ou dividendes dus sur ces titres sont assurés au moyen des flux générés par les actifs transférés. Le caractère ad hoc de l'entité résulte du fait que son actif est exclusivement composé des actifs acquis dans le cadre d'opérations de titrisation et que son passif est exclusivement composé de titres émis pour financer l'acquisition de ces actifs. Le terme « titrisation » traduit ainsi la transformation économique des actifs en titres librement négociables, ces titres émis par l'entité ad hoc étant financièrement représentatifs de ses actifs243(*). En vertu de l'article L 214-49-8 du Code monétaire et financier, « les porteurs de parts ne sont tenus des dettes du fonds et du compartiment qu'à concurrence de la valeur d'émission de ces parts ». Cela signifie a contrario que les créanciers personnels des souscripteurs de parts ne peuvent en aucun cas appréhender les actifs relevant du fonds commun de créance, car il s'agit d'un patrimoine d'affectation244(*). Il existe également dans la pratique des comptes à affectation spéciale ouverts au nom d'un titulaire unique mais faisant état de rubriques au nom de tierces personnes. Ce compte opère un cloisonnement entre son titulaire et ses bénéficiaires et ces derniers jouissent d'un droit à restitution du solde créditeur du compte auprès de la banque dépositaire des fonds. La loi de sécurité financière du 1er août 2003 permet ainsi de sécuriser le fonctionnement du fonds commun de créances en créant un compte à rubriques appelé à recevoir le produit du recouvrement des créances acquises. Ce mécanisme protège le fonds en isolant les sommes recouvrées dans un compte spécial. Ces sommes ne peuvent être réclamées par les créanciers du cédant dès lors qu'elles ont été inscrites à ce compte, même en cas de redressement ou liquidation judiciaire ouverte à l'encontre du cédant245(*). Cette technique d'affectation spéciale répond à la définition de la fiducie. * 240 T. BONNEAU, « Les fonds communs de placement, les fonds communs de créance et le droit civil », ibid. n° 4. * 241 Ordonnance n° 2008-556 du 13 juin 2008 transposant la directive 2005/68/ CE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et réformant le cadre juridique des fonds communs de créances. * 242 Article L 214-49-6 alinéa 1er du Code monétaire et financier. * 243 X. DE KERGOMMEAUX, « Organismes de titrisation »,Répcom Dalloz, mars 2010. * 244 Article L 214-43 alinéa 1er du Code monétaire et financier : « L'organisme de titrisation peut comporter deux ou plusieurs compartiments si les statuts de la société ou le règlement du fonds le prévoient. Par dérogation à l'article 2285 du code civil et sauf stipulation contraire des documents constitutifs de l'organisme, les actifs d'un compartiment déterminé ne répondent que des dettes, engagements et obligations et ne bénéficient que des droits et actifs qui concernent ce compartiment » ; J-Ph. DOM, « Le renouveau de la titrisation - À propos de la loi de sécurité financière et des décrets n° 2004-1255 et n° 2005-429 », Bull. Joly Bourse, n° 4, 1er juillet 2005, p.387 : « L'affectation spéciale de ce compte au profit du FCC se traduit par l'impossibilité pour les créanciers de l'établissement chargé du recouvrement de considérer que les actifs qui s'y trouvent font partie du patrimoine de leur débiteur. Comme dans le trust ou la fiducie, les sommes inscrites au compte sont affectées au profit d'un « bénéficiaire », le FCC ». * 245 BBF, n° 133, janvier 2005, « Modernisation du régime juridique français de la titrisation » ; G. PARLEANI, « Pluralité de comptes en banque ouverts à un même client », J.-Cl. Banque et Crédit, Fasc. 250, n° 8 : « Les comptes de tiers, ou à rubriques, peuvent aussi traduire une affectation précise des soldes à des tiers. La situation de mandataire du titulaire du compte peut être entrée dans le champ contractuel, ou ne pas pouvoir être ignorée du banquier. En ce cas, le banquier doit respecter cette situation, et ne peut pas fusionner les rubriques ou les sous comptes. Il faut encore que ces sous comptes soient identifiés comme comptes de tiers, ou de mandat, ou soient clairement nominatifs. La volonté des parties peut organiser une telle "affectation spéciale" même en présence d'une convention de compte courant, dont la "force centripète" entraîne pourtant en principe, une affectation générale des créances réciproques du banquier et de son client ». |
|