5.1 Le déroulement des entretiens
Notre intention était de faire des entretiens
avec les dirigeants mais sans trop altérer leurs manières
d'exprimer avec le vocabulaire spécifique à la gestion ou
à la littérature managériale. Nous ne voulions pas nous
limiter aux généralités, mais au contraire, nous voulions
découvrir des situations originales et des moments uniques qui font
« signes » dans la vie quotidienne de chaque individu. Nous voulions
entendre autre chose que les propos habituels formulés par un groupe de
dirigeants dans une salle de cours, en réponse à des questions
prescrites. Nous voulions, autant que possible, éviter que ceux-ci ne
préparent leurs réponses, leurs discours, ce qui en aurait
diminué la spontanéité et aurait risqué de modifier
leurs propos s'ils en avaient discuté entre eux. Pour ce faire, nous
avons abordé les interviewés potentiels en évoquant notre
participation au programme Master de recherche européen en formation des
adultes en leur donnant pour seul repère la référence
à un travail de fin d'études dont le sujet concerne les
situations significatives et les éléments spécifiques dans
la vie quotidienne des dirigeants. Le retour général a
été très encourageant. Beaucoup de personnes ont
exprimé leur volonté de participer à notre enquête.
Ensuite nous avons écrit, le 22 mars 2012, à l'ensemble des
participants du MBA du CNAM - promotion 2011-2012, afin de leur demander de
nous rencontrer individuellement après leurs cours pour une discussion
informelle entre collègues sur le développement des
`compétences-molles' (soft-skills). Après
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avoir répondu à quelques demandes de
clarification sur le thème de la discussion auxquelles nous avons
répondu, nous avons reçu rapidement 100% de réponses
positives.
L'étape suivante a consisté à
négocier avec chaque personne quels seraient le lieu, la date et la
durée de cet entretien. Nous ne fixions pas le lieu pour nos entretiens,
mais la plupart des individus ont accepté de nous rencontrer à
notre bureau hors temps de travail. Pour les entretiens, qui sont
effectués à l'extérieur de l'institution dans un lieu
public, où il est parfois difficile d'enregistrer, nous devions compter
sur nos notes ainsi que sur la technique de l'auto-explicitation20
(Vermersch, 2007) sur le moment de l' l'entretien.
Nous avons essayé de réaliser les
entretiens dans un climat de grande liberté avec un maximum de
flexibilité, tout en respectant le temps annoncé et en suivant le
guide d'entretien. Pourtant, au cours des premiers entretiens, nous
étions très inquiète parce que de nouvelles questions se
posaient, les différentes techniques d'entretien se mélangeaient,
nous conduisant ainsi hors du schéma prévu. Cependant, à
partir du quatrième entretien, nous nous sommes familiarisés avec
les différentes techniques de l'entretien, ce qui nous a permis de les
combiner en fonction de la situation ou de l'activité
évoquée. Ainsi tout fonctionnait avec de plus en plus de
fluidité. Il faut noter également qu'au début de chaque
entretien, nous rappelions le cadre de cette recherche et nous assurions les
personnes interrogées d'une totale confidentialité. Ainsi les
participants, au moment de l'entretien, étaient certains que leurs
propos étaient destinés à un usage de retranscription
avant d'être intégralement effacés.
Afin de permettre aux personnes interrogées
d'expliciter clairement leurs activités, après de nombreux
essais, nous avons décidé de choisir les mots « donner des
ordres » pour décrire l'activité cible de l'analyse. Pour
démarrer un entretien, la question utilisée le plus souvent
était : « Tu te souviens encore d'une situation professionnelle
précise, dans laquelle tu avais à donner des ordres à tes
subordonnés ». Ces trois mots se sont effectivement
révélés être un bon déclencheur. La plupart
des personnes interrogées ont tenté de citer toutes leurs
activités
20 L'auto-explicitation
est une introspection auto guidée permettant le chercheur de prend sa
propre expérience comme objet de description (Vermersch,
2007)
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sauf « donner des ordres » pour justifier le
fait qu'ils « n'aiment pas donner des ordres » et qu'ils
« ne donnent pas d'ordres » et que « ces mot sont
trop forts »21.
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