2.3 Littérature sur l'apprentissage informel
Si le modèle de Kolb nous semble être une
piste prometteuse pour analyser l'apprentissage tiré d'une
expérience, d'un vécu concret, nous pensons qu'il y a encore
beaucoup d'autres formes d'apprentissage qui ne suivent pas le même
cycle. A ce stade, parmi des nombreux écrits sur l'apprentissage, ce qui
nous intéresse le plus, c'est la littérature sur les processus,
qui ne sont pas encore visibles ou tout ce qui lié à
l'apprentissage de la vie quotidienne des individus. Comme Gilles
Brougère le remarque: « S'il y a partout une vie quotidienne, elle
diffère selon les sociétés, les milieux sociaux, les
familles, les institutions. Elle a donc été apprise non pas
à l'école, mais par confrontation, immersion, contact. »
(2009, p. 24).
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Selon Daniel Schugurensky : « c'est dans la
sphère «informelle», source de si peu d'intérêt
et de travail de recherche, que s'acquièrent la plupart des
apprentissages significatifs dont on se sert dans la vie de tous les jours.
» (Schugurensky, 2007, p. 14)
Les remarques de Schugurensky nous conduisent vers
l'idée que nous devons approfondir notre recherche dans le domaine de
l'apprentissage informel. En nous détachant de la littérature sur
l'apprentissage formel, nous espérons être en mesure de nous
concentrer sur la recherche de nouveaux indicateurs et de repères nous
permettant de décrire et d'expliquer le processus d'apprentissage du
leadership et l'effet du « sentiment d'apprendre » sur
l'apprentissage du leadership chez les dirigeants.
Bien que la littérature sur l'apprentissage
informel soit très vaste et diverse, nous n'avons pu trouver que
très peu d'ouvrages qui sont proches de notre domaine
d'intérêt. Parmi ces livres, le travail de Jean Lave et Etienne
Wenger sur l'apprentissage situé (situated learning) nous a
donné une nouvelle dimension de l'apprentissage - la relation sociale.
En supposant que l'apprentissage provient en grande partie de notre
expérience de la participation dans la vie quotidienne, leur
modèle de l'apprentissage a proposé que l'apprentissage implique
un processus d'engagement dans une « communauté de pratique ».
Comme Kolb, Lave et Wenger ne considèrent pas l'apprentissage comme
l'acquisition de certaines formes de savoirs, mais plutôt comme le
déplacement de l'apprenant de participation périphérique
légitime vers la « pleine participation » (Lave & Wenger,
1991, p. 37). Selon eux, « une communauté de pratique est un
ensemble de relations entre les personnes, l'activité et le monde,
à travers le temps et en relation avec d'autres communautés
» (ibid., p. 98). Ici, le rôle central de la relation
humaine constitue le point commun entre la théorie de Lave et Wenger et
le leadership transactionnel ainsi que le leadership transformationnel dans le
travail de Bass.
Or, pour Arthur S. Reber, l'apprentissage reste
toujours l'acquisition de connaissances. Cependant son centre
d'intérêt se retrouve particulièrement dans le cadre d'un
processus implicite qui mène à l'acquisition de connaissances
sans effort conscient ou de toute prise de conscience explicite de ce qui a
été appris. « L'apprentissage implicite est l'acquisition
de
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connaissances qui se déroule en grande partie
indépendamment des tentatives conscientes pour apprendre et surtout en
l'absence de connaissances explicites sur ce qui a été acquis.
» (1993, p. 5)
En même temps, Victoria Marsick et Karen Watkins
(1990) font valoir que, même si le lieu de travail fournit des
possibilités d'apprentissage, il existe certaines
caractéristiques personnelles, qui peuvent favoriser l'apprentissage
:
1. Pro-activité - la volonté de prendre
l'initiative dans les situations.
2. Réflexion critique - une tendance à
réfléchir, non seulement sur les événements, mais
sur ce qui sous-tend hypothèses.
3. Créativité - ce qui permet à
une personne de penser au-delà de son point de vue habituel.
Alain Mumford (1995) a identifié quatre approches
d'apprentissage au travail :
1. Apprentissage intuitif - processus inconscient,
provoqué par l'expérience.
2. Apprentissage fortuit - résultat d'un
hasard.
3. Apprentissage rétroactif - capacité
à tirer les leçons de l'expérience.
4. Apprentissage prospectif - Les
événements futurs sont considérés comme des
occasions d'apprendre
Il suggère que différentes personnes
peuvent être enclines à l'une ou l'autre de ces approches de la
même manière qu'elles se penchent vers un style d'apprentissage
particulier.
Après avoir examiné ces extraits de la
littérature récente, nous sommes convaincus que «
l'apprentissage informel » joue un rôle considérable dans le
développement de la personnalité et de l'expertise
professionnelle dans le milieu de travail et dans la vie familiale.
Toutefois, comme l'ont noté Gilles
Brougère et Hélène Bézille : « Si les
différents auteurs qui utilisent l'expression d'éducation ou
d'apprentissage informel sont d'accord sur l'idée que l'éducation
ne se limite pas aux situations socialement construites en fonction d'objectifs
éducatifs et sur l'idée que l'individu acquiert des connaissances
dans une multitude de situations qui n'ont pas été faites pour
cela, la façon dont est circonscrit l'apprentissage informel est fort
variable » (Brougère & Hélène, 2007, p.
122).
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La remarque faite par ces auteurs a non seulement
montré l'usage aussi vaste que varié (Annexe 1) du terme
d'apprentissage informel, mais elle ouvre aussi la voie vers une grande
variété de sujets d'études possibles qui pourraient
être inclus parmi les priorités de la recherche en sciences
humaines y compris l'introduction et la mise en valeur des notions nouvelles
relatives à l'apprentissage des adultes.
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CHAPITRE 3: PROBLEMATIQUE ET QUESTION
DE RECHERCHE
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