PARTIE II: Impact du phénomène
comportemental sur les verdicts rendus
Affronter la justice criminelle est pour les parties un choc
traumatique post-traumatique intervenant dans la plupart des cas a plusieurs
annees d'intervalle.
Le procès marque pour la victime comme pour l'accuse un
tournant de vie dont le contenu va demeurer determinant pour la page nouvelle
qui commencera a s'ecrire après le verdict.
Pour la victime en vie, cela peut s'apparenter a crever
l'abcès qui la ronge pour finir en paix avec elle-même ; delivree
de la souillure du crime et parfois d'un sentiment de culpabilite
particulièrement present en cas de viol notamment. C'est affronter le
regard des autres et celui de l'auteur, soutenir l'impudicite de ce regard
explorant jusqu'aux pires secondes de son existence; prendre conscience de la
necessite de ce regard et du verdict qui en resultera comme d'une etape
cruciale dans sa demarche de reconstruction personnelle
Pour les proches de la victime decedee, bien après les
obseques, le verdict ouvrira la phase de deuil ; levant parfois les
dernières interrogations sur la mort ou les raisons de la mort ;
entendre l'innentendable est preferable au silence.
Pour l'accuse qui ne dement pas sa culpabilite, le face a face
est d'abord avec lui-même avant de soutenir le regard des autres. Face a
face avec l'horreur, terrorise par sa propre personnalite, rejetant le moi
monstrueux qui le repugne et fuyant sa responsabilite, revendicatif et se
posant en victime, accable, glacial, silencieux, centre sur sa personne,
meprisant la victime...en aucun cas indifferent. Ce comportement evolutif a
chaque seconde sera observe, analyse, disseque par les jures... influant de
façon consciente ou inconsciente sur la construction de l'intime
conviction de chacun d'eux.
Si nul ne peut combattre l'impression produite par les traits
d'un visage, l'attitude et le verbe peuvent en revanche faire l'objet non de
correction mais de preparation visant a limiter tout risque d'impact negatif.
Cette tâche incombe a l'avocat (particulièrement a l'avocat de la
defense mais aussi a celui de la partie civile) qui aura soin de prevenir les
reactions intempestives ou inappropriees, les tentatives de prise de parole
desordonnees, les marques d'indifference apparentes, les colères
debordantes, les excès de langages ou les digressions.
? Impact sur la construction de la stratégie de
défense et sur les verdicts rendus :
Dans la preparation du proces avec son client, l'avocat ne
dispose que de peu de donnees relatives a sa personnalite et autres que la
relation qu'il a lui-même nouee avec l'interesse ; en depit des
expertises et investigations effectuees au cours de l'information. Il se doit
donc d'envisager les situations les plus difficilement supportables, de les
evoquer si besoin precisement afin d'apprehender les reactions de son client et
de les reprendre avec lui en explicitant chaque fois les consequences
potentielles et l'interpretation qui peut en decouler. Cette preparation
constitue un travail realise dans la duree et dont le degre de difficulte
s'evalue au fil des entretiens. La progression dans la comprehension des choses
et dans la gestion des emotions n'est pas lineaire ; toute la maItrise
travaillee precedemment peut a tout moment être aneantie par une pensee
ou un evènement perturbateur.
Parfois, l'avocat ne dispose que d'un temps reduit a consacrer
a cette phase preparatoire, s'il vient par exemple d'être saisi du
dossier jusqu'alors gere par un autre confrere. La prise en main du dossier
après clâture de l'information par exemple, le prive de
l'observation des reactions de son client aux auditions, confrontations,
reconstitution. Il apprehendera la situation au vu des elements du dossier et
surtout au vu de l'impression laissee par les contacts sporadiques qu'il aura
eu avec son client.
Expertises psychiatriques et psychologiques, une
problématique entrecroisée :
La formulation des questions posees a l'expert psychiatre
s'inspire directement de la redaction de l'article 122-1 du Code Penal ; celle
des questions posees au psychologue du huitième alinea de l'article 81
du même code. Ces formulations peuvent engendrer certaines difficultes :*
La Cour d'Assises, compte-tenu de l'oralite des debats est le revelateur des
difficultes d'articulation entre les deux types d'intervention, qui devraient
être specifiques, mais qui, pour des raisons liees a l'histoire, aux
approximations de la procedure, a la personnalite et a la formation des experts
se chevauchent dans le meilleur des cas, se contaminent dans d'autres,
obscurcissant ou alourdissant les debats, avec les consequences que l'on peut
imaginer sur le deroulement du procés et sur le justiciable.
*L'expertise psychiatrique penale, Bruno Gravier
*Certains avancent la nécessité d'une
réforme réaliste de l'OEexpertise psychiatriqueç et de
l'OEexpertise psychologiqueç. Face a l'évolution
prévisible des effectifs de psychiatres (en baisse) et de psychologues
(en hausse) ces deux appellations d'expertise devraient être
abandonnées au profit d'un concept unique d'OEexpertise mentaleç
réalisée indifféremment par des psychiatres ou par des
psychologues sélectionnés sur la base de leurs compétences
évaluées pour mener a bien ces missions. La mise en place de
quelques autres grands principes (création d'un consensus clinique et
juridique de l'expertise mentale, obligation de formation harmonisée et
actualisée des experts, prise en compte de l'expérience
professionnelle des experts, temps passé et périodes opportunes
pour réaliser les expertises, revalorisation des actes d'expertise)
permettrait de mettre a la disposition de la justice et des justiciables des
effectifs suffisants d'experts de qualité sur l'ensemble du territoire
national
La seconde problématique réside dans les conditions
de réalisation de ces expertises :
Celles-ci sont dans la plupart des cas réalisées
en une voire deux visites rendues au prévenu placé dans le
contexte de la détention provisoire. Ces visites dont la durée
varie de deux a trois heures sont-elles suffisantes pour permettre pour
permettre a l'expert de réaliser une analyse au plus près de la
personnalité de l'accusé ?
Réalisées trop tot, les manifestations
symptomatiques liées au choc carcéral peuvent impacter les
résultats de l'expertise ; mais réalisées tardivement, OE
l'accoutumance ç a la gestion de la situation d'incarcération
peut produire semblable effet. L'extraction pourrait être une solution
partielle même si davantage mobilisatrice de moyens humains et
financiers.
|