II-1 LES PALLADIUMS ROYAUX
A l'origine les sampy étaient des talismans
ody en forme de chapelet. Ils se portaient soient au cou soient aux
membres ou en bandoulière 4.Cette dernière
forme est faite exclusivement pour les guerriers qui partaient en
expédition. Les sampy étaient donc aux débuts
individuels. Chaque personne avait « quelque chose »qui la
protégeait. Au fil du temps, surtout en Imerina, des amulettes
considérées comme les plus importantes furent misent à
part. La puissance de ces derniers n'était plus individuelle mais
collective. En effet, cette puissance s'appliquait à un clan tout entier
ou même à un peuple entier. Les fétiches devenaient des
objets de véritable culte avec la montée au pouvoir
d'Andrianampoinimerina au début du XIXe siècle et
conservèrent leurs pouvoirs jusqu'au règne de Ranavalona II. Ces
talismans se caractérisaient par des pouvoirs étendus et des
efficacités multiples,
1 C'est visible dans un de nos proverbes « Aza ny
lohasaha mangina no jerena fa Andriamanitra antampon'ny loha »
2 Madagascar et le christianisme HUBSCH (B.) éd.
p 29
3 « Taboo » RUUD (J.), pp 77-110 « les
animaux tabous », Imprimerie luthérienne 1970
4 Les sampy, idoles royales in Revue de
Madagascar 2é trim. VALMY(R.)1956 p 56
« Ary izany Anakandriana izany tsy olona tsy biby fa
zavatra tsy fantatra...ary lava-bato no itoerany ery Fandàna
atsinanan'Ambohimanambola no itoerany...nandehanan'ny olona betsaka ka hataka
sy vavaka ary hasim-bola no anaovana eo... » A l'origine du sampy, un
être légendaire Ranakandriana in Tantara ny Andriana p 82.
Les sampy avaient les mêmes statuts que les dieux, des
dieux visibles (tapakazo, fonosam-pasika, landihazo voadidina vakana atao anaty
vata ...) Madagascar et la Christianisme HUBSCH (B.) éd,
1993 édition
Karthala/Ambozontany p 83.
des talismans polyvalents. Le roi et peuple entier accordaient
à ces sampy des statuts de véritables dieux, on les
abritait dans des cases spéciales. Leurs gardiens dit-on avaient des
castes spéciales (qu'Andrianampoinimerina les avait
conférés un statut).La transmission de cette tâche se fait
de père en fils ainé et le gardien devait avoir les parents
vivants. On les attribuait le nom de mpiandry sampy ou
Mpanazary, et ils sont considérés comme des personnes
que l'on ne peut condamner (tsy maty manota) quelque soit les fautes
qu'ils avaient commises. Selon Valmy1, avant de partir en guerre ou
en expédition, il y avait des invocations des sampy. Ce sont
des rituels et cérémonies préliminaires qui consistaient
à se « doper », à demander des forces pour être
plus fort que l'adversaire. Pour que les pouvoirs de ces sampy aient
les effets sur quelqu'un, des fady étaient strictement à
respecter. Il y avait par exemple l'interdit du hena ratsy, viande de
boeuf immolé lors des funérailles, pour tout les
sampy.
Depuis les temps d'Andriamasinavalona, on attribuait des
places fixes aux palladiums. Ces derniers étaient au nombre de
douze2, comme les collines sacrées de l'Imerina
(avec les douze femmes).Le chiffre « 12 » était symbolique et
sacré, un chiffre royal. Ikelimalaza se trouvait à
Ambohimanambola ; Ifaroratra à Alasora ; Ifantaka
à Ambohitrandriananahary ; Ramahavaly à Andrarakasina ;
Itsimanompolahy, Rahambana et Rafiringa à
Alasora ; Izanaharitsimandry et Imanjaibola étaient
également prisent par Andrianjaka comme royales.
Andriatsitakatrandriana introduit Imaroakany ; Ratsimahalahy
et Rabeaza par Andriatsimitoviaminandriana et Imanjakatsiroa
par Andrianampoinimerina.3
Les sampy sont les protecteurs du royaume en
Imerina. Ils avaient certains pouvoirs et occupèrent des places
importantes dans la vie aussi bien de la royauté que du peuple. Ils sont
tellement importants qu'avant chaque action à entreprendre, il fallait
les invoquer et demander leur protection. Chaque sampy, avec ses
pouvoirs étendus et efficaces avait leurs spécialités. On
invoquait celui ci pour une telle raison, on invoquait tel autre pour telle
autre...Les sampy royaux avaient également des
hiérarchies selon leurs pouvoirs. Le souverain confiait aux
sampy son royaume pour sa bonne marche. Les rois qui se
succédèrent en Imerina avaient chacun leurs talismans
depuis Ralambo jusqu'à Andrianampoinimerina. Ces sampy
intervenaient dans tous les aspects de la vie. Ils avaient des
1 Les sampy, idoles royales in Revue de
Madagascar 2é trim 1956 p 56
2 Tantara ny Andriana eto Madagascar 2é edition
tome I 1981 RP CALLET
3« Tantaran'i Madagasikara isam-paritra »
RANDRIAMAMONJY (F.) p 424
Une autre version dans le livre revue de Madagascar
1956, dans l'article de VALMY (R.) intitulé Les sampy, sampy
royales pp 56-64 affirme qu'il y avait 12 sampy royales. Parmi eux, 06
seulement avaient autrefois acquis une grande Célébrité.
Rakelimalaza à Ambohimanambola ; Manjakatsiroa
à Ambohimanga ; Ramahavaly à Amboantany ;
Rabezaha à Manankasina ; Rafantaka à
Ambohimanga et Ratsimalahady à Ambohitrolomahitsy.
interventions dans la politique, sur le plan militaire («
avia sampy manatona ahy ; hamoriako tany sy fanjakana »hoy
Andrianampoinimerina)1.
Chaque sampy avait certes de pouvoirs. Le peuple et
le roi accordaient leurs confiances. Pour que les demandes aient une
réponse favorable et que la société en bonne marche, il
fallait respecter les interdits fady de chaque talisman.
II-2 LES Fady D'IKELIMALAZA
Les palladiums étaient d'origine populaire. Rakoto
(I.)2 précise même qu'ils les étaient durant la
période d'extension et d'unification du royaume en Imerina du
XVIII et XIXe siècle. Ils furent confisqués par la
royauté sous la forme de sampimasina, pour devenir un
élément important de l'appareil de l'Etat et dans son
fonctionnement.
D'après ce que nous avons parlé
précédemment, parmi les sampy, il y avait ceux qui
acquéraient des célébrités et des renommés
très importants. Ikelimalaza(ou Rakelimalaza), «
le petit célèbre » était parmi eux. Ce
sampy, considéré comme le dieu des sampy,
venait du Betsileo3.Il appartenait à Ikalabe et au
début il n'était qu'un simple talisman protecteur des
rizières. Ikelimalaza est considéré comme le plus
ancien des sampy. En effet, on dit qu'il remontait au roi
Ralambo4 et qu'il avait occupé la première place et
avait le droit au parasol rouge et au Hoby, une acclamation
particulière. Il résidait à Ambohimanambola ensuite, au
rova avec une case spéciale construite à droite du
portique d'entrée donnant accès à la cours. Il avait une
grande importance parce que c'était grâce à lui qui
Ralambo, Andrianjaka et d'autres rois avaient pu régner5.
Les sampy étaient des objets de cultes et de
cérémonies pendant les royautés. Le roi ainsi que tout le
peuple entier s'adressaient à eux pour des demandes des
bénédictions. Aux temps d'Andriambelomasina, les offrandes
étaient des Malaza6 et des vola tsy vaky
(monnaie de ces époques). Pour que ces demandes aient un résultat
satisfaisant et que les sampy agissaient vraiment des fady
1 Tantara ny andriana eto Madagascar, p227 cité
par RAKOTO (I.), RAMIANDRASOA (F.), RAZOHARINORO in Corpus d'histoire du
droit et des institutions fiche 12 : NY SAMPY, E.S.S DEGS
juin 1975 Université de Madagascar
2 In Corpus du droit et des institutions fiche 12
3 Les sampy, idoles royales in revue de Madagascar
2é trim 1956
DOMENICHINI (J.P) affirme dans Les dieux aux services des
rois « Ny Sampin'andriana » pp 62-126 que c'était au sud
de l'Ikongo que ce sampy a été ramené
4 « [...] fiarovana amin'ny aretina sy fitondra-manafika
Ikelimalaza.ka izy no sampy nitokisan-dRalambo sy Andrianjaka ka hatramin'ny
Ranavalona [...] » in Tantaran'ny Malagasy manontolo
RAINITOVO
5 Tantara ny Andriana Tome I 2é edition 1981
6 Les Malaza était des boeufs appelés
Omby Jaka destinés à la royauté in Les dieux au
service des rois (Histoire des sampin'andriana) DOMENICHINI (J.P.) pp 62-126
étaient à respecter. Ikelimalaza
interdisait des animaux tels que le cochon, le cheval, le chat, l'escargot... ;
des objets européens. Les européens ne pouvaient entrer dans le
village où il se trouvait1.Il y avait également des
jours autorisés « andro velona »2 pour les
offrandes et demander les bénédictions.
Ikelimaza interdisait également certaines
constructions. Considérées comme une matière sans vie et
inerte, la pierre était formellement prohibée pour la
construction de maisons. Jusqu'en 1869, personne n'avait l'autorisation la
pierre3 dans la construction car elle figurait parmi les
fady (tabou ou interdits) d'Ikelimalaza. Cette matière
était destinée exclusivement pour la construction de tombeaux et
de sépultures et pour autres monuments funéraires. L'interdiction
s'applique dans toute la cité. Même le transport des
matériaux avaient des hiérarchies selon le type de construction.
Pour une habitation, il faut tout d'abord transporter les bois, les briques et
les autres matériaux. La pierre était la dernière
matière à transporter sur le sentier (certaines personnes
conservent cette coutume jusqu'au nous jours). Contrairement à cette
première construction, la matière pierre était
transportée avant les autres sur le lieu à bâtir pour la
construction de tombeau. Les sampy royales d'un autre coté
n'aimaient pas des matières mortes comme la pierre. A l'intérieur
de la vieille ville, on ne pouvait mettre ensemble des constructions en pierre
et le sampy, protecteurs de la cité.
La pierre était donc jusqu'alors
considérée comme une matière morte, froide et inerte ne
pouvait être la matière première pour la construction des
habitations des vivants. En effet, étant donné que la
société traditionnelle malgache était fondée sur le
culte des ancêtres, la pierre était réservée
exclusivement pour les demeures et commémorations des morts, de ceux qui
ne bougeaient plus c'est à dire des caveaux. « Mivoaka amin'ny
varavaran-kazo, miditra amin'ny varavaram-bato » (litt. Sortir du
porte en bois ; entrer par la porte en pierre), un proverbe qui montre vraiment
que les deux états d'un être sont séparés. Encore en
vie, celui ci demeure dans une maison faite de matière vivante (le bois
pour la porte).Mort, il doit le quitter pour se reposer dans un git sans vie
(porte en pierre).Il est à noter que c'était sous le règne
du grand roi Andrianampoinimerina que la loi interdisant toutes constructions
avec le matériau pierre était vraiment en vigueur. Dans ses
travaux de recherche, Delahaigue-Peux4 affirme que « [...] les
obligations de la ville à construire uniquement en bois date
d'Andrianampoinimerina [...] ». Liée à une interdiction aux
temps des rois de l'Imerina, la pierre était surtout
utilisée pour les cultes des morts. Celle-ci a été
utilisée essentiellement et uniquement pour la
1 Les sampy, sampy royales in revue de Madagascar 1956
VALMY(R.) pp56-64
2 Les jours autorisés étaient le
lundi-mercredi-jeudi-dimanche (andro fanetsehana azy) in Tantara ny
andriana eto Madagascar Tome I 2é édition 1981 R P CALLET
3 Transformation de l'architecture funéraire en
Imerina 1971 LEBRAS (J.F.)-Histoire de Madagascar BASTIAN (G.) et
GROISON (H.), Paris 1967
4 « Manjakamiadana ou le palais de la reine »
1996 p 14
construction des tombeaux. Comment était donc l'aspect
de la cité des mille à ces époques ?, quels étaient
les matériaux de construction ? Telles sont les questions que nous
tenterons d'élucider dans les prochains paragraphes.
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