Prise en compte de la norme dans le processus de production et de l'assurance qualité des exploitations avicoles au Cameroun: le cas du complexe avicole de mvog-betsi( Télécharger le fichier original )par Gaston ASSONTIA DJOUDJI Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Développement et Management des Projets 2012 |
B. Le processus de production des poussins : le couvoirLes résultats enregistrés par cette section sont insatisfaisants et le niveau de non-conformité est inacceptable. Ceci montre avec quel degré de sécurité le poussin d'un jour est-il produit ? La section sur l'hygiène corporelle apparaît comme le critère d'appréciation où des actions particulières sont à mener. En effet, compte tenu de la spécificité du CAM (production de poussins d'un jour), le couvoir est l'un des points centraux de toute l'exploitation. Comme tous les poussins passent par cet endroit, il est le lieu par excellence où les agents pathogènes peuvent se transmettre et atteindre les fermes des éleveurs clients du CAM. En plus des véhicules ou autres équipements, le personnel est l'une des principales portes d'entrée de ces agents pathogènes. Ainsi, le personnel doit respecter un niveau élevé de propreté personnelle et porter des tenues adaptées et propres, assurant si cela est nécessaire, sa protection. Aucune personne atteinte d'une maladie susceptible d'être transmise aux poussins ou souffrant, par exemple, de plaies infectées, d'infections ou de lésions cutanées ou de diarrhée ne doit être autorisée à manipuler les OAC ou les poussins d'un jour ni même à pénétrer dans une zone de manipulation de ces derniers. Il est par conséquent imposé une douche à l'entrée et à la sortie du couvoir à tout le personnel et aux visiteurs, à défaut d'enfiler un survêtement sur leurs vêtements et chaussures. Par ailleurs, les mauvais résultats de cette section ne s'expliquent pas intégralement par l'hygiène corporelle. La formation du personnel représente aussi un point névralgique donc l'amélioration à travers les recyclages, contribuerait à apporter une compétence complémentaire spécialisée en élevage avicole ainsi qu'une expérience terrain. Ainsi, un personnel instruit du fait de l'absence de formation professionnelle en aviculture est compensée par plusieurs années d'expérience au sein de l'exploitation avicole. Pour une section aussi sensible que le couvoir, comment expliquer la présence de personnels non formés ? Il faut dans ce cas, remonter au mode de recrutement. Ici, le mode de recrutement classique par appel à candidature officiel cède la place à d'autres considérations qui sont d'ordre tribalo-ethnique, et aux calculs idéologico-stratégiques pour satisfaire « un haut placé qui faciliterait nos intérêts ». (a) La communication au CAM A côté des critères sus évoqués, l'information insuffisante des consommateurs illustre de façon tangible une communication insuffisante entre le CAM et ses clients. L'on assiste à une sorte de « cache-cache » entre les deux acteurs. Il s'agira de déconstruire cet état de fait et de ne pas s'embrigader dans le discours rhétorique « nous avons de bons poussins, nous produisons des aliments de qualité, ils se vendent seuls ». Nous pensons que ce type de langage témoigne d'une myopie visionnaire et met la structure dans une posture d'attentisme à l'image des « sables mouvants » pour les financiers. De fait, la communication témoigne de l'existence de la structure. Par conséquent, il faut donner aux clients les informations technico pratiques utiles et nécessaires sur les sujets dont ils auront la charge, les performances, et les techniques d'élevage avec en bonne place les bonnes pratiques d'élevage à mettre en place. Le faire, nécessite du personnel qualifié et rompu à la tâche afin de rompre avec les discours de déconstruction. Il s'agit là d'une communication extravertie. En interne, entre les différents services ou sections, elle s'adosse sur la notion de pouvoir, des sphères d'influence, des zones d'incertitude selon le modèle crozierien. A titre d'illustration, le service ou la section d'élevage n'est pas informé des plaintes des clients au sujet de la qualité des poussins à eux livrés par le service commercial. La section couvoir qui ne communique pas au service d'élevage les résultats des éclosions. Il en est de même de la provenderie qui ne partage pas les informations avec l'élevage, de l'état par exemple des matières premières disponibles et utilisées. La section élevage à son tour garde toutes les informations pour son compte. Cet état de fait apparaît comme une caractéristique de ce type de structure. Autre fait, est la qualité de la communication. Quelles sont les informations et données véhiculées ? Comment se sont-elles ? D'où le problème de la qualité de l'information. Au regard des faits observés, ce « jeu » est parfois bien entretenu à dessein par les différents acteurs pour avoir une marge de manoeuvre les uns sur les autres et satisfaire leurs égos. Ils transforment ainsi la structure en une « arène »162(*) où la rumeur est dès lors l'outil de communication approprié. Tout ou presque y passe, les bonnes comme les mauvaises nouvelles. Ici, les bonnes informations circulent rapidement, et les mauvaises encore plus vite. Dans cette société, les rumeurs sont extrêmement fiables. Cette situation résulte du mode managérial. Christian Le Moënne formule qu'elle « résulte certainement de cette perte de repères des dirigeants d'entreprise confronté à des problèmes qu'ils ne savaient ni bien analysés, ni bien résoudre, et qui étaient finalement assez extérieurs à ce qui constituait jusque-là le coeur de leur culture »163(*). La qualité ici n'est pas une préoccupation des acteurs ou du moins constitue sa zone d'incertitude et donne un sens à son pouvoir. Aussi, le CAM devient-il comme « le royaume des relations de pouvoir, de l'influence, du marchandage et du calcul »164(*) et comme « un construit humain qui n'a pas de sens en dehors des rapports et de ses membres »165(*) Pourtant, l'interaction par opposition à un cloisonnement entre les services apporterait des informations et données utiles pour une bonne cohésion d'ensemble. Mais pourquoi ce cloisonnement alors que la qualité et la communication sont des processus transversaux ? En effet, cette transversalité nous permet de comprendre et de rapprocher deux pratiques au CAM qui sont effectives. Les cadres ou responsables de section ne se relayent pas assez souvent les informations. Par volonté manifeste ou par absence de règles, dans l'un ou l'autre cas, l'acteur cherchera à les enfreindre dans sa zone d'incertitude166(*). Pratiquement, le personnel s'adapte localement aux relations de pouvoir dans lesquelles chacun est pris. C'est à travers ces relations qu'il perçoit l'environnement et en fonction d'elles qu'il règle sa conduite. C'est cette dormance dans l'application des règles qui serait à l'origine des vols de poussins au couvoir et des OAC et de reproducteurs à la ferme. Ainsi, les différentes stratégies en présence s'organisent en « jeu »167(*). Dans cette organisation, la qualité n'est pas considérée comme un devoir et c'est pourquoi les employés y échappent et la communication devient par conséquent orpheline de toute bienveillance. Nous disons qu'il faut communiquer pour exister. Un autre aspect qui pourrait justifier ce résultat insatisfaisant et une évaluation de la conformité inacceptable, c'est le manque de motivation du personnel. En parler ici, n'est aucunement le seul problème de cette section, celui-ci est transversal. (b) Les supports de personnel Parmi ces supports, il y a les salaires (« c'est ce qui justifie le fait que tous les volaillers sortent de chez eux»168(*)) et le statut du personnel. Un personnel qui s'estime mal payé, n'a pas forcément envie de « faire plaisir à la direction », en arborant un sourire forcé. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il ne rend pas service aux clients ! Il arrive même que ces mêmes ouvriers avicoles offrent leurs services pendant leurs jours de repos à ces exploitants avicoles afin « d'arrondir les fins du mois ». * 162 Jean-Pierre OLIVIER DE SARDAN, Anthropologie et développement, essai en socio-anthropologie du changement social, KARTHAN, Paris, 1995, p.174. * 163 LE MOËNNE Christian. « Communication "by smiling around" et crise managériale», In, Réseaux, mars-avril 1994, n°64, p.35. * 164 CROZIER Michel, Friedberg Erhard, L'acteur et le système, Editions du Seuil, Points Essais, Paris, 1992 [1977], p50. * 165 Ibid. * 166 Op.cit., p.30. * 167 Op.cit., p.23. * 168 Propos recueillis au près d'un ouvrier avicole en août 2012. |
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