Prise en compte de la norme dans le processus de production et de l'assurance qualité des exploitations avicoles au Cameroun: le cas du complexe avicole de mvog-betsi( Télécharger le fichier original )par Gaston ASSONTIA DJOUDJI Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Développement et Management des Projets 2012 |
D.Le processus de production des oeufs à couver (OAC) : l'élevage de reproducteursAvec quel degré de sécurité l'OAC est-il produit ? Cette question récurrente fait suite aux entretiens et aux observations participantes qui ont permis de mettre en évidence les dysfonctionnements: · Une maintenance déficitaire des équipements; · Les conditions d'hygiène (hygiène corporelle du personnel ouvrier avicole). Il est question ici, de limiter l'apport de micro-organismes par le personnel et le matériel afin de minimiser tout risque de contamination. Comme nous l'avons déjà indiqué, les efforts les plus importants doivent être consentis au niveau de l'élevage de reproduction. Le personnel, tout comme l'animal, peut être contaminé par des micro-organismes (exemple : salmonelles) sans développer la maladie associée. Cette situation de « porteur sain » se traduit par la présence de micro-organismes pathogènes (pouvant provoquer une maladie) dans le système digestif du patient. Ainsi ne seront pas admis en zone d'élevage, tout ouvrier ou visiteur souffrant de maladies infectieuses, ayant des plaies infectées, ou souffrant d'infections cutanées, de diarrhée, s'il existe un risque de contamination directe ou indirecte pour la volaille. De même, il est requis chez les volaillers une grande propreté par exemple prendre une douche à l'entrée et à la sortie de l'élevage. Ils sont suffisamment sensibilisés pour la cause. Seulement sur le terrain, ces mesures ne sont pas toujours respectées : les tenues vestimentaires des ouvriers sont mal tenues, les vestiaires aussi, les visiteurs et même les agents des autres services ont accès à la zone d'élevage dans des tenues inappropriées. Comme le définit l'OMS dans son article premier de la constitution, repris par Sandrin-Berthon et al. « La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité »172(*). Par cette définition, et les travaux de Vigarello Georges dans le propre et le sale, l'hygiène du corps depuis le Moyen Age173(*), la santé est celle de l'homme dans son intégrité (en tant qu'être humain), dans son écologie socioéconomique et environnemental. Vue sous ce paradigme, la santé devient une construction sociale qui n'échappe pas à ses règles et ses normes. Vigarello Georges fait du corps sa principale préoccupation. Il présente les normes et les pratiques destinées à l'entretenir ainsi que l'évolution de ses représentations, des pratiques physiques et de l'hygiène. Ce dernier nous invite par ailleurs dans le monde de la propreté. Il apparaît dans le propre et le sale que toutes les sociétés opèrent un partage entre ce qui est propre et ce qui est sale. Au CAM, les conditions d'hygiène mieux encore l'hygiène corporelle des ouvriers avicoles doivent être prises ici comme une norme sociétale. · La faible intégration des exigences de biosécurité : En effet, un programme de biosécurité vise à réduire les conséquences et les risques liés à l'introduction d'agents pathogènes transmissibles bien définis. « Les meilleures pratiques de gestion, qui permettent d'atteindre ces objectifs, sont bien connues. Les programmes de biosécurité les plus efficaces sont également les plus onéreux à mettre en oeuvre »174(*). Tout ceci requière donc d'importants investissements et une motivation inébranlable de la part des gestionnaires du CAM. En réalité, les programmes les plus complets sont, la plupart du temps, uniquement appliqués dans les élevages de reproducteurs. Le coût d'un programme de biosécurité doit se justifier par les risques d'infection, l'impact de la maladie sur les coûts de production et la crédibilité du produit fini sur les marchés nationaux ou internationaux. La mise en oeuvre d'un programme de biosécurité doit porter ses fruits et être rentable. Aussi, un exploitant avicole peut-il débuter son activité avec des poussins issus du CAM, exempts de tout agent pathogène spécifique et à son tour il lui « suffit » d'installer ces sujets dans un environnement non contaminé. Une tâche ardue mais réalisable. Le lieu d'implantation des élevages de reproduction revêt une importance primordiale. Aujourd'hui, le CAM se trouve entouré d'une forte concentration de population à la fois humaine et d'autres espèces d'élevage. De même, la proximité avec le jardin zoo botanique augmente fortement les risques d'échec de tout programme de biosécurité. Il se développe alors une sorte d'interaction entre les différentes entités (l'exploitation et son voisinage). Un voisinage cosmopolite qui exerce une pression territoriale et spatiale sur le site d'élevage. · Compétences175(*) inadéquates du personnel. Dans le cadre de cette étude, la formation (50%) est notre critère d'appréciation. Dans le Traité des sciences et des techniques de la Formation, coordonné par Philippe Carré et Pierre Caspar, Sandra Bélier propose cette définition de la compétence : « la compétence permet d'agir et/ou de résoudre des problèmes professionnels de manière satisfaisante dans un contexte particulier, en mobilisant diverses capacités de manière intégrée »176(*). Pour Samurçay R. et Pastré Pierre, « la compétence, en tant que rapport du sujet aux situations de travail, est ce qui explique la performance observée en décrivant l'organisation de connaissances construites dans et pour le travail. Les compétences sont donc : o finalisées : on est compétent pour une classe de tâches déterminées o opérationnelles : il s'agit de connaissances mobilisables et mobilisées dans l'action et efficaces pour cette action o apprises, soit à travers des formations explicites, soit par l'exercice d'une activité. o elles peuvent être aussi bien explicites que tacites : le sujet n'est pas toujours en mesure d'expliciter les connaissances opérationnelles qu'il met en oeuvre dans l'action »177(*). La définition ainsi proposée par ces auteurs corrobore à dessein la situation des ouvriers avicoles178(*) du CAM où l'on a un conglomérat de savoirs d'origine divers et de compétences quasi variées. Ceci ne manque pas de susciter des conflits de compétence et même d'autorité. Les ouvriers avicoles sont l'objet de plusieurs « donneurs d'ordre », lesquels sont le plus souvent contradictoires. L'élevage devient ainsi une espèce « champ » au sens Bourdieu du terme où chaque acteur veut dicter sa suprématie parfois à des fins inavouées. Dans ce paradigme, la hiérarchie prend du plomb dans l'aile et la qualité du travail est ainsi affectée. Les compétences sont ainsi cloisonnées dans une espèce de « cul de sac ». Au-delà des ces « luttes », des stratégies sont mises en places avec le recrutement « d'homme blanc » pour manager le CAM. Mais seulement, il ne faut pas se retrouver dans la situation syndrome du patron « blanc ». Acception, qui pense que ce dernier a la solution à nos problèmes ou même est la source de nos malheurs. À bien des égards, il faut décloisonner ce discours obscurantiste. Certes, il pourrait y avoir de la connaissance derrière le recrutement d'expatriés. En réalité, la dépendance financière du CAM envers les subsides des bailleurs/actionnaires (bailleurs) est réelle et demeure la face cachée de « l'iceberg ». Dés lors, il faut « accepter » que cette structure devienne la morgue des « experts » occidentaux, car les limites de ces deniers exaspèrent les cadres nationaux. Ceci implique aussi l'acceptation des dilemmes éthiques qui reposent sur la différence de race. Le manager doit ainsi opérer une hybridation des règles pour faire face aux aspects tels que l'assiduité au travail, les conflits d'intérêt, la corruption, le vol, la discrimination, le salaire minimal, la sécurité au travail et les droits des travailleurs. Pour comprendre les enjeux, il faut se référer à Olivier de Sardan, pour qui, ces cadres « sont également experts en double langage ; les manoeuvres, les intrigues, les luttes d'influences, les accaparements, les rhétoriques et les manipulations viennent de tous les côtés [...] ; et tous disposent de marges de manoeuvres sans jamais être réduits à n'être simplement que les agents ou les victimes... »179(*). Nous sommes convaincus que la compétence seule ne suffit pas pour contrebalancer les mauvais résultats enregistrés. C'est à la direction d'implémenter une stratégie organisationnelle pour la gérer. Le CAM tirerait le meilleur parti de ce que les ouvriers, les cadres savent bien faire ; leurs compétences étant leurs seules forces. De plus, elle doit avoir de la considération par ses compétences fondamentales à savoir sa main d'oeuvre, ses installations et ses résultats financiers qui sont en fait ses ressources uniques pour formuler sa stratégie. Car, elles reflètent la connaissance collective de cette dernière dans sa manière de coordonner les différents processus. Il serait tout aussi injuste que nous fassions l'amalgame et que nous ne puissions séparer le bon du moins bon. En regardant sous le prisme de l'enchainement des logiques sociales, « où les faits sociaux de développement ont la particularité de produire de nombreuses interactions, et de plus, les interactions entre les acteurs appartenant à des univers très variés, relevant de statuts différents, dotés de ressources hétérogènes, et poursuivant des stratégies distinctes... »180(*), des actions sont déjà engagées pour réduire ou éliminer les dysfonctionnements annoncées plus haut. Entre autre les investissements en équipements, le renflouement de la trésorerie, l'agrandissement du couvoir et le rééquipement des bâtiments d'élevage. Les investissements engagés ou envisagées dans la maîtrise des processus sont limités et non pas perceptibles. Il est envisagé la formation du personnel, la mise en place de l'approche processus (qui intègre les aspects socioéconomiques et environnementaux) pour améliorer la gestion des activités. Le discours qui précède nous a permis de comprendre les stratégies déployées à la fois par l'administration et les agents. Pour compléter ce tableau analytique, afin de mieux comprendre comment l'administration du CAM et son personnel coordonnent leurs activités pour améliorer les performances de cette dernière, tout en comprenant les rouages des différents acteurs sur la scène du Complexe Avicole de Mvog-Betsi. Alors que nous parlons de l'état des lieux ou de diagnostics en matière de BPF/BPH et assurance qualité au CAM, les sociologues mettent en exergue le système d'acteurs. La sociologie des organisations décline ce concept en « analyse systémique et analyse stratégique »181(*). Il en résulte que l'analyse systémique consiste donc à considérer le CAM comme une organisation dans son environnement et à comprendre avec M. Crozier que la frontière n'est pas étanche. L'appréhension de la complexité du complexe avicole de Mvog-Betsi viendrait de la spécificité de l'activité qui meuble le système à savoir le contexte socio économique, sociopolitique et le culturel. Dans sa quête perpétuelle d'une meilleure compréhension de l'environnement dans lequel il évolue, l'administration du CAM est amenée à devoir trouver des réponses aux questions fondamentales des clients et du personnel qui sont appelées à devenir elles-mêmes de plus en plus complexes. Dans ces conditions, la nécessité de développer de nouveaux moyens, de nouvelles stratégies, de se saisir de cette réalité apparaît comme fondamentale, et le développement de la systémique comme évident. Ce travail de recherche a pour objet le CAM, exemple emprunté à l'étude de cas d'une exploitation avicole parentale industrielle. Nous administrons la preuve qu'un effet macroscopique n'est intelligible que si on le ramène à la rationalité d'actions individuelles engagées en fonction, d'une part, des ressources cognitives des individus, d'autre part des champs d'action créées par le CAM. Ainsi, des résultats insuffisants d'application des référentiels et d'un niveau de non-conformité inacceptable que nous avons montré tout au long de cette étude sont causés d'une part par la puissance de la faiblesse de la prise en compte des référentiels, et d'autre part par l'ensemble des décisions individuelles. Il s'agit de comprendre comment la médiation d'actions individuelles (effet microscopique) a affaiblie le système macroscopique CAM. Cette analyse est rendue possible en invoquant la Division du travail de Durkheim. Ici, l'auteur emploie de préférence, à la notion d'individualisme, celle d'égoïsme. Mot qu'il ne faut pas toujours entendre au sen moral, signifie pour Durkheim l'importance de l'autonomie que l'individu a dans le choix de ces actes. Ainsi, au CAM l'égoïsme se déploie dans le choix des fournisseurs et autres prestataires de service. L'égoïsme apparaît ici en corrélation avec le choix physique du prestataire, en fonction des commissions qu'il va fournir, la disponibilité et la qualité du produit livré. Mais le développement de l'égoïsme n'est pas seulement au niveau de la relation fournisseur-client, il l'est davantage marqué entre les cadres et les ouvriers. Les deuxièmes se plaignent que les premiers prennent des décisions qui sont à leurs avantages, qui ne prennent pas en compte leurs conditions humaines. Les individus issus de l'un et l'autre groupe sont très peu solidaires. Il se développe une solidarité de type « mécanique » au sens durkheimien du terme entre les individus d'un même groupe. Cette situation est liée au poids monétaire des uns et des autres facilitant ainsi le développement de l'individualisme. A côté de cette solidarité « mécanique », nous notons une forme d'individualisme calquée sous le couvert de l'ethnie. En effet, les « nordistes » et les « autres » forment des groupes de solidarité. Au demeurant, le CAM n'est pas une société immunisée contre les croyances et les mythes collectifs. Elle n'est pas non plus placée sous un couvercle assurant l'intégration sans heurt de l'individu en son sein182(*). Le regard porté sur le système CAM ne saurait occulter la contribution des individus qui le constitue. En effet, ces individus sont les éléments du système et ont chacun une responsabilité dans l'obtention de ce résultat insatisfaisant, et un niveau de non-conformité inacceptable par rapport aux BPF et BPH. En outre, notre acception est aussi de tordre le cou aux interprétations défaitistes qui voudraient considérer l'individualisme ou l'égoïsme (selon Durkheim) comme une tare. De plus, il ne signe pas le glas de la solidarité183(*). Les solidarités se structurent différemment au CAM comme nous l'avons vu, elles se construisent autour des objectifs temporels, il appartient ainsi à l'administration d'entrevoir une adaptation rude à long terme qui engage toutes les sensibilités dans un paradigme qu'il soit individualiste ou égoïste. Une fois notre action concrète trouvée, il est question de faire un saut qualitatif vers un plan d'action, une référentialisation des pratiques. Lequel est résumé en recommandations en 3.3 et en conclusion générale qui passent par la mis en exergue d'une vision partagée du CAM. * 172 B. SANDRIN-BERTHON, LESTAGE A, BAUDIER F, MONNOT A, éducation pour la santé en milieu scolaire, Vanves, CFES Éditions, 1994, p. 17, * 173 Georges VIGARELLO, le propre et le sale : l'hygiène du corps depuis le Moyen Âge, Ed. du Seuil, Paris, 1987, p.28. * 174 Gaston ASSONTIA DJOUDJI, Mise en place du dispositif de biosécurité au Complexe Avicole de Mvog-Betsi, in, rapport de stage académique effectué du 1er juin au 30 septembre au Complexe Avicole de Mvog-Betsi, 2012, chapitre 2. p13-25. * 175 La « Compétence » au sens de la présente étude est celle construite à travers une formation diplômant ou non. Ce concept est à usage transversal : même considération que nous soyons au couvoir, à la provenderie ou à l'élevage. * 176 Philippe CARRE et Pierre CASPAR, Traité des sciences et techniques de la formation, Dunod, Paris, 1999, p123. * 177 SAMURÇAY et PASTRE Pierre, Outiller les acteurs de la formation pour le développement des compétences, in Education permanente N° 123, 1995, pp.13-31. * 178 Au sens de la présente étude « ouvriers avicole » désigne celui ou celle qui est communément appelé « volailler ». * 179 Jean-Pierre OLIVIER DE SARDAN, « les trois approches en anthropologie du développement », in, Revue Tiers Monde, t. XLII, n°168, octobre-décembre 2001, p.736. * 180 Ibid. p.742 * 181 M. Crozier et E. Friedberg. L'acteur et le système. Sociologie politique, Seuil, 1977, p.5. * 182 Raymond Boudon, François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, PUF/QUADRIGE, Paris, 1982/2004, pp.301-308. * 183Patricia Vendramin, « individualisme et engagement collectif, Quelle réconciliation ? », in, Notes éducation permanente, n°25-octobre 2005, pp1-4. |
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