CHAPITRE II : L'ACCES A L'EAU
ET LA DEMARCHE DE PROFESSIONNALISATION EN COTE D'IVOIRE
Ce chapitre sera consacré dans un premier temps
à la présentation du secteur de l'eau en Côte d'Ivoire
(II-1). Ensuite, il sera question de la description de la professionnalisation
de l'exploitation et de la gestion des ouvrages d'hydraulique rurale (II-2).
II-1- LE SECTEUR DE L'EAU EN COTE D'IVOIRE
A partir d'un historique portant sur l'évolution de la
gestion des ouvrages hydrauliques, ce chapitre présente les
différents acteurs qui interagissent dans le secteur de l'eau en
Côte d'Ivoire (en milieu rural) pour ensuite faire un état des
lieux des actions menées avant 1956 jusqu'à l'avènement de
la professionnalisation de l'exploitation et de la gestion des ouvrages
d'hydraulique rurale aujourd'hui. Enfin, une présentation du projet
spécifique KfW8 est faite pour aboutir à la description de ladite
politique.
II-1-1- PRESENTATION DU SECTEUR
DE L'EAU
II-1-1-1- Evolution de la gestion des ouvrages hydraulique en
milieu rural
Les actions en faveur de l'approvisionnement en eau en milieu
rural ont débutés avant les indépendances. Toutefois, ce
secteur a fondamentalement connu son essor à partir de 1973 avec le
vaste PNHH initié par le gouvernement ivoirien. Ce secteur a connu une
évolution en cinq phases principales.
II-1-1-1-1- Avant 1956
Avant 1956, la gestion de l'eau était
confiée à une régie directe du service public d'eau par
l'intermédiaire des services techniques des municipalités. Ces
services étaient dotés d'un service chargé des
réseaux d'eau.
II-1-1-1-2- De 1956 à 1973
A partir de 1956, les Autorités Administratives (Etat,
Municipalités) décidèrent de confier la gestion du service
public d'eau à des sociétés publiques et privées
comme l'Energie Electrique de Côte d'Ivoire (EECI) pour
l'intérieur du pays et la Société d'Aménagement
Urbain (SAUR) pour la ville d'Abidjan. Cette
société sera remplacée en 1959 par la
Société de Distribution d'Eau de la Côte d'Ivoire
(SODECI).
II-1-1-1-3- De 1973 à 1980
L'année 1973 marque un tournant décisif dans le
secteur de l'eau avec la mise en oeuvre du vaste Programme National
d'Hydraulique Humaine. A partir de 1975, l'exploitation et la gestion des
ouvrages d'Hydraulique Humaine (rurale et urbaine) est
déléguée à un seul opérateur
privé : la SODECI. Les prestations étaient payées par
l'Etat par le biais de la taxe sur le prix de l'eau en ville. Le
mécanisme de financement était le suivant :
ü la SODECI entretenait et réparait toutes les
pompes et chaque village payait 60.000 f CFA par an par pompe.
Ce fonctionnement fut stable pendant quelques années.
Des difficultés vont survenir suite à l'augmentation des points
d'eau de 1000 au départ à 4500 au point où
l'équilibre financier fut rompu. C'est alors que des solutions
alternatives seront adoptées à partir de 1981.
II-1-1-1-4- De 1981 à 1986
A partir de 1981, l'entretien des ouvrages d'hydraulique
rurale sera assuré par la SODECI mais cette fois avec le paiement des
prestations par le village à hauteur de 60.000 FCFA par an par pompe. En
effet, les principes de participation et d'utilisateur-payeur, voudraient que
les communautés bénéficiaires des projets contribuent au
paiement de cette somme pour permettre une appropriation meilleure et pour
inculquer à ces dernières le fait que les points d'eau sont des
biens publics qui doivent être gérés par tous. Cependant,
cette politique va connaître des dysfonctionnements liés au fait
que les populations ne s'acquittent toujours pas des frais de paiement des
prestations de la SODECI. C'est ainsi que la SODECI ne passe pas parce que le
village n'a pas payé et que le village ne paye pas parce que la SODECI
n'est pas venue réparer sa pompe. Le constat est amer : environ 70
% des pompes sont en panne.
II-1-1-1-5- A partir de 1987
En 1987, le gouvernement de la Côte d'Ivoire avec
l'appui de la Banque Mondiale a procédé à un bilan du
secteur de l'eau. Les constats furent déplorables. En effet, les
populations ne s'acquittèrent pas toujours de la somme de 60 000 f CFA
par an par pompe ce qui va entraîner des arriérés
financiers à la SODECI. Suite à ce constat, il a
été décidé la responsabilisation des populations
rurales pour l'entretien et la réparation des ouvrages. Pour ce faire,
des Artisans Réparateurs (AR) furent formés ; un pôle
de pièces de rechange fut mis sur pied ainsi que la création de
12 Directions Territoriales de l'Hydraulique (DTH). Ces dernières (les
DTH), sont désormais plus proches des populations rurales pour pouvoir
les assister, faire le diagnostic, les aider à entretenir les ouvrages.
Comme mesure d'accompagnement, l'Etat a subventionné les pièces
de rechange pour que ces dernières aient un prix uniforme sur l'ensemble
du territoire national.
Face à ces échecs constatés avec la
gestion des ouvrages par la SODECI, une restructuration du programme
d'hydraulique villageoise verra le jour avec la gestion des ouvrages
d'hydraulique rurale finalement confiée aux populations locales elles
mêmes en 1989. Cette gestion communautaire verra la mise sur pied de :
ü 9.500 Comités locaux de gestion;
ü réseau de 400
Artisans-Réparateurs ;
ü réseau de distribution de pièces de
rechange de pompes (1 revendeur central à Abidjan et 12 points de
vente à l'intérieur du pays).
A partir de 1990, une innovation dans le secteur hydraulique
va voir le jour avec l'introduction d'un nouveau système appelé
système d'Hydraulique Villageoise Améliorée (HVA) sous
l'impulsion de l'Etat de Côte d'Ivoire et le soutien de certains
bailleurs de fonds notamment la Banque Mondiale.
La politique de gestion des ouvrages en milieu rural (gestion
communautaire) va connaître dans les premières années
(1989-2000) un essor considérable. Toutefois, de graves
défaillances seront constatées. En effet, en 2001, un bilan
diagnostic du sous secteur Hydraulique Villageoise a été
mené suivi d'un autre en 2002 concernant le sous-secteur Hydraulique
Villageoise Améliorée. A l'issue de ces deux bilans, il
s'avère que la gestion communautaire présentait de nombreuses
difficultés. Il s'agit entre autres de l'absence de capital donc pas de
garantie en cas de mauvaise gestion, du mauvais fonctionnement des
comités eaux notamment 40 % en HV et 79 % en HVA, des comités
déficitaires en HVA 38 %, des taux de panne élevé : 33 %
en HV et 25 % en HVA. Pour couronner le tout, l'intervention de l'Etat est
insuffisante ainsi que le bénévolat qui montre également
ses limites dans la mesure où par expérience, il se trouve que
les « bénévoles» s'usent vite (tendance à
essayer de trouver une compensation quelconque, pas profitable à la
population). Le bénévolat n'est donc pas la forme idoine pour la
gestion durable des ouvrages d'hydraulique rurale.
Face à toutes ces difficultés, le
Ministère des Infrastructures Economiques (MIE) par le biais de l'Office
National de l'Eau Potable (ONEP) a jugé impérieux de revenir
à une professionnalisation de l'exploitation et de la gestion des
ouvrages d'hydraulique rurale. Pour joindre l'acte à la parole, les
réflexions ont débutées en 2001 couronnées en 2006
par un atelier régional à Yamoussoukro -qui a
coïncidé avec l'avènement des Conseils
Généraux-. Devant l'incapacité de ces Conseils à
prendre en charge les dépenses en matière hydraulique, le concept
d'usager-payeur vit le jour. Aussi, cette professionnalisation se veut
être mieux adaptée au milieu rural car la première
expérience avec la SODECI fut une professionnalisation adaptée au
milieu urbain et ne tenait pas compte de certaines réalités,
conceptions et perceptions du monde rural. Tirant les leçons de la
gestion professionnelle faite par la SODECI, il a été
décidé la présence d'un opérateur économique
qui serait en permanence au contact des populations dans ce nouveau
dispositif.
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