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Etudes de la pierre de taille à  travers les temples commémoratifs d'Antananarivo: essai d'ethnologie des techniques

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par Haja Mampionona Hillarion RAJERISON
Université d'Antananarivo- FLSH- Etudes Culturelles- Madagascar - Maitrise 2011
  

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III-3 L'AUTODAFE : LA DESTRUCTION DES SAMPY ROYALES

La vie et la bonne marche de la société étaient confiées pendant des années aux sampy. Chacun en avait chez lui et devait également respecter ceux du royaume. Le peuple aussi bien que les souverains depuis Andrianjaka jusqu'à Ranavalona I faisaient confiance à ces sampy. Ils leur accordaient même des statuts de dieux visibles2. La montée de Ranavalona II au pouvoir était un tournant qui marquait l'Histoire. Se déclarant chrétienne et recevant le baptême, cette souveraine modifiât complètement la tradition qui s'était succédée au cours du temps. Pour marquer la noblesse et la continuité du règne, celle ou celui qui était au trône devait construire un édifice3.Andrianampoinimerina édifia Mahitsielafanjaka ; Radama I Tranovola...Ranavalona II, quant à elle, érigea à son tour un temple totalement en pierre. Ce temple symbolise la relation entre le christianisme, l'Etat et sa conversion. Cette construction annonçait également la rupture avec la tradition. En effet, aucun souverain n'avait jamais osé construire avec d'autres matériaux que le bois à cause des interdits des sampim-panjakana. Ce bouleversement de la tradition était également matérialisé par le revêtement en pierre du palais en bois construit par Laborde pour Ranavalona I. Trente ans plus tard, Cameron le missionnaire-architecte britannique utilisa la pierre pour le rendre plus solide et plus durable. Cette décision était prise pour vaincre une bonne fois pour toute les sampy du

1 DELAHAIGUE-PEUX p88

2 «Madagascar et le christianisme» HUBSCH (B.) éd, p84

Ny sampy dia nalamin'Andrianampoinimerina, nomena lanja teo amin'ny Fanjakana-Radama tsy dia nino ny sampyRanavalona nanandratra an'Ikelimalaza...

3 « Tantaran'ny Tranovato anatirova »

royaume. « Le temple du palais signait la conversion d'une reine au protestantisme et rompait avec les règles établies. Cette mutation était le prix à payer à la nouvelle religion [...] »1

La reine, dès son accession au trône, se déclara chrétienne et démontra ce changement d'une façon révolutionnaire. En plus de la pose de la première pierre2 du temple au palais, une marque de la volonté de remplacement d'un culte par un autre, Ranavalona II ordonna la destruction de toutes les sampy royales.

Le 8 septembre 1869, le gardien d'Ikelimalaza, Ratohatra avec des nobles et officiers se rendaient chez la reine afin de lui faire savoir qu'elle avait encore des devoirs envers ce sampy de l'Etat. La tradition voulait que celui ou celle qui vient d'accéder au trône devait honorer le fétiche Ikelimalaza qui lui appartenait. La reine en retour donna l'ordre de les détruire tous car ils ne servaient à rien3.En plus de cela, ces sampy était, pour les missionnaires, des faux dieux et des obstacles à la conversion du peuple.4

Ranavalona II envoyait donc des officiers à Ambohimanambola pour détruire Ikelimalaza lahy et à Amparafaravato pour Ikelimalaza vavy. Ifantàka à Ambohimanga ; Ramahavaly à Amboatany ... Les destructions se succédaient de jour en jour (du 8 au 10 septembre 1869 selon Randriamamonjy).Des sampy des périphéries de la capitale étaient également touchés. Il y avait Itsimahalahy à Ambohitrolomahitsy ; Rahodibato de Vakinisisaony.

En un mois, presque tous les sampy populaires de l'Imerina étaient détruits. Depuis, chaque village avait la conviction de construire un temple ou une église.

La pierre occupait donc une place vraiment importante dans la civilisation malgache. On la rencontrait souvent dans le quotidien du peuple. La culture matérielle malgache ne peut se passer de cette matière. Présente dans les proverbes, la pierre se personnifie et donne une idée de la structure que pourrait avoir la société malagasy et son fonctionnement. Elle caractérise également un lieu ; un endroit ou un village par sa forme ou par d'autres critères. Des systèmes de fortifications, conçus par nos ancêtres étaient également faits avec des pierres (kodiavato), des portes d'accès : disque de pierre de

1 DELAHAIGUE-PEUX (M.) op.cit.

2 RANDRIAMAMONJY. Op.cit p 536 Le mardi 20 juillet 1869

«[...] nanomboka tamin'ny 25 oktobra 1868 dia nisy fotoam-pivavahana protestanta tao Anatirova.Natao batisa ny mpanjaka sy ny praiminisitra ny 21 febroary 1869[...] tamin'ny 4 jolay 1869 dia noraisina ho mpandray ny fanasan'ny Tompo ny mpanjaka sy ny praiminisitra [...] »

3 « ... Ary satria izaho no tompo'Ikelimalaza, dia hodorako ny ahy fa mandrebireby ny vahoakako, mihambo ho andriamanitra nefa tsy mahefa na inona na inona. Ka hodorako ny ahy hahitanareo ambanilanitra ny laingany fa ho lasanko setroka sy hanjary ho lavenona... » In Tantaran'i Madagasikara isam-paritra p537 RANDRIAMAMONJY- « [...] tamin'ny taona 1877 no nodoran'i Ranavalona II Ikelimalaza [...] » In Tantaran'ny Malagasy manontolo RAINITOVO

4 « Bible et pouvoir à Madagascar, invention d'une identité chrétienne et construction de l'Etat » RAISON-JOURDE (F.) pp 314- 320

deux mètres en moyenne de hauteur en plus des tamboho ou des fossés aménagés. Cet usage de la pierre se situe dans le contexte profane. Mais dans une société fondée sur le culte des ancêtres comme la notre, affirme Delahaigue-Peux1, la pierre était réservée à la demeure et à la commémoration des morts. Elle devenait également un moyen de laisser des souvenirs et des héritages pour les descendances.2Bien avant l'introduction des innovations apportées par Laborde, les Malagasy avaient déjà honoré les défunts. Ils plaçaient le corps à plat, protégé par une dalle et recouvert ensuite par un amas de pierre grossièrement cubique ou parallélépipédique3.Il existe d'autres types de sépultures (à part celui-ci) construits par nos ancêtres. Malgré toutes ces attributions pour cette matière, son utilisation se limita dans la construction de caveau du fait qu'une loi datant d'Andrianampoinimerina interdisait son usage dans la construction d'habitation surtout à l'intérieur de la cité. Cette matière, considérée comme sans vie, était également tabous pour les sampy royales. Les souverains qui se succédaient, respectaient cet interdit jusqu'à Ranavalona II. Arrivée au pouvoir, la souveraine, se déclarant chrétienne, prenait une décision cruciale puisqu'elle va libérer la ville de son obligation de construire uniquement par le bois. Elle décida en même temps de faire construire un temple en pierre dans l'enceinte même du palais. Ce Tranovato représentait une rupture audacieuse avec la tradition par l'utilisation de la pierre comme matière. Dès 1863, les églises commémoratives s'élevaient à Antananarivo alors que le bois demeurait le seul autorisé à l'intérieur de la cité. La levée du tabou en 1868 permettra un an plus tard le revêtement en pierre de Manjakamiadana. Le passage du bois à la pierre était né de la volonté d'affirmer l'appartenance à une nouvelle religion. La fin du tabou correspond également à une période de développement technique qui favorisait la pierre dans la construction de ces édifices religieux. Le matériau pierre sera le centre d'intérêt de notre deuxième partie. Nous allons y démontrer les techniques de construction, les savoir faire et créativités du génie humain, dirigés par les missionnaires-architectes Cameron, Sibree ; Pool. Nos sites d'études seront les quatre temples (protestants) commémoratifs d'Ambatonakanga ; Ambohipotsy ; Faravohitra et Ambonin'Ampamarinana.

1 DELAHAIGUE-PEUX p84

2 Ibidem p84 « [...] parce qu'ils ne savaient pas écrire, les rois d'autrefois firent des pierres leur titre d'héritage, un titre durable et qui ne serait jamais détruit. Cette pierre sainte était une pierre polie, taillée et enfoncée profondément sur laquelle on rependait le sang d'un boeuf ou d'un coq [...] et devant laquelle le roi évoque les Dieux, le Créateur et les ancêtres... »

3 LEBRAS op. Cit.

DEUXIEME PARTIE :

LE MATERIAU PIERRE DANS

LES QUATRE EGLISES

COMMEMORATIVES

Chaque souverain du royaume merina avait chacun des points qui le différencient de ses prédécesseurs. Ces différences étaient constatées par les exploits ou les travaux que d'autres, auparavant, ne pouvaient, n'imaginaient ou même n'osaient entreprendre. Chaque règne se caractérisait par des innovations, d'autres apportaient des changements car comme disaient les ancêtres « Miova andriana, miova sata ». Roi ou reine essayait d'apporter développement et prospérité pour la cité. Andriamanelo, seul descendant de Rangita faisait abondamment forger le fer à ses sujets1. Ralambo, son fils quant à lui avait amené l'arme à feu en Imerina... Le grand Andrianampoinimerina, petit fils d'Andriambelomasina essaya d'organiser l'Imerina en obligeant son peuple (Fokonolona) à travailler. Radama I, créait la première armée pour le royaume. Avec les Européens (Français et Britannique) qui étaient encouragés par le roi à s'installer en Imerina, l'école voyait le jour2par l'entrée de l'écriture. Il y avait également, en son temps la traduction de la bible en langue malagasy. On assistait à des progrès politiques, intellectuels, spirituels et techniques. Après ces règnes de prospérité et de développement, Ranavalona I sera à l'origine des persécutions des chrétiens et de xénophobies qui seront les points de départ des constructions sur lesquelles cette étude se basera. Un long règne de persécution de Ranavalona I marquera le XIXe siècle. A sa fin, la « liberté » revenait de nouveau. Les étrangers apportaient leur soutien, des innovations du point de vue technique s'affirmant par les différentes constructions dans la capitale et ailleurs en guise de souvenirs d'événements ou de personnes.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon