Impact du réchauffement climatique sur la distribution spatiale des ressources halieutiques le long du littoral français: observations et scénarios( Télécharger le fichier original )par Sylvain Lenoir Université Lille 1 Science - Doctorat 2011 |
2. La Niche Écologique et distribution spatiale des espècesLe concept de « niche écologique » est un sujet largement discuté dans la littérature (Leibold, 1995). De nombreuses et différentes interprétations de ce concept existent (Peterson, 2001), de même que plusieurs adjectifs pour en décliner ou affiner la définition (niche réalisée, potentielle, fondamentale ; Guisan & Thuiller, 2005). En outre, certains termes largement utilisés ont parfois des définitions aux différences ténues ou des définitions qui chevauchent d'autres notions telles que la notion d'habitat, d'environnement et d'enveloppe écologique. Une certaine confusion peut résulter de cette diversité d'appellations et d'interprétations (Kearney, 2006). Si le mot « niche » a été utilisé pour la première fois en écologie par le naturaliste Joseph Grinnell (Grinnell, 1917) pour décrire les besoins et contraintes environnementales d'une espèce, le concept de niche écologique a été défini opérationnellement par le zoologiste George Evelyn Hutchinson (Hutchinson, 1957). Celui-ci décrit la niche écologique comme étant « un volume à n dimensions, dans lequel chaque point correspond à un état de l'environnement qui permettrait à une espèce d'exister indéfiniment ». Selon cette définition, l'identification de la niche écologique d'une espèce consiste à identifier la réponse de cette espèce à l'environnement (Leibold, 1995) ou, en d'autres termes, à identifier le domaine de tolérance de l'espèce vis-à-vis des principaux facteurs du milieu (Frontier & Pichot-Viale, 1993). La niche, au sens d'Hutchinson, est un concept de type mécanistique, reflet des relations entre des éléments du biotope et de la biocénose, ce qui la différencie du concept de niche habitat de Grinnell. De plus, à la niche conceptualisée par Hutchinson, s'oppose le concept de niche d'Elton : « la niche impact » (Leibold 1995). Du point de vue d'Elton (Elton, 1927), la niche écologique décrit les effets immédiats de l'espèce sur son environnement, elle précise le « rôle » de l'espèce au sein de l'écosystème. De par leur définition, ces deux concepts de niche n'ont pas les mêmes types d'approches. La niche au sens d'Hutchinson est utilisée lors d'une approche autoécologique3(*) ou physiologique, vouée à étudier la répartition géographique des espèces à grandes échelles (Guisan & Thuillier, 2005). La niche d'Elton quant à elle, est reliée aux concepts de chaînes alimentaires et de niveau trophique d'une espèce et donc aux relations impliquées à des échelles plus locales (Guisan & Thuiller, 2005). C'est la définition d'Hutchinson, très opérationnelle, qui a été retenue dans le cadre de cette thèse. Hutchinson (1957) introduit également les concepts de niche fondamentale et de niche réalisée. La niche représente le domaine de tolérance d'une espèce vis-à-vis des facteurs environnementaux. Il s'agit d'une niche théorique. En effet, rares sont les espèces occupant l'intégralité de leur niche (Puilliam, 2000). Les interactions biotiques, telles que la compétition ou la prédation, vont contraindre l'espèce à occuper un espace différent de la niche fondamentale (Helaouët & Beaugrand 2009) : il s'agit de la niche réalisée. Cette niche réalisée est la niche réelle, déterminable à partir de données d'observations empiriques. Néanmoins, dans le cadre d'études à macro-échelle, il est difficile de disposer de suffisamment de données afin d'estimer les contours exacts de la niche réalisée ou encore de déterminer l'ensemble des facteurs décrivant cette niche. Pour ces diverses raisons, le principe de niche écologique potentielle a été préféré, dans ce travail de thèse. La niche écologique potentielle représente une estimation de la niche réalisée, avec un nombre de descripteur réduit. La quantification de la relation niche écologique et environnement constitue la base à partir de laquelle sont construits les modèles d'habitat en écologie (Guisan & Zimmermann, 2000). Le concept de niche potentielle, au sens d'Hutchinson, est généralement utilisé dans les modèles d'habitats à macro-échelle (Peterson, 2001; Pearson & Dawson, 2003), afin d'évaluer les modifications biogéographiques potentielles, passées et futures des espèces (Kearney et al., 2004 ; Martínez-Meyers et al., 2004 ; Wiens et al., 2009) * 3 Frontier et al. (2008) définissent l'autoécologie comme étant la science « des réponses biologiques des espèces ou autres taxons aux caractères physico-chimiques de l'environnement, en fonction de leurs physiologies propres et de leurs adaptations potentielles. » |
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