3. Modèles d'habitats
Les grands enjeux actuels que sont la conservation
d'espèces en danger d'extinction (Araújo et al., 2005;
Sanchez-Cordero et al., 2005; Brook et al., 2009), les
problèmes liés à l'invasion d'espèces exotiques
(Peterson, 2003; Peterson et al., 2008), ou encore la conservation de
la biodiversité (Martínez-Meyers et al., 2004;
Sanchez-Cordero et al., 2005; Hirzel et al., 2006),
nécessitent des outils d'aides à la décision et à
la prévision des changements susceptibles de survenir au sein de
l'écosystème marin. Ces outils numériques se retrouvent
sous les termes équivalents de modèle d'habitat, modèle de
niche écologique, ou modèle de distribution spatiale.
Bien que différant de par leur nom ou par la
procédure numérique qu'ils utilisent, les modèles
d'habitats fonctionnent sur un principe simple et commun : en partant de
la distribution connue d'une espèce, ils modélisent la niche
écologique potentielle dans le sens que lui confère Hutchinson
(1957), permettant ensuite de projeter cette niche dans un espace
géographique. Les enveloppes environnementales testées peuvent
provenir d'aires géographiques appartenant au passé (Bigg et
al., 2008) ou au présent (Hilbert & Ostendorf, 2001; Cheung
et al., 2008b), permettant ainsi d'évaluer et de calibrer les
modèles. Elles peuvent également représenter un
environnement futur potentiel. Dans ce cas, ce sont des scénarios
d'évolution du climat qui sont utilisés pour déterminer
quelle pourra être à l'avenir, la distribution spatiale des
espèces.
Trois grandes familles de modèles se distinguent : (1)
les modèles basés sur des données d'abondance ; (2)
les modèles basés sur la présence et l'absence ; (3)
les modèles basés uniquement sur des données de
présence.
Lorsque des données d'abondance ou de présence
et d'absence sont disponibles pour estimer la niche, il est possible d'utiliser
des modèles régressifs (Guisan et al., 2002) tels que
les modèles linéaires généralisés
(GLM ; McCullagh & Nelder, 1983), les modèles additifs
généralisés (GAM ; Hastie & Tibshirani, 1990),
les méthodes utilisant des modèles de réseaux de neurones
artificiel (ANN ; Mastrorillo et al., 1997), ou encore, les
arbres de classification et de régression (CART ; Thuiller, 2003 ;
Thuiller et al., 2003). Néanmoins, ces techniques
requièrent obligatoirement des variables quantitatives ou binaires
(présence et absence). Cette contrainte réduit le champ
d'utilisation de ces modèles. En effet, dans le milieu marin, les
certitudes à très grande échelle sur l'absence d'une
espèce sont rares. Dans ce cas, il convient d'utiliser des
modèles basés uniquement sur la présence pour
prédire, à partir de leur niche potentielle, la
répartition géographique des espèces (Carpenter et
al., 1993). Des procédures numériques, telles que BIOCLIM
(Busby, 1996), GARP (Genetic Algorithm for Rule-set Production ; Stockwell
& Noble, 1992; Stockwell et al., 2006), DOMAIN (Carpenter et
al., 1993), la méthode d'entropie maximale (MAXENT ; Phillip
et al., 2006) ou encore l'ENFA (Ecological Niche Factor
Analysis ; Hirzel et al., 2002), ont été mises en
place et sont largement utilisées. Dans le milieu marin, le RES
(Relative Environmental Suitability modèle ; Kaschner et
al., 2006) a permis de produire des cartes de distribution spatiale des
mammifères et a été adapté, par la suite, aux
poissons, pour créer le modèle AquaMaps utilisé par
FishBase (Kaschner et al., 2007).
Malgré tout, cette profusion de modèles ne
permet pas des projections de la distribution spatiale des ressources
halieutiques d'une façon à la fois robuste, facilement mise en
place et n'exigeant pas la normalité des variables. L'ENFA reste un
modèle paramétrique, DOMAIN et HABITAT fragmentent ou simplifient
la forme de la niche écologique lors de son estimation. Les
méthodes GARP et MAXENT nécessitent de définir
respectivement des règles de décision et des fonctions de seuil.
Le RES détermine la réponse des espèces aux facteurs du
milieu en utilisant une courbe de réponse de type
trapézoïdale, impliquant aussi le choix arbitraire de seuils.
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