b/ Mutuelle et micro-assurance de santé :
La diversité et le nombre qui ne cesse
d'augmenter des «expériences» de MAS, témoignent d'une
certaine créativité, d'une popularité d'un dispositif
devenu déjà à la mode. Une certaine confusion entre MAS et
mutuelle existe. Y-a-t-il vraiment une différence de fond ou elle
réside juste au niveau de l'appellation ?
· Qu'est ce qu'on entend par Micro-assurance de
santé ?
Trouver une définition dans la
littérature n'est pas une affaire simple. Les pères du concept ;
appartenant au ILO à l'époque ; dans leur article publié
en 1999, conçoivent «la micro-assurance comme une entreprise
autonome, indépendante des opérateurs extérieurs ou de
lignes de crédit permanentes [...] Le mot micro fait
référence au niveau social de l'interaction. Il s'agit de
régimes plus petits que les régimes nationaux et le mot assurance
fait référence à l'instrument économique»
(Dror et al, 1999). Le nouveau concept «générique ou
basique» concerne «les régimes volontaires de groupes pour
l'auto-assistance en matière d'assurance maladie sociale...la motivation
des assurés est parfois contraste avec les sentiments altruistes des
personnes adhérant à une société amicale»
(Dror et al, 1999). En se référant à plus de
détails du même article et aux conclusions
développées par (Letourmy et al, 2005) pour cerner le concept, la
MAS vient en complément aux stratégies des sociétés
d'assurance, puisque par ce dispositif, les assureurs
auront la possibilité d'offrir un service
adapté à une clientèle qui mène des conditions de
travail et de vie particulières. Encore, il est tout à fait
naturel de faire appel aux techniques de l'assurance pour traiter : la
sélection adverse, le risque moral, l'asymétrie d'information, la
mutualisation des risques, le passager clandestin, l'escalade des coûts
et la sous-assurance. L'adhésion des exclus sociaux n'est pas uniquement
pour un motif économique, mais aussi dans le cadre d'une dynamique
communautaire et une responsabilité collective pour décider
librement et de manière autonome. Ce choix porte principalement sur les
prestations et les risques couverts pour le groupe des assurés. Le choix
des risques couverts gros ou petits, distingue la MAS de l'assurance à
but lucratif (caractérisée par la distribution des dividendes et
la vente des actifs lors de la liquidation), et aussi de l'assurance sociale.
Selon le document de la plate-forme d'Abidjan(1998) auquel Dror et Jacquier ont
fait référence, « la nature démocratique, volontaire,
autonome, participative, communautaire et désintéressée de
la micro-assurance a été reconnue» (Dror et al, 1999). Ce
sont les mêmes principes des mutuelles de santé, où
réside donc la différence ?
· La mutuelle de santé:
«Une mutuelle est un groupe de personnes qui
s'organisent pour faire face, au moyen de leurs seules cotisations, aux
conséquences d'un risque social qui les menace ainsi que leurs familles.
C'est une notion qui ne s'applique pas uniquement à un organisme visant
la protection contre la maladie. Les mutuelles se définissent comme des
sociétés de personnes, par opposition aux sociétés
de capitaux. Elles sont censées tirer leur identité du respect de
cinq grands principes : la non-lucrativité ; la solidarité ; le
volontariat ; la démocratie ; l'indépendance» (Letourmy et
al, 2005). Les mutuelles répandues surtout en Afrique de l'Ouest
francophone, sous l'effet d'opérateurs d'appui français. Elles
«constituent apparemment une forme de micro-assurance [...] En pratique,
trois éléments caractérisent les mutuelles de santé
:
- Les adhérents bénéficient
d'un mode d'accès privilégié aux soins, un régime
d'assurance maladie volontaire. C'est parfois une offre de soins
«maison», exemple d'un centre de soins ;
- La gouvernance des mutuelles est
exercée par les cotisants via un système de représentation
;
- Les mutuelles sont destinées
à constituer des unions et des fédérations. Elles
s'inscrivent donc dans un mouvement social qui représente à la
fois un mode de développement technique et une représentation
politique» (Letourmy et al, 2005). Après avoir
présenté les quelques aspects typiques aux mutuelles et MAS, on
va essayer de dégager la vraie différence. Toujours en se
référant aux travaux de Letourmy père et fille(2005), les
différences ont trait aux points suivants :
Source: Letourmy et al, 2005
![](Experiences-de-Micro-assurance-de-Sante-et-d-AMO-qu-en-est-il-d-une-transition-vers-la-Couverture5.png)
· Pour relier les entités de base, les
mutuelles sont censées constituer des unions ou des
fédérations.
· L'approche mutualiste se veut explicitement
sociale et politique c'est-à-dire atteindre une capacité
d'influence sur la politique nationale de santé ou de protection sociale
dans le pays. Exemple de l'UTM au Mali.
· Les mutuelles ne ciblent pas de
catégories particulières. Certaines mutuelles couvrent des
catégories de population plus aisées et à effectif
important. Naturellement, les garanties qu'elles offrent sont hors de
portée de populations à faible revenu. Certaines mutuelles ne
relèvent pas de la MAS. Exemple des fonctionnaires se regroupant en
mutuelles en Afrique de l'Ouest, en absence de régimes
obligatoires.
Tableau 1 : Comparaison conceptuelle entre mutuelle et
MAS
Mutuelle de santé Organismes de micro-assurance de
santé
· La volonté de départ est de
regrouper des personnes pour faire face aux conséquences d'un risque de
mauvaise santé. D'autant plus que ce n'est pas systématique que
le régime d'assurance d'une mutuelle soit volontaire.
· Une approche globale de la couverture des risques
liés à la santé, à titre d'exemple
et à priori aucune condition à
respecter pour organiser des actions de prévention dès lors que
les adhérents le souhaitent et y mettent les moyens.
· L'objectif prioritaire de monter un dispositif
d'assurance viable financièrement.
· Une approche plus restrictive, faisant
référence aux besoins sociaux des adhérents. Si des
actions de prévention seront programmées, elles doivent passer
par une sélection allant de pair avec l'efficience de l'activité
entière. Ces actions devraient être mises en balance avec une
spécification alternative des garanties : une exclusion de certains
risques de santés liés à des problèmes de
santé particuliers.
· Les organismes de MAS peuvent fonctionner en
réseaux.
· La question d'influence sur la politique
nationale de santé ou de protection sociale n'est pas explicite. Les
fonctions techniques qui ne peuvent être assurées par des
entités de base telles que (la sécurité financière,
la gestion, utilisation d'un médecin conseil) sont assurées par
des formules diverses. Exemple : la mise en place d'une réassurance
selon une formule sans but lucratif dans le cadre du Social Re de l'ILO aux
Philippines.
· La MAS s'adresse aux catégories
«exclues» (Dror et Jacquier), en fait à une population du
monde rural et du secteur informel. Implicitement, les entités de base
ne vont pas regrouper des effectifs importants sauf exception.
A vrai dire, et puisque certains caractérisent
le MAS : «la simplicité, l'accessibilité financière,
la proximité et l'autogestion» (Letourmy et al, 2005). Mais
certaines formes de micro-assurance font exception à ces principes.
Certaines mutuelles relèvent de la MAS. Sur le terrain, certaines
différences disparaissent et parce que sur le plan technique mutuelles
et MAS utilisent exactement les mêmes outils, la seule différence
qui peut surgir est purement idéologique. Les deux notions ne
résument tous les dispositifs à base communautaire. Les lignes
qui suivent vont résumer les points qui caractérisent toutes les
expériences, et les différents modèles existants sur le
terrain.
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