VII- 4 VALEURS PATRIMONIALES
Durant plusieurs siècles, les souverains qui se
succédaient en Imerina, bien avant l'arrivée de
l'écriture utilisaient la pierre à titre de patrimoine. «
Parce qu'ils ne savaient pas écrire, les rois d'autrefois firent des
pierres leur titre d'héritage, un titre durable et qui ne serait jamais
détruit »4. Comme héritage, donc, les rois et
reines léguaient à leurs descendants des patrimoines traversant
des générations. Aussi, la pierre jouait déjà le
rôle d'héritage par son caractère.
1 Tantaran'ny Tranovato anatirova : «
Ranavalona I nandrara izany- fampirafesana fivavahana ary koa fivavahana
amin'ny razam-bazaha »
2 DELAHAIGUE-PEUX op.cit.
3 Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines, n° 11, 1970
4 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996
Les habitations en bois quant à elles,
représentent incontestablement des patrimoines à valeurs
inestimables même si il n'existe plus que peu (du fait que ces
dernières se construisaient avec des matériaux
biodégradables. Avec le temps et le climat, ces matériaux s'usent
et pourrissent. Besakana d'Andrianampoinimerina par exemple en est une
qui reste encore débout en ce moment). En effet, ces bâtis
reflètent en un coté, l'identité du peuple malagasy du
passé. Considérée comme une « civilisation du
végétal », nos ancêtres montraient avec leurs
constructions des techniques propres à eux, un savoir faire sans
égal.
La construction européenne, face à ce qui
existait auparavant, forment également une nouvelle identité
orientée vers une construction faisant appel à un matériau
qui n'avait jamais été utilisé que pour édifier la
demeure des morts. Avec les temples commémoratifs, de nouveaux styles de
construction apparaissaient dans la capitale. Par l'idée d'Ellis et avec
la participation active des ingénieursarchitectes non moins
révérends Britannique tels que Cameron- Sibree-Pool ; des
ouvriers Malagasy, le visage de la capitale, surtout la colline changeait
complètement. Des églises avec leur lourde silhouette
garnissaient la ville haute. Une nouvelle forme d'architecture voyait le jour
en Imerina.
Les Britannique, pour que la construction aille au mieux,
formaient des artisans Malagasy pour pouvoir bien travailler la pierre. Puisque
les anciens Malagasy n'avaient jamais osé utiliser ce matériau
pour les habitations, même s'ils possédaient un peu de notion sur
l'extraction de la pierre, on leur a appris de nouvelles techniques. Des
techniques sur l'extraction (utilisation de la dynamite) ; le transport ;
l'élévation ; la taille (en l'occurrence la
stéréotomie) ; l'assemblage ; la sculpture et autres
décorations de cette matière étaient soigneusement
assimilés. Ainsi, les connaissances et le savoir-faire des artisans
locaux se développaient. L'introduction de nouveau style de construction
avec une matière jamais utilisée, influençaient le domaine
du bâti en Imerina. D'autre part, ces édifices religieux
occupent également des places non négligeables dans l'Histoire
merina. Les persécutions, à l'origine des fondations,
étaient « Un des chapitres les mieux fixés dans la tradition
merina 1». Témoins de la foi chrétienne,
les temples commémoratifs favorisaient l'intégration des martyrs
dans le centre même de l'Histoire de l'Imerina, mais
également des Malagasy. Leur implantation manifestait aussi
l'implantation définitive de la religion chrétienne dans la
capitale. L'unité architecturale de la ville haute annonçait
l'approche de la conversion royale.
Ces monuments en pierre montraient également la
volonté aussi bien de la souveraine que du peuple d'adopter un nouveau
culte et de supprimer ce qui existait auparavant.
Edifiés sur les sites de condamnation des Martyrs, les
temples commémoratifs rappellent et témoignent la
ténacité et l'enracinement de la foi chrétienne en
Imerina. D'autre part, les nouvelles techniques et
1 Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines, n° 11, 1970 RAISON-JOURDE (F.)
savoir-faire ont été apportés par les
Britannique avec comme matériau de construction principale la pierre.
Ces édifices religieux montraient également la conversion massive
du royaume au christianisme et le passage de la secte à
l'église1. Aussi, ces Memorial Churches constituent
des lieux de mémoire et des mémoires de lieux. Les églises
commémoratives constituent de nouvelles références
Historiquesreligieuses et culturelles. Le fait de leur présence montrait
la nouvelle tournure de l'Histoire merina. Ces monuments de pierre
sont des héritages matériels et culturels pour les
générations futures. Ils constituent une nouvelle identité
et une partie intégrante non effaçable du passé de
l'Imerina.
Vues toutes ces valeurs aussi bien Historiques, culturelles
que religieuses, les quatre temples commémoratifs avaient
déjà bénéficié, avec les autorités
nationales de la première république un classement de l'ordre des
« Monuments du Patrimoine National » en 19622, suivant
l'arrêté N° 203 du 22 janvier promulgué par le
Ministère chargé de la protection et de la Préservation du
Patrimoine National.
Témoins de la foi chrétienne et des nouveaux
savoir faire techniques, les quatre temples commémoratifs constituent de
véritables trésors du patrimoine architectural en pierre
d'Antananarivo. Par ces monuments, une nouvelle identité et de nouvelles
valeurs apparaissaient. La population locale avait une nouvelle perception de
la matière pierre. Dans le prochain chapitre nous allons parler de la
perception qu'avait le peuple et leurs concepteurs vis-à-vis de ces
monuments de pierre.
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