III-2-3- CONDITIONS D'EMERGENCE
DES CONFLITS COMMUNAUTAIRES LIEES A L'EXPLOITATION DE LA RESSOURCE
Certains évènements et comportements peuvent
être la cause d'incompréhensions et engendrer par ce seul fait des
conflits tant au sein des communautés qu'entre certains acteurs. Ce sous
chapitre se propose de mettre en lumière ces évènements et
comportements recueillis suite à l'enquête.
III-2-3-1- Les ouvrages : un lieu de pouvoir
Le mécanisme proposé dans le cadre de la
professionnalisation (projet KfW8) constitue une technologie nouvelle que
très peu de personnes dans les communautés rurales
maîtrisent. C'est ainsi que les personnes connaissant les fondamentaux du
fonctionnement de ces ouvrages et systèmes sont
considérées comme des privilégiées. Ainsi, des
acteurs comme les fontainiers, les représentants de l'opérateur
économique et autres techniciens réseau considèrent les
ouvrages dont ils ont la gestion comme des biens personnels et les utilisent
à leur guise.
En ce qui concerne les fontainiers, cette patrimonialisation
des ouvrages à été décriée par les
populations suite aux absences répétées de ces derniers et
leur refus d'exercer. Les raisons sont nombreuses. Quand ce n'est pas le soleil
qui est trop élevé, c'est que ces derniers sont fatigués.
Ce fait a été constaté pendant le séjour
passé dans les deux localités où nous n'avons presque
jamais trouvé les fontainiers à leur poste ni dans les environs.
Cette indisponibilité répétée des
fontainiers à leur lieu de travail est cause de nombreux conflits. C'est
ainsi que les ménages ont été appelé à se
prononcer sur ce fait. Les données recueillies montrent que 60,50% des
interrogés pensent que les fontainiers sont toujours présents
à leur poste aux horaires indiqués contre 39,50% qui ne partagent
pas cet avis. Ce taux demeure toutefois élevé et tend à
confirmer le fait que des défaillances au niveau des fontainiers sont
à observer. La figure suivante illustre bien ces propos.
Figure 13 :
Répartition de l'échantillon selon la présence des
fontainiers à leur poste
Source : Données de
l'étude, 2010
Où s'approvisionner donc en cas d'absence de
celui-là même qui doit garantir le service de l'eau de
manière continue ? Cette figure montre qu'en l'absence des
fontainiers, 54,65% de l'échantillon utilise l'eau des puits, 5,81%
l'eau des PMH, 6,98% l'eau des rivières et marigots tandis que 32,56%
développent d'autres comportements (attendre que les fontainiers
reviennent, retourner à la maison pour revenir plus tard...). A long
terme, la réappropriation du projet par les communautés sera
difficile.
Figure 14 : Répartition de
l'échantillon selon la source d'approvisionnement en l'absence des
fontainiers*
*Les pourcentages correspondent au nombre de fois que ces
réponses ont été citées
Source : Données de
l'étude, 2010
L'étude a également montrée que les
conflits peuvent également être liés au non respect de
certaines règles d'hygiène par les utilisateurs des BF. A ce
niveau, il est à noter que toute personne désirant
s'approvisionner en eau doit se déchausser avant de
pénétrer dans l'enceinte de la BF. Toutefois, des
réticences sont observées parfois. Cela justifie certains
témoignages de fontainiers notamment de Diabaté Alimata (23 ans,
fontainière à N'déou) qui affirment :
« les clients ne veulent pas enlever leurs chaussures avant de
rentrer dans la borne fontaine... ils ne comprennent pas pourquoi il faut le
faire et je suis obligée à chaque fois de le leur
expliquer... ». C'est ainsi que 53% des interrogés
affirment être confrontés à des réticences des
usagers d'eau contre 47% qui soutiennent le contraire.
Figure 15 :
Répartition des fontainiers selon les réticences
constatées
Source : Données de
l'étude, 2010
Certains comportements peuvent entraîner aussi des
dysfonctionnements graves. Ces dysfonctionnements peuvent empêcher
l'approvisionnement durable et continu des populations. Au titre de ces
dysfonctionnements, il y a la vente de l'eau à crédit.
L'étude a révélée que 53,33% des fontainiers
vendent l'eau à crédit. Le recouvrement des sommes dues
entraîne souvent des conflits entre les fontainiers et les
populations.
Figure 16:
Répartition des fontainiers selon la vente de l'eau à
crédit
Source : Données de
l'étude, 2010
Concernant les horaires d'ouverture et de fermeture des BF,
80% des interrogés affirment n'avoir jamais fermés les BF avant
l'heure indiquée. Toutefois, 20% des interrogés reconnaissent
l'avoir fait souvent. Ces fermetures arbitraires des BF font l'objet de
plaintes et de contestations qui, si elles persistent, peuvent entraîner
des troubles au sein des communautés.
Figure 17 : Répartition des fontainiers
selon la fermeture des BF avant l'heure indiquée
Source : Données de
l'étude, 2010
Questionnés sur les raisons de la fermeture des BF
avant l'heure indiquée les fontainiers concernés par la question
ont souligné trois (3) éléments. La figure ci-après
présente ces raisons.
Figure 18 : Répartition des fontainiers
selon les raisons de fermeture des BF avant l'heure
indiquée
Source : Données de
l'étude, 2010
A côté des agissements des fontainiers qui
provoquent certains conflits, il est important de souligner d'autres
agissements sur les ouvrages qui entraînent d'autres conflits fragilisant
la cohésion sociale et la participation des communautés. C'est le
cas à Kaouara où nous avons assisté à la
réouverture des sources d'eau secondaire suite à l'arrêt
momentanée de la fourniture de l'électricité (par le
représentant de l'opérateur économique) qui a
entrainé la rupture de fourniture de l'eau.
A côté de cet incident, un autre est survenu
à N'déou. En effet, N'déou est une localité non
électrifiée. Pour son fonctionnement, le système est
équipé d'un groupe électrogène. Ce dernier groupe a
été l'objet de l'utilisation frauduleuse par Monsieur FANNY Issa,
technicien adjoint au sein du CLC. A la découverte de ce forfait, il a
été mis fin à ses agissements. Toutefois, cet acte a eu
pour conséquence directe, le mauvais fonctionnement du groupe
électrogène de cette localité et a occasionné la
rupture momentanée de la fourniture de l'eau entrainant la
révolte des populations.
Au-delà des conflits communautaires, la non implication
de certains acteurs ainsi que l'inexistence du Fonds de Soutien à
l'Hydraulique Rural (FSHR) peut engendrer des conflits plus intenses et
complexes entre différents acteurs.
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