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La compatibilité entre le concept de propriété intellectuelle et la shari'a

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par Léo Fradet
Université de Poitiers - Master 2 professionnel en droit des affaires mention techniques de l'information et de la communication 2011
  

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II. La distinction entre l'aléa dû à la rémunération proportionnelle dans les

contrats de propriété intellectuelle et le concept d'imprécision de la Shari'a.

Le problème est plus complexe en ce qui concerne le système de la rémunération proportionnelle à l'exploitation de l'oeuvre de l'esprit. Le prix étant proportionnel à une exploitation future dont on ne connait pas le succès, il est donc nécessairement incertain. Pour Steven D. Jamar, l'incertitude interdite par la Shari'a doit etre comprise comme une analogie du jeu où l'existence meme de l'objet est incertaine. Ce qui est pour lui complètement différent des mécanismes de rémunérations proportionnelles :

« The analogy to selling fruit before it ripens, a prohibited act, is attractive. However, the reason for the rule against selling unripened fruit is that it is still subject to loss through drought, disease, or storm-it may never ripen. Here, the work exists, and only the ultimate value of it over time is unknown. The fruit has ripened and the ultimate market value of it is just an ordinary business risk. » 100

99 Page 10, §1.

Traduction : « Le principe de l'imprécision pourrait bien avoir des effets sur la structure des contrats de licence. Cependant, cela ne pourrait pas entièrement empêcher ou limiter la possibilité de conclure un contrat valide, contraignant et créatif grâce à la révérence islamique pour la sacralité des contrats et pour la flexibilité avec laquelle ils peuvent être construits ».

100 Page 14, §3.

Traduction : « L'analogie avec la vente de fruits avant leur maturité, un acte interdit, est séduisante. Cependant, la raison de cette règle concernant la vente de fruit qui ne sont pas encore mûres, est que cela fait toujours l'objet de pertes qui ne seront jamais cueillies à cause de la sécheresse, de la maladie ou des vers. Dans notre cas, le travail existe et seule sa valeur finale à travers le temps est inconnue. Le fruit a été cueilli et la valeur définitive qu'il aura sur le marché constitue seulement un aléa normal dans le milieu des affaires. ».

Ida Medieha Abdul Ghani Azmi, dans sa thèse ayant pour sujet la conformité entre le droit malaisien de la propriété intellectuelle et la Shari'a101, constate lui aussi la difficulté pouvant naître de ce mode de rémunération, mais arrive à une conclusion très différente. Selon lui, il faudrait que la rémunération soit forfaitaire et, en cas de succès plus important que prévu de l'oeuvre, que puisse être réévaluée la somme devant être versée à l'auteur.

Pour cela il fait référence au droit français et à la possibilité, prévue à l'article L 131-4 du code de propriété intellectuelle français, qu'a l'auteur de demander d'être rémunéré au moyen de sommes annuelles forfaitaires. Il ajoute à son modèle la rescision pour lésion de l'article 131-5 du code de propriété intellectuelle français qui permettrait de rééquilibrer le contrat en cas de succès inattendu.102

La seconde solution est en comparaison de la première beaucoup plus rigide et nécessiterait que soit fait couramment appel à une autorité extérieure afin de décider du montant de la rémunération. Cependant, bien que l'incertitude demeure sur ce point, elle ne met pas en péril la compatibilité de la propriété intellectuelle avec la Shari'a, mais seulement un mode de rémunération. Les parties devront cependant être vigilantes sur ce point, quitte à consulter des juristes locaux lors de la rédaction du contrat.

Les droits de propriété intellectuelle peuvent ainsi être exploités et cédés par contrat en toute légalité avec la Shari'a. Cependant une autre méthode de transmission doit être impérativement étudiée, c'est celle du legs. Afin que les oeuvres puissent être effectivement protégées pendant la durée minimale imposée par les traités internationaux, les droits de propriété intellectuelle doivent pouvoir être transmis aux héritiers en cas de décès de l'ayant droit.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus