Réflexions sur la Société Commerciale Unipersonnelle dans le Droit OHADA( Télécharger le fichier original )par Christian Hervé MOBIO Université catholique de l'Afrique de l'Ouest - Diplôme d'études approfondies en droit privé fondamental 2007 |
B- Le manque de coordination entre les règles relatives à l'objet de la société et l'acte constitutif de la société unipersonnelleConformément à l'article 4 alinéa 1 : « la société commerciale est créer par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par contrat d'affecter à une activité, des biens en numéraires ou en nature, dans le but de partager ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter ». Cette expression « objet du contrat de société » qui ressort également de l'article 1832 du code civil et qui se traduit par la mise en commun de biens, touche à la question du capital social de la société commerciale. Les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée ainsi que leur déclinaison doivent respecter un capital minimum contrairement aux sociétés de personnes telles que les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite simple. Ce capital varie en fonction de la structure sociétaire. Le capital minimum exigé pour la société anonyme unipersonnelle (SAU) est fixé à 10 millions de francs CFA, avec pour montant nominal de l'action fixé à 10 mille francs FCFA2(*)2. En ce qui concerne la société à responsabilité limitée unipersonnelle, il est fixé à 1 million de F Cfa, le montant nominal de l'action est fixé à 5 mille francs Cfa. Au vu de ce qui précède, nous nous permettons d'émettre quelques remarques. Le capital social exigé apparaît très élevé. Si ce type de société commerciale peut être choisi par un petit entrepreneur individuel, voir un artisan, le niveau de vie aurait dû être pris en considération pour fixer le montant minimum du capital, sa capacité financière étant limitée. L'accès difficile au crédit aura pour conséquence de ne pas permettre à ces petits entrepreneurs de revêtir ce type de société commerciale. Nous pensons que le législateur OHADA, dans une actualisation du droit des sociétés devrait revoir à la baisse le capital social minimum pour les sociétés commerciales. La baisse du minimum du capital social exigé va non seulement permettre aux petits entrepreneurs individuels de pouvoir se constituer en société commerciale mais aussi va favoriser le développement des petits et moyennes entreprises (PME) . De plus, le capital social de la société pluripersonnelle est constitué par les apports des différents associés. C'est la raison pour laquelle l'article 37 de l'acte uniforme2(*)3 exige que chaque associé fasse un apport. Les différents types d'apports ont été précisés par l'article 40 de l'acte uniforme de la manière suivante : « chaque associé peut apporter à la société. 1) de l'argent par apport en numéraire 2) de l'industrie par apport de main d'oeuvre 3) des droits portants sur des biens en natures, mobiliers ou immobiliers Corporel ou incorporel par apport en nature » Les apports effectués par l'associé unique constitueront donc le capital social de la société unipersonnelle, les apports en numéraires ne posent aucun problème. Seuls les apports en nature et en industrie attirent notre attention, lorsque nous nous interrogeons sur la perception qu'a pu avoir le législateur africain sur la notion d'apport en industrie et en nature. En principe, l'apport en industrie n'est pas admis dans les sociétés à risque limité parce qu'il y a incompatibilité entre la limitation de responsabilité et le fait que l'apport en industrie soit dépourvu de toute valeur patrimoniale réelle. La perception qu'a eu le législateur de cette notion n'apparaît pas clairement et nettement à travers la lecture du chapitre 7 titre 3 du livre premier première partie de l'acte uniforme qui institue les apports. Tout d'abord l'article 37 portant dispositions générales ne vise pas en son alinéa 2 l'apport en industrie. Seuls les apports en numéraire et en nature ont été la préoccupation des rédacteurs de l'acte uniforme. En sus, même si l'article 40 de l'acte uniforme qui énumère les différents types d'apports vise l'apport en industrie, aucun développement n'a été consacré par la suite, à ce type d'apport. Pourtant, le législateur n'a pas manqué de préciser dans les articles 41 à 50, le régime juridique des apports en numéraire et en nature. Par ailleurs, des dispositions relatives aux conditions de fond de la constitution de la société à responsabilité limité ( SARL ) précisent les modalités d'évaluation des apports en nature, tandis que les articles 400 à 403 régissent les modalités d'évaluation des apports en nature de la société anonyme ( SA ). Quid l'apport en industrie ? Le législateur OHADA n'a dès lors pas procède à la distinction entre société dans laquelle l'apport en industrie est admis et société dans laquelle il ne l'est pas. Cependant, certains auteurs déduisent de ce vide législatif que l'apport en industrie est possible dans toutes sociétés2(*)4. Nous ne partageons pas cet avis en ce qui concerne la société à responsabilité limité unipersonnelle (SARL) et la société anonyme unipersonnelle, en effet le caractère insaisissable de l'apport en industrie fausse les principes de la limitation de responsabilité d'une part, et d'autre part la surface financière de la société unipersonnelle est si étroite que le gage des créanciers sociaux s'en trouvera alors réduit outre mesure. De plus, le caractère insaisissable de l'apport en industrie est contraire à une des justifications données par les défenseurs de la société unipersonnelle, à savoir permettre à l'entrepreneur individuel d'affecter une fraction de son patrimoine à une activité commerciale dans le respect des deux masses patrimoniales ainsi créées2(*)5. Or l'apport en industrie ne permet pas de percevoir cette affectation patrimoniale. Une autre préoccupation concerne les règles d'évaluation des apports en nature, découlant de l'article 3122(*)6 pour la SARLU, et 400 à 403, pour la SAU, la portée de la procédure d'évaluation des apports en nature est d'assurer l'étanchéité de la cloison entre le patrimoine de la société et celui de l'associé unique. Pour les détracteurs de la société unipersonnelle, seule la pluralité d'associés exerçant les uns sur les autres un contrôle réciproque devrait permettre d'atteindre cet objectif. Afin de ne pas donner raison aux détracteurs de la société unipersonnelle, il convient de faire de l'évaluation des apports en nature à dire d'expert, une obligation pour cette forme de société. Cette évaluation est un impératif pour la SARLU, car concernant la SAU aucun plafond n'a été fixé pour la valeur de l'apport comme condition pour la mise en oeuvre de l'évaluation. L'alinéa 2 de l'article 312 de l'acte uniforme ne devrait pas s'appliquer à la SARLU. En effet, si on compare le minimum légal du capital social de la SARL (1 million de franc CFA) au plafond à partir duquel l'évaluation des apports en nature est exigée (5 000 000 de francs) rares sont les SARLU qui seront soumises à cette procédure d'évaluation, faute de pouvoir réunir le plafond fixé. Or la sanction prévue par l'alinéa 5 de l'article 312, à savoir la responsabilité solidaire et indéfinie des associés en cas d'évaluation irrégulière de l'apport en nature, n'est efficace que concernant la SARL pluripersonnelle puisque la solidarité qui suppose plusieurs personnes et donc plusieurs patrimoines ne trouvera pas à s'appliquer à l'associe unique. Dès lors, l'article 312 devrait être doté d'un alinéa visant spécialement l'associé unique pour lequel l'évaluation des apports en nature par un commissaire aux apports est une exigence. Concernant l'article 409 de l'acte uniforme relatif à la faculté qu'ont les actionnaires de la SA à écarter l'évaluation faite par le commissaire aux apports le critère d'appréciation retenu est le consentement des parties2(*)7 qui n'a pas sa place en l'espèce. L'associé unique étant apporteur et bénéficiaire surtout lorsqu'en plus d'exercer tous les pouvoirs de l'assemblée d'actionnaire, il est également le dirigeant social, l'article 409 ne devrait pas s'appliquer. L'analyse des conditions de fond de constitution de la société commerciale unipersonnelle nous conduit à l'étude de l'affectio societatis dans la société unipersonnelle.
* 22 D.Tapin, « droit des société commerciale et du GIE en Afrique», recueil Penant, 1998,n°827 (N° spécial),p.190 et suivants * 23 art.37 : « chaque associé doit faire un apport à la société. Chaque associé est débiteur envers la société de tous ce qu'il s'est obligé lui apporter en numéraire et en nature » * 24 F.Anoukaha et autres, Op. Cit. * 25 Rotondi p.1 et LAussedat p.235 * 26 art.312 : « les statuts doivent nécessairement contenir l'évaluation de chaque apport en nature et des avantages particulier stipulés.cette évaluation est faite par un commissaire aux apports dès lors que la valeur des apports ou l'avantage considéré,ou que la valeur de l'ensemble des apports ou avantage considérés est supérieur à 5 million de franc CFA. Le commissaire aux apport choisi sur la liste des commissaires aux comptes selon les modalités prévu aux art.694 et suivants du présent acte uniforme, est désigné à l'unanimité des futur associés ou à défaut par le président de la juridiction compétente à la demande des fondateurs de la société ou de l'un d'entre eux. Le commissaire aux apports établit un rapport annexé aux statuts. A défaut d'évaluation faite par un commissaire aux apports ou s'il est passé outre à cette évaluation,les associés sont responsable solidairement et indéfiniment de l'évaluation faites des apport en nature et des avantage stipulé pendant une période de 5 ans. L'obligation de garantir ne vise que la valeur des apports au moment de la constitution de la société ou de l'augmentation du capital et non pas le maintien de cette valeur » * 27 il s'agit d'une part de celui de l'actionnaire apporteur et de l'autre le consentement de la société bénéficiaire |
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