CHAPITRE VII : VALEURS DES QUATRE MONUMENTS
Totalement différentes aux Soatoavina, valeurs
locales, ces monuments cultuels en pierre contribuaient à des grands
changements dans l'Histoire, la Culture et dans d'autres domaines et
apportaient de nouvelles valeurs que l'Imerina prenait très
vite comme siennes. Quelles sont ces valeurs historiques ?
VII-1 VALEURS HISTORIQUES
Les valeurs Historiques de ces édifices
commençaient par la foi chrétienne sous Ranavalona I.
Les chrétiens étaient, pendant une longue période,
victimes de persécution, d'emprisonnement et même de
1 RAMIARAMANANA DOMENICHINI (B.) : Architecture dans la tradition
des hautes terres centrales in Bulletin de l'Académie Nationale des
Arts, Lettres et Sciences Tome 71/1-2 1993
condamnation. Radama II va réinstaurer la
liberté de la religion et de culte ainsi que l'idée d'Ellis (W.)
de construire des temples en souvenir des persécutions à
l'encontre de ces martyrs de la foi succédant ces longues années
de persécution. Ensuite, on assistait à la montée au
pouvoir de Ranavalona II au pouvoir, se proclamant chrétienne. En 1868,
elle levait la loi interdisant la construction en pierre ou en brique dans
l'enceinte de la vieille ville. Tous ces événements changeaient
l'Histoire de l'Imerina. Les temples commémoratifs
étaient et continuent d'être les témoins de l'enracinement
d'une nouvelle religion en Imerina. Ce sont, d'après un
ouvrage1 « les témoins vivants de
l'évangélisation de la religion protestante à Madagascar
». En outre la libération du tabou interdisant tout autre
matériau que le bois favorisait d'autres styles de construction avec la
pierre que jamais quiconque n'avait utilisé pour les vivants. Une
ère nouvelle, marquée par la liberté religieuse
commençait. Aussi, on assistait également à la
réouverture à l'occident. Ainsi, le cours de l'Histoire
merina changeait complètement. Le XIXe siècle
était surtout marqué par l'avènement des missionnaires
européens qui avaient pour but de propager leur religion sur les terres
païennes, en l'occurrence, le christianisme. En plus de
l'évangélisation, les missionnaires britanniques non moins des
architectes et ingénieurs apportaient de nouvelles techniques de
constructions avec des matériaux jamais utilisés pour une maison
et autres bâtiments. Les temples commémoratifs représentent
les phases qui se succédaient dans l'Histoire religieuse de
l'Imerina. Il y avait premièrement, sous Radama I, le
règne qui laissait libre champ aux pratiques religieuses et aux diverses
coopérations avec les étrangers. On assistait ensuite, avec
Ranavalona I, à des interdictions voire même, des condamnations
à mort de ceux qui pratiquaient le christianisme ou «
fivavaham-bazaha » avec une rupture totale de toutes
coopérations. Enfin, on assistait à une période nouvelle
marquée par le retour de la liberté de religion et de culte et
également, par le retour des missionnaires après 30 longues
années d'absence.
La construction des divers édifices religieux tels les
temples commémoratifs affirmait une volonté de s'installer
définitivement. L'un des buts poussant Ellis (W.) à construire
les temples commémoratifs selon Raison-Jourde (F.)2
était de créer des foyers de culte durable. Elle ajoutait
également que l'inauguration des ces temples devenait l'un des grands
moments de la vie de la capitale. En effet, avec les Mémorial
Churches, les martyrs de la foi étaient introduits dans l'Histoire
malagasy. Les flèches de ces temples étaient comme les
Vatolahy commémorant la persécution des
chrétiens. Cette dernière était devenue également
à son tour une partie qui formait l'Histoire merina. La volonté
d'adopter le christianisme se montrait également du coté des
dirigeants Malagasy. Les décisions prises par l'Etat depuis Radama II et
surtout sous Ranavalona II modifiaient complètement le cours de
l'Histoire
1 AMBATONAKANGA, Eglise protestante 1867- 1977
2 Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines n° 11 1970
merina. Les sampy royales ont été
remplacés par une bible lors du Fisehoana (intronisation) de la
reine ; elles ont été ensuite brulées suivi du
baptême des dirigeants ; la levée de l'interdiction... Cette
dernière va faire apparaître des constructions qui montraient les
changements. En plus des temples commémoratifs, d'autres édifices
en pierre apparaissaient également sur la haute ville. Le palais de la
reine a été recouvert en pierre par Cameron en même temps,
un temple entièrement en pierre se dressait dans l'enceinte même
du rova.
Toutes ces étapes mettaient en place un nouvel visage
à l'Histoire de l'Imerina. Toutes les décisions prises
par l'Etat malagasy depuis Radama II à Ranavalona II montraient une
volonté de changer, de tourner une page. Le fivavaham-bazaha
devenait la religion de l'Etat. Le revêtement du palais de la reine en
pierre et la construction d'un temple dans l'enceinte même de la
cité, montraient qu'une nouvelle religion s'installait
définitivement. A ces périodes correspondait également un
développement de la technique. Les missionnaires-architectes britannique
l'avaient montré avec la construction des temples commémoratifs
totalement en pierre. A travers ces bâtis, les architectes tels que
CameronPool-Sibree, selon Delahaigue-Peux1 ont pu développer
les capacités des ouvriers. Avec des styles et savoir faire totalement
nouveaux, ces Européens changeaient le mode d'usage de la pierre. En
effet, depuis longtemps, si les vivants n'avaient droit qu'aux bois ; et cela
depuis toujours, les morts eux, à la pierre. La diffusion de la religion
chrétienne était en expansion. Les édifices cultuels en
pierre en étaient les témoins. Ces monuments en pierre
possèdent donc des valeurs historiques incontestables. En effet, en plus
du fait que ces temples sont des Vatolahy commémorant
l'avènement du christianisme en Imerina mais également
les souvenirs de ceux qui étaient martyrs, ils marquaient aussi la
révolution au niveau de la technique de construction. Les
édifices civils et religieux garnissaient la colline de la cité.
La réouverture à l'occident permettra le développement
galopant d'un nouveau style d'architecture. La « fièvre de
bâtir s'emparait d'Antananarivo »2. Les quatre temples
commémoratifs font partie des points marquant de l'Histoire de
l'Imerina. Ils nous aident à nous souvenir des phases qu'avait
traversées l'Imerina. Ils nous aident également à
nous situer par rapport à ces évènements. Ces monuments
témoignent également la volonté et le savoir faire de ceux
qui participaient dans leur conception. Par leur intervention, le visage de la
ville changeait. Les grandes valeurs Historiques des quatre monuments religieux
dont les formes et les aspects font, selon Raison-Jourde3
rappelé leur origine britannique. Des mémoires de lieux et lieux
de mémoires, ces temples en pierre ou
1 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996 p 88
2 « Etude du patrimoine architectural urbain de
Tananarive »
3 Bible et Pouvoir à Madagascar au XIX e siècle
: Invention d'une identité chrétienne et construction de
l'Etat
« Tranovato » possèdent
également des valeurs culturelles qui ne sont pas à
négliger. Nous allons en parler dans les paragraphes qui vont suivre.
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