Evolutions souhaitable du régime de detention
preventive et développement du role des associations d'aide aux
détenus
Du tabou au cheminement de la reflexion sur la situation des
detenus, la progression se caracterise par sa lenteur. L'image de la prison est
naturellement rattachee a la condamnation et a la peine purgee ; il en decoule
une faible sensibilite de l'opinion publique face a la situation de ceux qui
s'y trouvent. C'est oublier la proportion encore importante des prevenus en
attente de jugement et par consequent presumes innocents. Reduire l'impact du
choc carceral et de la detention sur les individus doit constituer un objectif.
Au stade de la detention preventive, il est necessaire de parvenir a instaurer
un regime differentiel effectif plus compatible avec le respect de la
presomption d'innocence. Le mixage de population et l'absence de gestion
adaptee des locaux lies au manque de moyens ne peuvent continuer a constituer
l'unique reponse apportee a une problematique d'une telle ampleur humaine.
L'emprisonnement cellulaire individuel est demeure un voeu pieux sous le
règne de la promiscuite.
Dans les maisons d'arrêt, il n'est pas rare de constater
que la seule difference notoire entre le regime d'incarceration des prevenus et
celui des condamnes est le nombre hebdomadaires de parloirs qui peuvent leur
être accordes (deux pour les prevenus, un pour les condamnes).
L'absence totale de prise en consideration de la situation
sociale et familiale du prevenu renforce la violence du choc cause par sa
projection dans le milieu carceral : permettre au magistrat instructeur de OE
ventiler ç coauteurs et complices dans les etablissements penitentiaires
de la region afin d'eviter tout contact entre eux ; ce peut être aussi
augmenter l'isolement du prevenu qui, incarcere a des kilomètres de son
domicile recevra peu de visites de son entourage dont la situation materielle
se trouve frequemment fragilisee du fait de l'incarceration ; c'est aussi
choisir d'accroitre le risque de rupture familiale. Sans compter le fait qu'une
telle pratique engendre d'autres difficultes qui peuvent sembler materielles et
derisoires mais sont cruciales pour un detenu : l'entretien de son linge et
donc l'enjeu de son hygiene personnelle et de sa dignite, le coOt des
transports subi par ses proches qui influera peut-être sur leur capacite
a lui adresser des mandats pour lui permettre de cantiner...
Peut-on decemment se contenter de considerer qu'il n'aurait
pas du par ses actes se placer dans une situation de risque d'incarceration ?
N'oublions pas qu'a ce stade de la procedure, il est toujours presume
innocent...
Si l'on peut aisement entendre le fait que les necessites de
l'instruction requierent l'interdiction de tout contact entre les co-prevenus,
on peut aussi entendre qu'il puisse être mis en oeuvre d'autres securites
pour parvenir a cet objectif que la solution simpliste de l'eloignement
geographique.
D'autre part, le placement d'un prevenu a l'isolement
constitue un moyen de pression psychologique tout aussi deloyal que la
fabrication de preuves ; or, si cette dernière est lourdement
sanctionnee l'isolement, lui, est pratique en toute legalite. L'individu passe
en l'espace d'au maximum 72 heures de la liberte a l'absence et la prohibition
de tout contact avec autrui. Seul face a lui-même, ne disposant d'aucun
droit de visite hormis son avocat et les gardiens qui, en depit de leur
eventuelle bonne volonte, ne peuvent lui accorder davantage que de courtes
minutes pour parler. Il conserve le droit a la correspondance. Il n'est pas
rare qu'au cours de cette periode l'observation de la correspondance
revèle un etat de confusion voire un etat depressif profond duquel il
mettra parfois longtemps a sortir. Des symptômes physiques peuvent
être constates : après deux mois d'isolement, la voix est changee,
eteinte ; elle se ranimera progressivement avec l'usage retrouve.
Les liens actuels de rattachement de l'infraction au ressort
du tribunal competent ne permettent pas davantage la prise en compte de cette
problematique : le lieu d'arrestation et le lieu de detention tendent a
favoriser le deracinement des individus : l'arrestation peut, au gre des
circonstances, se derouler aux antipodes du lieu de vie, il serait en
consequence souhaitable qu'elle ne figure au rang des liens de rattachement
determinant la competence territoriale dans le seul cas oü la procedure
prevoit la jonction ou l'indivisibilite. Le lieu de detention ne devrait pas,
etant donne l'inexistence de regles autre que la gestion des places
disponibles, pouvoir être pris en compte au titre des liens de
rattachement. En effet, la competence geographique determinee va souvent
induire les decisions prises quant a l'etablissement auquel sera adresse le
mandat de depôt et conditionnera pour de longs mois l'eloignement du
detenu de ses proches.
Le milieu carceral ne peut pas par nature être ouvert
sur l'exterieur ; il se doit neanmoins de permettre au secteur associatif
specialise un accés et le tissage de liens psychologiquement necessaires
au detenu pour limiter les mefaits engendres par une deconnexion faussant la
perception des realites. Les associations intervenant auprès de ces
publics sont assez peu nombreuses, disposent de moyens limites et
interviennent
sur des champs d'intervention reduits. Si le reseau fonctionne
relativement bien autour des centres de detention ; la presence associative est
plus limitee au voisinage des maisons d'arrêt. La pratique des visiteurs
de prison est essentielle car elle constitue un contact exterieur avec lequel
le detenu peut nouer des liens; un contact non concerne par son affaire et
centre sur l'ecoute. Cependant, la mission de ces benevoles ne peut aller
au-dela de l'attention et du reconfort moral prodigue. Elle n'a pas pour
finalite l'apport d'un soutien psychologique qui dans ce cadre fait cruellement
defaut.
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