2. Épilogue
2.1. Conclusions
Cette thèse s'est déroulée dans le cadre
des Conventions Industrielles de Formation par la Recherche (CIFRE), entre
scientifiques et professionnels du secteur de la pêche : les
Collectivités Maritimes Étaploises (CME). L'objectif de ce projet
était d'évaluer l'impact du changement climatique sur les
ressources halieutiques dans l'océan Atlantique Nord-Est et d'en
prévoir l'évolution si le réchauffement global se
poursuit. L'évaluation de l'impact du changement climatique s'est fait
via une modélisation mathématique qui s'est appuyée sur
des nouveaux outils numériques. Cette thèse contribue à
une meilleure connaissance (1) de la distribution spatiale des ressources, (2)
des conséquences possibles du changement climatique sur les poissons et
niveaux trophiques supérieurs et (3) à moyen terme à
augmenter la réactivité des pêcheurs face aux changements
possibles des ressources pour minimiser les pertes de chiffres d'affaires lors
des périodes transitoires (disparitions d'espèces
compensées par l'arrivée d'autres). Basé sur le concept de
niche écologique au sens d'Hutchinson, le modèle Non-Parametric
Probabilistic Ecological Niche (NPPEN) a été
développé de façon à cartographier la
répartition spatiale des espèces et d'en proposer des
scénarios d'évolution dans le contexte du changement climatique.
Nous testons pour la première fois la distance de Mahalanobis par un
test d'appartenance non-paramétrique et à partir uniquement de
données de présence. Ces différents choix et orientations
dans les paramètres constitutifs du modèle ont permis de
répondre aux questions scientifiques posées durant ces travaux de
thèse.
La modélisation des changements de distribution
spatiale en Atlantique Nord des poissons marins a montré l'impact
proéminant du réchauffement climatique sur la
biogéographie de ces organismes. Le modèle prévoit la
poursuite des déplacements, déjà observés pour de
nombreuses espèces, vers des latitudes supérieures. Nos
résultats montrent que plus l'intensité du réchauffement
est importante, plus la migration des espèces vers le nord est forte et
plus les pertes d'habitats s'intensifient. Le bilan des gains et pertes
d'habitats des poissons marins peut se traduire par la disparition
d'espèces indigènes par contraction de leur aire de
répartition, tel le lieu jaune et par la colonisation de zones
géographiques, comme la mer du Nord, par des poissons, habituellement
plus méridionaux. Les changements dans les probabilités de
présence des espèces, induits par l'élévation des
températures, peuvent affecter profondément l'organisation et la
structure du réseau trophique ; en causant par exemple une rupture
de la relation proie-prédateur, comme celle observée pour les
oiseaux marins et causée par la raréfaction de leurs proies
préférées. L'écosystème mer du Nord connait
actuellement de profonds changements qui risquent de se répercuter
à l'avenir sur les ressources marines et par voie de conséquences
sur les professionnels qui exploitent ces ressources.
Les cartes de probabilités de présence obtenues
grâce au modèle d'habitat NPPEN représentent
indéniablement une représentation claire de ce que
peut-être la distribution spatiale d'une espèce. A l'avenir, des
cartes de probabilités d'absence, basées sur la connaissance de
la physiologie des espèces, vont être produites par le
modèle NPPEN. Cette méthode permettra de compléter les
informations nécessaires à la délimitation des
frontières de répartitions des espèces. Une autre
procédure envisagée est la conversion des cartes de
probabilités de présence en cartes d'abondance par
détermination d'une fonction de régression entre les abondances
observées et les probabilités prédites par le
modèle NPPEN, toujours dans le souci d'optimiser les résultats
fournis par le modèle, mais également de rendre ces
résultats plus accessibles et explicatifs. À terme, une fonction
de prédiction de la biomasse des reproducteurs (SSB) sera
déterminée à partir de la régression entre les SSB
annuellement observées de 1960 jusqu'à nos jours et les
probabilités calculées avec le NPPEN sur la même
période. Dans l'idéal, cette fonction de prédiction devra
être calculée par zone de pêche commerciale.
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