Participation communautaire et professionnalisation de l'exploitation et de la gestion des ouvrages d'hydraulique rurale en Côte d'Ivoire: expérience du projet kfw8 à Kaouara et N'Déou (Région des Savanes)( Télécharger le fichier original )par Eugène KANGA SOSSONAN Centre de recherche et d'action pour la paix - Master en éthique et gouvernance 2011 |
RECOMMANDATIONS ET CONCLUSION GENERALERECOMMANDATIONS Après la présentation des différentes contraintes liées à la participation des communautés dans le cadre de la professionnalisation notamment en ce qui concerne le projet KfW8 à Kaouara et N'déou, quelques pistes de solutions sont émises pour la pérennisation des ouvrages et la fourniture continue et durable du service de l'eau. · Recouvrement de la quote-part et contractualisation § Recouvrement de la quote-part Il est vrai que dans le cas de notre étude, la difficulté de recouvrement de la quote-part est due à une cause conjoncturelle. Cependant, il appartient à l'ONEP, organe pilotant la démarche de la professionnalisation de mettre en oeuvre des stratégies visant une facilité de paiement de cette quote-part par les communautés. De plus, de par le passé, il faut dire que la DHH, actuelle DGAE, qui avait en charge l'exécution des projets d'hydraulique rurale, ne pouvait pas procéder à l'ouverture d'un compte dans une institution financière reconnue par l'Etat car, elle n'avait pas la personnalité juridique de droit privé. Toutefois, avec l'avènement de l'ONEP, qui elle, dispose de cette personnalité juridique, une nouvelle démarche a été proposée par la KfW8. Cette démarche fait obligation à l'ensemble des villages (futurs bénéficiaires du projet) de verser directement leur quote-part sur un compte que l'ONEP aura ouvert au préalable. Ainsi, les interventions auront désormais lieu sur présentation du reçu de versement de l'intégralité de la somme sur ce compte. § Contractualisation Le processus de contractualisation prévu dans le cadre de la professionnalisation doit entrer dans sa phase pratique. Il y va de la survie du projet. Ces différents contrats et conventions signés par les différents acteurs en présence, leur permettront de mieux connaître leurs droits et devoirs. Il est donc souhaitable d'initier un dialogue ouvert et franc avec les Conseils Généraux de Ferkessédougou et Boundiali ainsi que tous les autres acteurs afin de voir réaliser cette étape qui doit impérativement être effective. Par exemple, ce manquement à la bonne gouvernance que constitue l'absence de signature des contrats pourrait être réglé en procédant à la signature de ces derniers dans un délai de six (6) mois suivant la mise en oeuvre du projet. · Intégration du genre et de l'approche participative § Intégration du genre Le projet KfW8 veut une parité de la représentation homme/femme au sein du CLC et une implication des femmes à toutes les étapes du projet. Cet objectif noble n'a pu être atteint, principalement en ce qui concerne le premier point. Pour ce faire, un nouveau cadre d'intégration des genres doit être élaboré. Cette approche doit prendre en compte les différences et inégalités entre les hommes et les femmes au niveau de la planification, de l'exécution et du suivi-évaluation du projet. Toutefois, lorsqu'un genre se trouve dans une situation désavantageuse, des activités spécifiques peuvent être mises en oeuvre. En quoi consistera réellement cette nouvelle approche ? Il s'agira, de prime abord, d'analyser la situation avant la mise en oeuvre du projet. Cette analyse se fait à l'aide de plusieurs instruments, notamment le cadre d'analyse d'Harvard14(*) ou encore le cadre d'analyse de Moser15(*). Elle permettra de mettre en lumière la situation qui prévaut, déterminer les interventions adéquates pour cerner leurs effets et leurs impacts sur les femmes et les hommes. Egalement, elle permettra de bien comprendre la condition ainsi que la position des hommes et des femmes. Cette étape prend fin avec la mise en oeuvre du projet. A ce niveau, comme le préconise Mme Maténin COULIBALY (2008) dans son document intitulé : « Genre et développement », il convient de se poser de nombreuses questions parmi lesquelles : ü comment les questions liées au genre ont-elles été intégrées aux différentes étapes du plan de mise en oeuvre ? ü comment les femmes et les hommes ont-ils été engagés d'une façon équitable dans des rôles de leadership ? ü comment le plan de mise en oeuvre tient-il compte des besoins de divers groupes de femmes et d'hommes ? ü quelles sont les mesures mises en place pour éliminer les obstacles à l'accessibilité? Après cette étape viendra la phase de suivi-évaluation qui, si la planification est sensible au genre, fournit des informations qui lui sont spécifiques. Le suivi permettra de savoir si globalement l'intégration du genre est effective dans toutes les étapes du projet. Enfin, en vue de favoriser l'intégration effective du genre, un budget sensible au genre doit être élaboré. Il doit être partie intégrante au projet et devrait répondre aux besoins de toutes les couches sociales en prenant en compte la position désavantageuse des femmes16(*). Ce budget sera financé par le Gouvernement et ne doit en aucun cas relever de l'intervention des bailleurs de fonds. La participation différenciée des genres entraine l'abandon des BF au profit des sources d'eau secondaires dans la mesure où les femmes premières bénéficiaires du projet par leur manque d'implication ne sont pas toujours au fait du bien-fondé de l'utilisation de l'eau des BF. C'est alors qu'il est urgent que les engagements de fermeture des points d'eau pris par les premiers responsables des localités objet de cette étude (chefferie de village) soient respectés. En d'autres termes, les puits et PMH doivent être purement et simplement scellés. A défaut, il faudra trouver une solution quant à un usage restreint de l'eau de ces sources (toilette, lessive uniquement). Mais, un problème de contrôle de l'utilisation de l'eau à ces fins uniques peut se poser. § Mise en oeuvre de l'approche participative Le projet KfW8 se veut être un ensemble d'actions/d'activités menées dans un cadre participatif. Toutefois, l'enquête a révélé le phénomène d'aînés sociaux ne favorisant pas une participation effective de toutes les couches sociales à toutes les étapes du projet. Ici également, une nouvelle approche doit être développée par les organes ayant en charge de favoriser la participation des populations. Cette approche doit être basée, d'une part, sur l'analyse des parties prenantes « stakeholders analysis » avant la mise en oeuvre du projet. A ce niveau, les parties prenantes seront identifiées, ensuite classifiées (primaire, secondaire, tertiaire,...). Ce fait permettra de relever leurs intérêts (perceptions, attentes, bénéfice, etc.) afin de développer une matrice de participation. Ce n'est qu'à ce moment que les rôles et responsabilités de ces parties prenantes sont distribués lors, par exemple, d'un atelier participatif. D'autre part, il faudra développer des stratégies de communication efficace et efficiente. A ce niveau, le NETSSAF propose des mesures17(*) parmi lesquelles : ü veiller à ce que l'initiateur ou le chef du projet soit le principal canal pour les communications internes et encourager le personnel à communiquer avec ce dernier ; ü veiller à ce que les acteurs aient le temps et les mécanismes permettant de communiquer plus efficacement ; ü développer une culture de réunion et de bonnes pratiques qui favorise une communication efficace. ü favoriser un travail équilibré en équipe. A côté de ce modèle présenté, il faut souligner également qu'un volet appui à l'alphabétisation doit être élaboré pour une meilleure participation des populations dans le projet. En effet, l'étude a démontré que lorsque les personnes sont instruites, elles comprennent mieux les enjeux et intérêts du projet. Cette nouvelle donne peut favoriser la réappropriation des ouvrages gage d'une pérennisation du projet. L'approche participative évoquée ici doit être favorisée par la sensibilisation des populations car les différentes missions d'observations menées dans le cadre de cette étude nous ont permis de voir la nécessité d'un suivi des activités des populations. En effet, étant donné que le projet vise à long terme un changement des comportements des populations par la participation effective de ces dernières, il va de soi qu'il faut être en contact permanent avec elles. Enfin, l'EPS doit veiller à ce que toutes les populations soient conviées aux réunions de sensibilisation pour une réelle participation de toutes les couches sociales. Ce fait évitera les frustrés et surtout permettra de réduire, voire faire disparaître le phénomène des aînés sociaux. · Réduction/atténuation des conflits communautaires § Valorisation du métier de fontainier Afin d'éviter les absences répétées des fontainiers qui occasionnent des conflits parfois, il est important de prendre un certains nombres de mesures pour éviter cet état de fait. L'étude a montré que les fontainiers travaillent environ 8 heures par jour pour une rémunération largement en dessous du SMIG18(*). Affirmer que ces acteurs doivent être payés conformément à la réglementation du travail en Côte d'Ivoire n'est pas à démontrer. Toutefois, cette affirmation peut relever de l'utopie. Nous affirmons néanmoins que leurs salaires doivent néanmoins être revus à la hausse. A côté de cela, et pour éviter les conflits, il est important de trouver des modes de pérennisation de la présence des fontainiers à leur lieu de travail. C'est ainsi que, pour permettre aux fontainiers de bien effectuer la tâche qui leur incombe, le projet, peut dans un premier temps intégrer la composante « Activités Génératrices de Revenus ». Comment cela peut-il se manifester ? Il s'agira ici pour chaque fontainier de présenter un projet d'activité liée à la vente de l'eau (kiosque, épicerie, vente de jus,...) qui sera financé par le projet. Les fonds mis à la disposition de ces derniers seront remboursés selon un calendrier établi de concert avec les organes pilotant le projet. A défaut de pouvoir financer ces activités par une partie des sommes allouées au projet, un partenariat entre l'ONEP et les entreprises oeuvrant dans l'agro-industrie peut être envisageable. Toutefois, il revient à l'ONEP de défendre cette composante auprès des bailleurs de fonds afin que celle-ci soit intégrée dans le projet. Aussi, pour pérenniser la présence des fontainiers, il faudra leur construire des abris. En effet, en cas de chaleur intense ou de forte pluie, ces derniers sont contraints de fermer les BF ; piétinant ainsi le concept « d'approvisionnement durable et continu » voulu par les initiateurs du projet. § Implication des Conseils Généraux dans la démarche de la professionnalisation Les entretiens effectués avec les différents Directeurs Techniques des Conseils Généraux de Ferkessédougou et de Boundiali ont montré leur volonté de se voir intégrer le plus tôt possible dans cette nouvelle démarche qu'est la professionnalisation. En effet, cette volonté est légitime dans la mesure où au terme de la loi portant transfert et répartition des compétences de l'Etat aux Collectivités Territoriales, les Conseils Généraux sont propriétaires des ouvrages d'hydraulique rurale. A ce titre, ils doivent être informés et participer à tous les projets hydrauliques. Il appartient donc à l'ONEP de créer un cadre de collaboration indispensable avec ces Collectivités pour le bien-être des populations et une bonne marche de la politique de professionnalisation. Egalement, la délocalisation des Conseils Généraux de leur département à Abidjan ne doit pas être pour ces derniers une raison de leur inaction dans la mesure où dans chaque département, il y a au moins un conseiller et un président résidant. Ces deux personnalités peuvent représenter valablement les Conseils Généraux. C'est dans ce sens qu'il faille que ces derniers s'intéressent davantage aux projets qui ont cours dans leur circonscription territoriale. Les efforts doivent être faits dans les deux sens. § La sécurisation des recettes Pour accompagner la nouvelle gouvernance du secteur de l'eau potable en milieu rural et sécuriser les recettes issues de la vente d'eau aux BF, les défis à relever se résument en l'adoption de tous les projets de textes (décrets et arrêtés) issus des résolutions des EGEP-CI en Conseil des Ministres. Il s'agit du : ü projet de Décret déterminant les modalités d'application du régime juridique des périmètres de protection des ressources en eau, des aménagements et ouvrages hydrauliques de la loi portant code de l'eau ; ü projet de décret portant transfert des compétences en matière d'hydraulique humaine aux Collectivités Territoriales ; ü projet de Décret portant organisation et fonctionnement de l'hydraulique rurale ; ü projet de Décret portant création et organisation du Fonds de Soutien à l'Hydraulique Rurale (FSHR). L'adoption de ces différents textes de loi devrait permettre de lever certaines incompréhensions et éviter de ce même fait les conflits entre les différents acteurs. A côté de ces textes, il est judicieux de préciser qu'il faille que les instruments juridiques créés dans le cadre de la professionnalisation soient signés pour garantir les bons rapports entre les différents acteurs. * 14 Le cadre d'analyse de Harvard sert à décrire et analyser les rapports entre les genres dans une collectivité donnée. Il utilise trois principaux outils de l'analyse genre : le profil d'activités, le profil accès et contrôle : ressources et bénéfices et les facteurs d'influence. * 15 Le cadre d'analyse de Moser consiste en une analyse des besoins pratiques et des intérêts stratégiques des femmes. * 16 COULIBALY M. ; Genre et développement, mai 2008 p 30 * 17 NETSSAF : Approche de planification participative : un guide pour une planification en assainissement durable, p.5 * 18 Voir annexe 10 |
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