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De la souveraineté permanente de la RDC sur ses richesses et ses ressources naturelles: examen de l'Article 09 de la Constitution du 18/02/2006

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par Guillain Cirhuza Koko
Université catholique de Bukavu - Licence en droit public 2007
  

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II. Période du régime foncier post-coloniale

Pour Kalambay, le régime foncier pendant cette période postcoloniale a connu deux phases fortement caractérisées.

En effet, dans la première phase qui se situe dans la première décade de l'indépendance, le régime foncier est dominé par la conception du droit colonial car le législateur de cette période, tout en recherchant l'indépendance économique, a le souci permanent de maintenir ces textes légaux antérieurs à l'indépendance.

La deuxième phase débute avec la décennie connue. En effet, dans la loi fondamentale (décret du 19 juin 1960), on remarque des positions tranchées du législateur ; positons qui aboutissent à la rupture avec l'ancien régime foncier ; laquelle rupture étant consacrée par la loi du 20 juillet 1973.

II.1. La loi BAKAJIKA (1ère décade de l'indépendance)

La constitution du 1er août 1964 invitait le législateur à régler souverainement par la loi nationale le régime juridique des cessions et concessions foncières faites avant le 30 juin 1960.

Et l'ordonnance - loi n° 66/343 du 7 juin 1966 communément appelée loi BAKAJIKA, assurait à la RDC la plénitude de ses droits de propriété sur son domaine et la pleine souveraineté dans la concession des droits fonciers forestiers et miniers sur toute l'étendu de son territoire, (...) tous les textes législatifs antérieurs ayant pour objet l'exploitation, la gestion du sol et du sous-sol congolais et qui sont contraires à l'esprit de l'ordonnance loi précitée étaient abrogées. Dans l'exposé des motifs, il est dit que « la souveraineté de notre pays s'accommode mal des privilèges exorbitants concédés par la législation coloniale » et le Congo doit pouvoir exiger la plénitude de ses droits de propriété, de ses pouvoirs concédant... il doit disposer librement de son patrimoine ».

Cette ordonnance43 prise en vertu de l'article 43 alinéa 3 de la constitution de 1964 annule toutes les cessions et concessions accordées successivement par l'E.I.C., le Congo Belge, le CSK, le CNKI et la CFL.

La loi BAKAJIKA voulait constituer pour l'Etat congolais une loi de régulation de cession ou de concession acquises avant l'indépendance. Mais, à part la remise en question de cessions et de concessions accordées avant le 30 juin 1960 n'a pas porté atteinte à la conception du droit foncier colonial.

II.2. Portée de la loi BAKAJIKA

Cette loi avait 3 articles dont :

L'art.1er stipule : la R.D.C. reprend la pleine et libre disposition de tous ses droits fonciers, forestiers, et miniers concédés ou cédés avant le 30 /06/1960 en propriété ou en participation à des tiers, personnes morales ou physiques. L'art.2ème renchérit : « la R.D.C. procédera souverainement à la répartition des droits d'exploitation ou de gestion de ses ressources naturelles forestières et minières »

L'art.3ème : « tous les textes législatifs ou réglementaires antérieures, ayant pour objet : l'exploitation, la gestion du sol ou du sous sol congolais et qui sont contraires à l'esprit de la présente ordonnance-loi sont abrogés.

Ce point sera consacré à l'étude des concepts de «plénitude des droits fonciers», d'une part, et d'autre part à celui de « de la pleine souveraineté ». Après en avoir explicité la portée, on verra quelle incidence ces deux concepts ont sur les droits cédés ou concédés sur le sol par l'autorité coloniale.

2.1. Explication du concept « plénitude des droits fonciers »

Cette expression se trouve consacrée par l'Ordonnance-Loi n°66- 343 du 7 juin 1966, dite communément Loi BAKAJIKA44. Il dispose en son

43 Gaston KALAMBAY et Ndeshyo RURIHOSE « Enseignement de droit et de développement» in Annales de la Faculté de Droit, UNIKIN, 1976.

article 1er : « La R.D.C. reprend la pleine et libre disposition de tous ses droits fonciers, forestiers et miniers concédés ou cédés avant le 30 juin 1960 en propriété ou en participation à des tiers, personnes morales ou physiques ». En d'autres mots, en perdant la propriété du sol, le propriétaire voit son droit réel de propriété des constructions, se transformer en droit de créance sur l'Etat. Ainsi bien, la loi dite « BAKAJIKA » n'eut-elle pu décider autrement sans porter gravement atteinte au principe général du droit qui prescrit l'enrichissement sans cause.

1.1. Quelle est donc la portée de cette disposition?

Dans la terminologie en usage dans les affaires foncières, le mot cession est l'octroi d'un droit de propriété tandis que la concession se limite à octroyer un droit de jouissance bail, emphytéose, occupation provisoire, superficie, concession gratuite, etc.

Dans une terminologie plus générale le mot concession signifie tout acte par lequel l'Etat consent un droit de jouissance sur son domaine, sans distinguer entre le domaine public et le domaine privé.

Dire que l'Etat reprend la pleine et libre disposition45 de tous ses droits fonciers ~cédés avant le 30 juin, revient à dire qu'il reprendre toutes les propriétés privées reconnues et protégées par les textes législatifs d'avant cette date. En effet, aux termes de l'article 14, Livre II du Code Civil la propriété est le droit de disposer d'une chose d'une manière absolue et exclusive. Le droit de disposition constitue l'essence méme du droit de propriété et les mots « pleine et libre disposition » repris à l'article 1er de l'Ordonnance-Loi n°66-343 eussent aussi bien pu être remplacés par les mots « pleine propriété».

1.2. Limites de la disposition

Une première limitation se pose dans le temps, sont uniquement visés les droits cédés ou concédés avant le 30/06/1960. Il s'ensuit que les droits fonciers valablement cédés ou concédés, après le 30/06/1960, conformément à

44 Du nom de son initiateur, le député national Isaac Gérard BAKAJIKA-KANGOMBE, auteur de la loi qui porte son nom.

45 Gaston KALAMBAY, op.cit., pp.43 à 47.

l'ancienne Loi Fondamentale ou à la constitution, sont couverts par la garantie inscrite à l'article 43 de la constitution : « Les droits de propriété, qu'ils aient été acquis en vertu du droit coutumier ou du droit écrit, sont garantis conformément aux lois nationales. Nul ne peut être privé de ses biens meubles ou immeubles justement acquis en une région quelconque du territoire de la République que pour des motifs d'intérêt général et en vertu d'une loi nationale prévoyant le versement préalable d'une indemnité équitable ainsi que le droit pour l'intéressé de saisir, en cas de contestation, les tribunaux de l'ordre judicaire pour qu'ils se prononcent sur ses droits et fixent le montant de l'indemnité ». Cette loi nationale est pour l'instant le Décret du 24 juillet 1956 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique. L'Ordonnance-Loi n°66-343 n'eut donc pu disposer pour une époque se situant après le 30/06/1960, sans aller à l'encontre des garanties constitutionnelles.

Une deuxième limitation résulte de l'objet sur lequel a porté la cession ou la concession, à savoir le sol. L'Etat colonial a cédé ou concédé des terres mais non les constructions, plantations ou autres améliorations quelconques qui y ont été faites. La R.D.C. reprend ce qui a été cédé ou concédé, et non ce que le concessionnaire y a incorporé. (Discussions des théoriciens.)

Pour nous, en reprenant la propriété du sol, la R.D.C. reprend par le fait méme la propriété des constructions, plantations, etc.~qui s'y trouvent, et ce en vertu du principe de l'accession46. Mais cela ne signifie en aucune façon que le propriétaire évincé perd tous droits sur ces constructions. Il se trouve en effet, dans la situation du possesseur de bonne foi, dont le cas est ainsi prévu par l'article 24 du Code Civil II : « Lorsque les constructions ouvrages ou plantations ont été faits par un possesseur47 de bonne foi, avec des matériaux ou des végétaux lui appartenant, le propriétaire du fonds ne peut en exiger la suppression ; il doit rembourser au possesseur, soit la valeur des matériaux ou des végétaux et prix de mains d'oeuvre, soit la plus value qui en est résultée pour le fonds ».

46 Cfr : article 22 du Code Civil congolais, Livre II

47 Gaston KALAMBAY, op.cit. p.44.

2.2. Explication du concept « pleine souveraineté »

S'agissant du concept « pleine souveraineté dans la concession et la cession des droits fonciers, forestiers, et miniers sur toute l'étendue de son territoire » dont il est question ici, c'est l'article 3 de la loi n° 66-343 du 7/06/1966, dite Loi BAKAJIKA qui le consacre, à l'instar du concept précédemment étudié.

Il dispose : « la RDC procédera souverainement à la répartition des droits d'exploitation ou de gestion de ses ressources naturelles, forestière, et minières ».

L'idée que voulait exprimer le législateur de cette loi est de concrétiser le voeu de rompre avec la main mise étrangère dans la gestion du patrimoine foncier, minier et forestier congolais. Il faut mettre fin à l'ingérence de la main étrangère, car il n' y a pas d'indépendance politique sans indépendance économique. Cette fois-ci, ce sont les congolais eux-mêmes et non les étrangers (colonisateur) qui vont décider de la gestion des ressources situées sur le domaine de l'Etat. En effet, il a été démontré plus haut que l'Etat n'était pas maître de son sol, certaines puissances gèrent à leur profit et au détriment de la population, l'essentiel de notre potentiel économique. Le gouvernement colonial, sans l'aval du peuple congolais distribua aux colons, comme bon lui semble, des terres sous formes de concessions et de cessions. Pire encore, ils passèrent un contrat d'exploitation qui devait, suivant les documents officiels consultés, prendre fin en l'an 2300, leur donnant la totale et entière liberté d'administrer ces terres, comme si la RDC était incapable de s'autodéterminer, et donc de se diriger seul, car il est un Etat souverain .

Bref, comme il est dit dans l'exposé des motifs, la souveraineté de notre pays s'accommode mal avec les prérogatives exorbitantes concédées par la législation coloniale aux intérêts étrangers, qui font fi de nos aspirations les plus légitimes. A notre humble avis, la «pleine souveraineté», implique aussi l'indépendance économique qui signifie ainsi, que les grandes décisions qui concernent l'activité économique soient prises au Congo et en fonction des options déterminées par le Gouvernement. C'est pourquoi il faudrait veiller à

une large participation des congolais et du gouvernement à la gestion des activités économiques exercées jusqu' à cette époque-là, par les étrangers. D'où la reprise offensive de droits des congolais sur les richesses de leur sol et sous-sol aux termes de la loi BAKAJIKA, nous parait mieux indiquée pour atteindre ce résultat.

2.3. Incidences de ces deux concepts sur les droits cédés ou concédés par l'autorité coloniale

Les personnes physiques ou morales visées à l'article1er pourront poursuivre leurs activités jusqu'à la notification de la décision par les ministres des terres, mines et énergie et de l'agriculture comme prévu à l'article 4.

L'Ordonnance d'exécution invitait tous les bénéficiaires de cessions ou de concessions à introduire des nouvelles demandes de cessions ou de concessions dans un délai déterminé. Le dossier de la demande devrait contenir les renseignements susceptibles de permettre aux autorités compétentes de juger des conditions présentes d'exploitation48 des concessions ainsi que les objectifs d'avenir des exploitants. Pour la réattribution des concessions à leurs anciens titulaires, les autorités dont il est question ci-haut devaient tenir compte de la mise en valeur suivant que le terrain était situé dans la zone urbaine ou dans la zone rurale soumise à un plan rural d'aménagement.

En résumé, les critères de l'appréciation de la mise en valeur étaient ceux qui étaient prévus par l'article 30 de l'arrêté ministériel du 25/02/1943.

De l'examen du dossier, trois solutions étaient possibles : ou bien la mise en valeur est prévue par les critères d'évaluation ; dans ce cas, il y a réattribution du terrain, ou bien, la mise en valeur est partielle ; dans ce cas, l'Etat reprend la partie non mise en valeur, ou bien la mise en valeur est insuffisante ou nulle, l'Etat reprend tout le terrain. C'est ce qu'aussi semble

48 Gaston KALAMBAY, op.cit.p.47.

nous dire dans ses commentaires, M. HERBOTS : « il semble qu'il ne faut y avoir qu'une faculté : l'Etat n'est pas obligé de redevenir pleinement propriétaire. Il ne fera usage de cette faculté que si le cessionnaire ou le concessionnaire n'a pas usé de son droit dans l'intérêt du pays (ainsi s'il n'a fait que conserver les terres dans un but spéculatif) ou s'il a abandonné son bien ».

. Les textes disent que l'Etat reprend la pleine et libre disposition de

tous ses droits fonciers, forestiers, et miniers concédés ou cédés avant le 30/06/1960. En d'autres termes, l'Etat reprend ce qui a été cédé ou concédé par la Colonie, c'est-à-dire le sol. Quel est, dès lors, le sort des constructions, plantations ou autres améliorations quelconques faites par le cessionnaire ou le concessionnaire ?

Le problème ne se pose pas quand il y a réattribution intégrale du terrain cédé ou concédé. Au contraire, il se pose dans d'autres cas. En reprenant la propriété du sol, en tout ou en partie, l'Etat devient, en vertu du principe de l'accession immobilière, propriétaire de tout ce qui a été incorporé au sol repris et l'Etat a l'obligation dans ce cas d'indemniser le cessionnaire ou le concessionnaire qui doit être considéré comme un possesseur de bonne foi construisant sur un terrain appartenant à autrui.

Si l'on observe la superficie totale des terres cédés et concédés au 31/12/1959 à celle des terres dont la cession ou la concession a été confirmée ou non dans le Moniteur congolais, on constate que la superficie de 1959 est de loin supérieure au total des droits confirmés ou infirmés. Nous pensons avec le professeur Gaston KALAMBAY, que l'inefficacité de l'application de la Loi BAKAJIKA résidait dans le manque de formation des conservateurs des titres fonciers et dans la perte des documents pouvant servir de pièces de contrôle des cessions et des concessions.

On peut en conclure que la loi BAKAJIKA voulait constituer pour l'Etat une loi de régulation de cessions ou de concessions acquises avant l'indépendance par le nouvel Etat. Par cette opération, si la loi BAKAJIKA avait été bien appliquée, elle aurait permis à l'Etat d'effectuer un inventaire

complet des terres cédées et concédés, de connaître leur superficie, leur destination, et de constater, sur base des doubles des certificats d'enregistrements gardés dans les conservations des titres fonciers, celles qui ont été abandonnés et qui, par conséquent, retourneraient à l'Etat. A part la mise en question des cessions et concessions accordées avant le 30/06/1960, la loi BAKAJIKA n'a pas porté atteinte à la conception du droit foncier colonial.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand