CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Durant les dernières années, la croissance des
flux des IDE, a connu une profusion due, à la fois aux politiques
d'ouverture et de libéralisation menées par les Etats
accompagnées par un arsenal de mesures attractives, et au processus de
concentration et de mondialisation des FMN. Aussi, l'IDE connaît une
polémique et un débat houleux sur les plans théorique, de
sa décomposition, sa mesure et ses sources statistiques.
Du point de vue conceptuel et bien que l'IDE soit un
concept couramment utilisé, sa définition fait l'objet d'un
désaccord entre les différentes organisations internationales
(FMI, CNUCED, OCDE, OMC .....Etc.) .
Au Maroc, ce n'est qu'à partir de 1991 que l'Office des
Changes a commencé à procéder à la
décomposition de l'investissement étranger en investissement
direct étranger, investissement de portefeuille, prêts et avances
en comptes courants d'associés.
Quant à sa mesure, les statistiques sont
établies à partir des registres des ministères ou des
organismes nationaux chargés de faire appliquer les lois et
règlements internes sur l'IDE, des enquêtes gouvernementales et
autres études établies sur la base des bilans financiers ou des
résultats d'exploitation des sociétés, des statistiques
nationales de la balance des paiements, pour lesquelles des directives de
présentation internationalement normalisée ont été
publiées dans la cinquième édition du manuel de la balance
des paiements du FMI.
Dans le cas du Maroc, le système bancaire, les
enquêtes annuelles du département du commerce et de l'industrie
portant sur les entreprises à participation étrangère dans
le secteur industriel, les déclarations des investisseurs
étrangers auprès de l'office des changes, la direction des
investissements extérieurs, la commission des investissements et le fond
Hassan II sont considérés comme les principales sources
statistiques de l'IDE.
Cependant, la mesure de l'IDE telle qu'elle provienne des
sources précitées, est malaisée (une partie de l'IDE se
réalise sous forme d'un réinvestissement des profits des filiales
étrangères, ou sous forme de financement sur le marché
financier international par un appel de fonds ou par l'endettement
auprès des banques locales. Or, ces flux ne figurent pas dans les
balances des paiements de la plupart des pays d'origine, la non application de
la même définition de l'IDE et des seuils de contrôle
à l'entrée et à la sortie, traitement différent des
profits non distribués, des gains et des pertes en capital, des IDE
immobiliers, des IDE des paradis fiscaux et des centres bancaires offshore,
problème d'identification de la nationalité de l'entreprise dans
le contexte de la mondialisation ).
A titre illustratif, au Maroc, l'emploi final des flux
transitant par les holdings est très difficile à connaître,
la mesure des IDE butent sur des problèmes d'insuffisance de
données statistiques par sous secteur et de suivi.
Pour endiguer à ce problème de suivi des
investissements étrangers, la Primature a mis l'accent sur la
nécessité d'assurer un suivi permanent des contrats et
conventions d'investissement conclus entre le Gouvernement marocain et les
investisseurs et invita les départements concernés par le
mécanisme de suivi, de veiller à la mise en oeuvre de ces
contrats et conventions en vue d'assurer un meilleur suivi de
l'exécution des projets d'investissement agréés par la
commission des investissement
De nombreux arguments théoriques ont été
développés pour expliquer la présence des FMN et leur
corollaire, les déterminants des investissements directs dans les pays
hôtes. La diversité des situations rencontrées favorise le
foisonnement des explications du phénomène étudié.
En sus, les situations rencontrées ont tendance à évoluer
dans le temps en modifiant l'importance des différents facteurs
explicatifs.
A cet égard, les conceptualisations et les approches
théoriques et analyses réalisées, durant les années
50 et 60 possédant (barrières aux échanges et à la
mobilité, l'imperfection des marchés réels et financiers
de coût de production entre pays, les risques de change, les avantages
spécifiques des firmes, ... etc.) avaient été
développées pour expliquer les déterminants de
l'implantation des FMN dans les pays hôtes.
Les approches étayées sur la théorie du
commerce international s'intéressèrent davantage aux flux
physiques de capitaux et aux conséquences qu'ils peuvent avoir sur les
rémunérations des facteurs de production et sur les gains en
termes de bien être. Les corpus théoriques s'appuyant sur
l'économie de la finance internationale focalisent leur argumentation
sur la diversification des risques que permettent L'IDE et l'asymétrie
d'information entre les FMN et les autres investisseurs internationaux :
les première disposant d'une meilleure information sur l'environnement
économique étranger que les seconds. Les approches
proposées dans le cadre de l'économie industrielle
polarisèrent leur attention sur les caractéristiques des
marchés où les FMN opèrent sur leur comportement au regard
de la concurrence nationale et étrangère. Sous cette angle,
l'application d'une approche d'organisation industrielle à la nouvelle
théorie de l'échange, a permis d'obtenir une meilleure
compréhension des déterminants de L'IDE ; cela
résulte principalement de l'addition d'éléments comme la
concurrence imparfaite, la différenciation des produits et les
rendements d'échelle croissants. Dans ce sens, les nouveaux
résultats sont obtenus en dehors de l'avantage comparatif de la
théorie traditionnelle de l'échange international.
En étayant notre présentation sur les
combinaisons binaires des avantages OLI, nous sommes amenés à
considérer, d'une part, la théorie de la multinationalisation
exogène où l'émergence des multinationales apparaît
comme le résultat de la différence entre les pays dans la
rémunération des facteurs, et d'autre part, la théorie de
la multinationalisation endogène qui introduit une dimension
stratégique plus complexe. Dans ce dernier cas, la théorie traite
principalement du cas de l'investissement direct horizontal à double
sens dans lequel la FMN produit le même bien dans au moins deux pays
différents. De plus, l'endogénéité des choix (IDE,
exportations et licence) permet d'expliquer le cas d'une firme localisée
dans un pays qui désire accéder au marché d'un pays
étranger : elle doit effectuer, soit, un choix entre exportation et
investissement direct (installation d'une filiale), soit, un choix entre IDE et
licence d'exploitation. Autrement dit, les décisions d'investir
à l'étranger sont modélisées comme le
résultat d'un jeu qui introduit une dimension stratégique tenant
compte des structures de coûts, des stratégies des concurrents et
de la politique commerciale des pays.
Dans cette optique, l'un des résultats fondamentaux de
l'étude de la multinationalisation endogène des firmes est le
suivant : l'observation des FMN (ou bien de l'investissement direct
à double sens) est liée à la similarité entre les
pays du point de vue des marchés, des dotation factorielles relatives et
de la technologie. II faut signaler que ce résultat est opposé
à ceux de la théorie traditionnelle puisque cette dernière
considère principalement l'investissement direct vertical basé
sur les différences dans les dotations factorielles ou dans les prix des
facteurs.
En sus, au niveau de l'arbitrage entre IDE et exportations,
les FMN se concentrent dans les industries ou les avoirs en connaissance sont
importants, les économies d'échelle réduites et les
barrières à l'entrée relativement faibles par rapport au
commerce. De même, au niveau du choix entre IDE et licence
d'exploitation, L'IDE sera préféré aux licences
d'exploitation lorsque les rentes à extraire sont élevées
par rapport aux frais fixes et que le risque d'une dissipation des rentes au
travers de défection qui est élevé.
Qu'il s'agisse de la multinationalisation exogène ou de
la multinationalisation endogène, les pays en développement ne
sont pas explicitement pris en compte.
En effet, il est maintenant établi que l'essentiel des
flux d'IDE, qui ont explosé au cours des quinze dernières
années, fait intervenir avant tout des pays industrialisés (comme
émetteurs 74% flux sortants et comme récepteurs 74% flux sortants
entre la période 1999-2003), très similaires en termes de revenu
par tête et de dotations factorielles. Cela semble évident dans la
théorie endogène de la multinationalisation qui vise des pays
semblables et également développés.
Cette théorie montre que les chances d'observer
l'investissement direct dans un pays en développement sont faibles. II
est toutefois important de remarquer que plus de 90% des flux d'IDE
orientés vers les pays d'Asie du sud-est à croissance rapide qui
offrent des potentiels de débouchés locaux attractifs et des
dotation en infrastructures de communication très performantes
permettant de concilier délocalisation pour motif de minimisation des
coûts et impératifs de flexibilité et de
réactivité aux fluctuations de la demande (versatilité).
Ainsi, cette théorie basée sur la multinationalisation
endogène explique mal la forte croissance des flux d'IDE destinés
aux pays asiatiques en dehors du fait qu'il s'agit de marchés à
fort potentiel de croissance.
La théorie de la multinationalisation exogène
peut s'appliquer aux pays en développement puisque les dotations
factorielles sont supposées différentes des gains technologiques
transmis par L'IDE.
En sus, l'IDE est devenu l'une des courroies de transmission
de la mondialisation du fait de son ampleur et son pullulement à
travers le monde.
Tous les Etats réforment leur réglementation et
leurs mesures incitatives pour capter les IDE. En effet, au regard de la
législation, sur les 271 modifications des dispositions régissant
l'IDE apportées en 2004, 235 soit (90%) allaient dans le sens de
l'ouverture de nouveaux domaines à l'IDE et comportaient des mesures de
promotion.
Les flux mondiaux des IDE ont diminué de 17,5% entre
2001-2003 pour atteindre le montant de 648,1 milliards de dollars en 2004.
Les pays développés demeurent les pays de
prédilection des capitaux étrangers avec 70% du total mondial.
Le déclin de l'IDE a concerné essentiellement
les pays développés. Dans ces derniers, les IDE ont chuté
de 21 %, soit 177 milliards de dollars entre 2001-2004.
Par rapport aux pays développés, les pays en
développement demeurent moins attractifs (35% du total mondial en 2004).
Dans ces pays, les flux d'IED ont augmenté de 40% soit 67 milliards de
dollars en 2004 par rapport à 2003, alors qu'ils ont diminué,
tombant de 236 milliards de dollars en 2000 à 205 milliards de dollars
en 2001.
Toutefois, nous avons noté qu'en dépit de la
contraction des flux entrants dans les pays développés et leur
augmentation au sein des pays en développement, la cartographie de la
répartition des IDE à l'échelle mondiale nous a permis de
discerner que ces capitaux étrangers restent l'apanage des pays du Nord
(77%) sur la période 1999-2004. C'est ce basculement de la division du
travail, centrée sur la maîtrise des coûts et la
réalisation de rendements d'échelle du capital productif vers une
division cognitive de maîtrise de l'information et des connaissances,
d'apprentissage et la réalisation d'économies de champ sur les
actifs intangibles investis, semble-t-il, qui explique le processus de
concentration des IDE dans les pays industrialisés riches en ressources
cognitives spécifiques.
L'Afrique demeure une région non captive pour l'IDE
avec une part minuscule de l'ordre de 2% des flux mondiaux. Les flux d'IDE
à destination de cette région sont restés quasiment
stables avec 18 Milliards de dollars entre 2003-2004.
L'Angola, la Guinée équatoriale, le Nigeria
(tous dotés de ressources naturelles) et l'Egypte ont été
les premiers destinataires accueillant un peu mois de la moitié du total
des entrées d'IDE en Afrique.
A côté de cette polarisation géographique
vers les pays développés, l'évolution de l'IDE a
été aussi assortie d'une concentration sectorielle au profit du
secteur des services au dépens des secteurs primaire et secondaire
où le rapport de la CNUCED 2004 « The shift towards
services » est dédié à la problématique
du penchant des IDE au secteur tertiaire.
En termes de stocks mondiaux des IDE, le secteur tertiaire a
davantage participé dans les entrées d'IDE au niveau mondial
à la fin des années 90. Sa part s'élève à
44% à la fin des années 80 pour augmenter respectivement à
49% et 60% en 1990 et 2002. Cette évolution positive s'était
faite au préjudice du secteur primaire qui a vu sa part de participation
dans le stock des entrées de l'IDE mondial décliner de 11% en
1988 à 9% en 1990 puis à 6% en 2002. Quant au secteur
manufacturier, sa part de participation a connu un abaissement de 42% en 1990
à 34% en 2002.
En termes de flux mondiaux : La part du secteur tertiaire
était de l'ordre de 54% entre 1989-1991 pour augmenter respectivement
à 67% en 2001- 2002. Cette évolution positive s'était fait
au dépens du secteur manufacturier qui a vu sa part de participation
dans le flux des entrées de l'IDE mondial décliner de 39% en
1989-1991 à 67% en 2001-2002.
Cet essor de l'IDE a été impulsé par les
stratégies de deux acteurs principaux à savoir les Etats et les
FMN.
Les gouvernements de leur part agissent sur le climat de l'IDE
par le biais des politiques d'attractivité et des mesures incitatives
dans le dessein d'attirer et capter les FMN afin de bénéficier du
transfert de technologie, résorption du chômage, financement de
l'économie ...etc.
Les FMN par l'essor de leurs activités, leur poids,
leurs caractéristiques et leurs stratégies d'envergure en
matière d'investissement à l'étranger, deviennent les
principaux protagonistes à l'échelle mondiale.
L'analyse économique et les enquêtes
auprès des firmes par questionnaires et par entretiens ont permis de
distinguer trois grands types de stratégies qui impulsent et motivent
les FMN à s'implanter dans des pays étrangers ; il s'agit
de :
· La stratégie d'accès aux ressources
naturelles qui vise à exploiter les ressources naturelles inexistantes
sur le territoire d'origine des firmes ;
· La stratégie horizontale ou de marché
s'applique aux décisions d'investissement à l'étranger qui
visent, d'une part, à produire pour le marché local
d'implantation et, d'autre part, qui sont effectuées dans des pays qui
ont un niveau de développement équivalent;
· La stratégie verticale visant la minimisation
des coûts et sont déterminés par la différenciation
des dotations factorielles.
A cet égard, des interrogations nous
apostrophent : Quelle type de stratégie est
développée par ces FMN lorsqu'elles visent à se localiser
dans le cas d'une économie de Sud comme le Maroc ? Quels sont les
déterminants, les motifs qui incitent ces investisseurs étrangers
à s'implanter dans le tissu économique marocain, en singulier
dans le secteur industriel ? Quelles sont les pierres d'achoppement, les
contraintes sur lesquelles butent ces entreprises
étrangères ? Ceci fera l'objet de la deuxième partie
de ce travail.
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