Titre III : Le respect des interêts fondamentaux
de l'Islam, un enjeu determinant pour l'acceptation de la Propriete
Intellectuelle.
Comme il a ete presente en introduction, les lois humaines
doivent être utiles pour la société afin de respecter la
Shari'a. Cette utilité s'apprécie en référence aux
interêts essentiels de la communaute et des individus qui la compose. Ces
interêts peuvent être separes en cinq categories : la religion,
l'integrite physique, la descendance, le patrimoine, les facultes mentales.
Ainsi doit être consideree comme convenable (mundsib),
comme utile, bonne (salih), toute loi prise dans le but d'atteindre un de ces
objectifs dans le respect de la Shari'a107. C'est ainsi qu'il est
possible pour les Etats d'édicter de nouvelles lois en l'absence de
règles claires dans la Shari'a.
Heba A. Raslan108 cite les trois conditions qui
doivent être respectees afin d'éviter l'arbitraire dans la
désignation de ce qui répond à l'intéret public
:
« 1. The existence of a genuineas opposed to probable
interestwhere there is a reasonable probability that the benefits of enacting a
rule to observe it outweighs the harms that might be caused due to its
observance.
2. It must be a general interest in the sense that it is
a benefit acknowledged, or it is a harm prevented to society as a whole, in
contrast to particular persons or a group of persons. This does not mean that
it must benefit or protect each individual, but it does mean that a significant
number of people are likely to benefit from it.
3. The proposed interest does not contradict or negate a
value or principle already upheld, expressly or impliedly, by the Qur'an, the
Sunna, or Consensus. »109
107
Voir note supra 38.
108
Voir note supra 25.
109 Page 511, § 3.
Traduction : « 1. L'existence d'un
véritable--à opposer à un intérêt
probablelorsqu'il existe une probabilité raisonnable que les
bénéfices de la création d'une règle qui devra rtre
respectée surpassent les méfaits qui pourraient naître de
son respect.
2. Ce doit être pour un intérêt public
dans le sens oil le bénéfice est obtenu, ou le méfait est
prévenu, pour la société dans son ensemble, par contraste
avec des individus ou des groupes d'individus. Cela ne signifie pas que doit en
tirer le bénéfice ou la protection chaque individu, mais, cela
signifie qu'un nombre significatif de personnes est susceptible d'en
bénéficier.
3. L'intértt mis en avant ne doit pas contredire ou
nier une valeur ou un principe déjà
confirmé, expressément ou implicitement, par le Coran, la
Sunna, ou le Concensus. »
André Poupart en donne un exemple assez clair dans son
article110 d'une décision qui a été prise en
considération d'un intérêt public :
« On avait discuté, dans les tous premiers
temps de l'Islam, si la Révélation devait être
laissée à l'état de tradition orale ou s'il y avait lieu
de la constater par écrit. Rien, dans les sources de la loi -
Révélation, paroles ou attitudes du Prophète - ne
fournissait de réponse à cette question. Cependant, un calife
décida de faire procéder à la rédaction du Coran.
Cette décision étant justifiée par la considération
de l'intér~t de la religion~ » 111.
Ce domaine demeure cependant extrêmement marqué
par l'idéologie et la politique. Selon son opinion politique une mesure
sera plus ou moins bénéfique pour la société. Il
faut ajouter que dans certaines situations, deux intérêts peuvent
être en contradictions. Ida Medieha Abdul Ghani Azmi précise que
la Foi est alors l'intérêt le plus important et qu'il doit primer
sur les quatre autres112.
Afin de pouvoir désigner l'intérêt public
le plus important en cas de contradiction, les juristes musulmans ont
développé cinq critères que nous livre Ida Medieha Abdul
Ghani Azmi :
« (i) what is considered as public interest will take
precedence over private interest.
(ii) matters pertaining to 'al-fardhu '(mandatory) will take
priority over matters pertaining to 'al-nawafil' (ce qui est permis).
(iii) in policy choices which act as a restraint (as
contrasted with promotion of values), the choice is to avoid the greater
evil.
(iv) in the field of economic transactions, what is
commonly held as the presiding interest of the whole community of traders ('ahi
al-suq') prevails over the interest of individual traders.
110 Voir note supra 38.
111 Page 97, § 3.
112 Voir note supra 99. Page 182, dernier §.
(v) the scholars also look at the chances or the probability
of occurrence. Hence one which has the highest chance of occurring should be
given priority. » 113
Il existe une contradiction entre deux intérêts
essentiels de l'Islam dans le sujet qui nous concerne. Parmi les juristes
musulmans, ceux qui considèrent que la propriété
intellectuelle est contraire à l'Islam lui opposent souvent l'argument
suivant : ces droits constituent une confiscation de la connaissance, ce qui
est contraire au développement des capacités intellectuelles, et
parfois même à l'intégrité physique, des croyants. A
l'opposé il y a l'intérêt économique des
créateurs d'actifs intangibles dont le patrimoine est constitué
de droits de propriété intellectuelle. C'est cette contradiction
que sera étudiée au Chapitre I du présent Titre.
Ce débat entre l'intérêt économique
des ayant droits et la diffusion de la connaissance se révèle
finalement assez universel, et dépasse largement les frontières
des pays musulmans. Les défenseurs de la propriété
intellectuelle réconcilient ces deux intérêts, à
tout le moins en théorie, à travers l'argument suivant : la
propriété intellectuelle permet le développement de la
connaissance car elle incite les acteurs économiques à investir
dans son développement. Cette argument sera étudié, lui,
dans un second Chapitre.
113
Page 184, §2.
Traduction : « (i) ce qui est d'intérit public
prévaut sur l'intérrt privé,
(ii) les matières se rapportant à «
al-fardhu » (ce qui est impératif) est plus important que ce qui se
rapporte « al-nawafil »,
(iii) pour les choix politiques concernant les actes
restrictifs (et non ceux qui défendent des valeurs), le choix doit
être de prévenir le plus grand méfait.
(iv) dans le domaine des échanges commerciaux, ce
qui est communément désigné comme l'intér~t
général de l'ensemble de la communauté des marchands ('ahi
al-suq') prévaut sur l'intérIt individuel des marchands,
(v) la doctrine s'intéresse aussi aux chances ou
à la probabilité que cela se réalise. Donc,
l'intérit ayant le plus de chance de se réaliser doit être
prioritaire. »
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