I-4 LA PIERRE DANS LES COMMEMORATIONS
La terre des ancêtres « Tanindrazana
» (litt. Terre des ancêtres) occupe une place fondamentale dans la
vie des Malagasy. L'importance de cette dernière demeure dans le fait
qu'elle est le patrimoine le plus sacré. En outre, cette terre va
être le lieu où se reposera, dans le caveau familial le corps d'un
défunt. En outre, le commerce est une des activités qui fait
vivre beaucoup de Malagasy, en l'occurrence, ceux de la région de
Manjakandriana et ceux du sud (faire du « varo-mandeha
» ou « mila ravinahitra » : faire du commerce). Cette
nécessité « filàna ravinahitra » pousse
le Malagasy à quitter son Tanindrazana pour voyager afin de
trouver, de chercher l'utile (Mitady ny mahasoa), ce qu'il y a de
meilleur. Ceci est justifié même par le proverbe : « Ny
fitadiavana (filàna) mahazaka maniraka » (litt. La
nécessité pousse à partir).Chacun se déplace,
parfois tout le temps, afin d'essayer de vivre au mieux et de satisfaire les
besoins nécessaires. Presque partout dans la grande île, dans
chaque région, on observe un cosmopolitisme. Quitter son
Tanindrazana ne pose pas de problème. Cependant, il y a souvent
des cas où le voyageur, très loin de ses terres ancestrales ou
faute de moyens ou pour d'autres raisons(attaquer par les dahalo et
corps introuvable) ne parvient plus à rentrer, et même mort le
corps
1 Ny Ohabolan'ny Ntaolo nangonina sy nalahatr'i COUSINS (W.)
sy PARRETT (J.), p 148 Imprimerie Imarivolanitra Tananarive, 1912
n'a pas été rapatrié. Le concept de
« very faty »ou « tsy hita faty » (litt.
corps du défunt non rapatrié ou disparu) n'est pas acceptable
pour les Malagasy. Croyant qu'il existe une autre vie après la mort et
que les Razana bénissent, les vivants en prenaient soin. Ceci
également dans le but de les honorer parce que leur souvenir est cher
à leur entourage. Les Malagasy essayaient toujours de rapatrier le corps
d'un défunt au caveau familial. Quelques fois, seuls les membres du
disparu parviennent à la famille. Cette situation serait à
l'origine du terme Taolam-balo (ou littéralement huit os).En
effet, pour éviter des difficultés de transport, on enlevait
-dit-on- les chairs des os des bras et des pieds et on amenait seulement ces
huit os afin de les inhumer dans le tombeau familial. Dans certains cas, la
situation de « very faty » (litt. : corps du défunt
introuvable) se réalise vraiment. Le Malagasy est doté d'un sens
de respect envers le défunt (qui va devenir Razana), d'une part
et d'une créativité étonnante et imaginative, d'autre
part. Cette créativité se matérialise par l'utilisation de
la pierre. Cette matière, ornée et sculptée symbolise la
perte d'un être et pour en garder des souvenirs. Lebras
(J.F.)1 évoque un exemple de pierres levées qui
commémorent la disparition de personnes. Ces pierres, au nombre de
quatre à cinq, sises à Ambohimanarivo (RN3 vers
Anjozorobe) sont dédiées, dit-il, à quelques personnes.
Une de ces pierres porte une inscription « Fahatsiarovana an'i
Razafinatoandro mianaka very faty tamin'ny tany malagasy ».Ces
pierres ont été érigées tout simplement pour qu'on
ne les oublie jamais. Selon le Tantara2 les pierres
débout ont quelques raisons d'être érigées.
Premièrement, parce qu'un tel est mort et le corps n'arrive pas au
tombeau familial car on ignore l'endroit où il était
décédé. Les membres de la famille du défunt, pour
se souvenir de leur bien aimé, érigeaient une pierre en sa
mémoire. Deuxièmement, ces pierres sont également des
monuments funéraires édifiés sur des lieux où ont
été déposés des restes mortels. Enfin, ces
constructions qui parsèment les collines de l'Imerina sont
mémorielles.
Photo 4 : une Pierre commémorative sise à
Talatan'ny volonondry en souvenir des défunts
(RN3) à coté d'une tombe (cliché de
l'auteur)
1 In Transformation de l'architecture funéraire en
Imerina LEBRAS (J.F.), 1971- p116
2 Ibidem p 116
Partout dans la grande île, il existe beaucoup de formes
et types de pierres levées. Selon Lebras1, on distingue deux
types de pierres levées (en Imerina).Il y a d'un coté
l'Orimbato. Il y a de l'autre coté les Tsangambato.
Ces types de pierres débout avaient leurs justifications et raisons
d'érection distinctives. Si la première est érigée
afin de commémorer des événements guerriers ou publics ;
des adoptions ; des procès ; des achats..., la deuxième par
contre, entrait dans le cadre de souvenir d'un défunt. L'exemple que
nous avons cité auparavant, illustre cette dernière. Pour la
première catégorie, nous pouvons prendre comme exemple la
stèle de l'Independence sise à Antaninarenina. Ce monument
était érigé afin de commémorer notre
Indépendance proclamée le 26 juin 19602. Le
deuxième exemple, c'est la stèle à l'Université d'
Antananarivo, à l'entrée de la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines. Ce monument marque la 180e année
(1823-2003) de l'introduction de l'écriture à Madagascar sous le
règne de Radama I. Il existe encore d'autres usages de la pierre.
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