2. Grille de lecture des modèles de
micro-assurance de santé :
En se basant sur une large littérature des
expériences de MAS dans plusieurs pays surtout : Ghana, Chine, Inde,
Sénégal, Mexique, Philippines, Tanzanie, Chili, République
de Corée, Jordanie, Uganda, Guatemala, Burkina-Faso...Et «sur trois
études de cas concernant : le Mali [l'étude porte sur les
mutuelles de santé, une analyse plus précise de la mutuelle
Kènèya So créée par l'institution de microfinance
Nyéta Musow. L'expérience est positive mais demeure
limitée]. L'Afrique du sud [cette deuxième étude porte sur
la contribution d'entreprises commerciales privées «PROPARCO»
aux objectifs de la micro-assurance de santé. Le contexte sud-africain
se caractérise par un marché de l'assurance maladie saturé
et un système de soins dual, l'un pour les couches favorisées et
l'autre pour les personnes démunies. Les opérateurs privés
d'assurance ont bâti leur activité pour une clientèle
disposant de revenus satisfaisants et ils ont du mal à l'adapter
à une clientèle à plus faible revenu. Une raison est
liée à la tendance du secteur privé de l'assurance
à privilégier la surenchère technologique et les
activités financières, ce qui augmente les coûts de
transaction et interdit la baisse des tarifs des primes]. Et le Bangladesh
[étude de trois organisations non gouvernementales(ONG) : Bangladeshi
Rural Advancement
Committee(BRAC), Grameen Kalyan(GK) et Dushta Shasthya
Kendra(DSK). Elles animent des programmes de développement pour les
populations pauvres, en milieu rural pour BRAC et GK, et en milieu urbain pour
DSK. Ces programmes possèdent un volet santé important
complété par des produits de micro-assurance maladie. Les ONG ont
réussi à créer des relations fortes avec les populations
ciblées. Ensuite, elles réalisent toutes un effort important en
faveur des catégories vulnérables : les femmes et les personnes
très pauvres. Cette étude montre que, même si certaines
grandes organisations travaillent en direction des communautés
démunies, elles possèdent des stratégies entrepreneuriales
précises qui ne s'accordent pas complètement avec une gestion
participative des activités de terrain» (Letourmy et al, 2005). On
va dans ce qui suit analyser les facteurs favorables à la
sensibilisation des populations, puis faire la différence entre une
mutuelle et MAS, et enfin résumer les caractéristiques et
l'originalité des MAS.
a/ Facteurs favorables à la sensibilisation :
On a jugé utile de mettre en lumière la
notion de vulnérabilité. «La vulnérabilité est
définie par le degré de capacité des individus et des
ménages à faire face au risque, elle dépend de
l'exposition aux chocs, de l'ampleur du choc et de la résilience
c'est-à-dire de la capacité à gérer les
chocs»(Lepine et Petitpierre, 2006). L'assurance permet de gérer le
risque, elle ne permet pas de réduire facilement les risques liés
aux évènements cycliques à fort degré de certitude
et faible coût, ni aussi les risques covariants à faible
probabilité mais à coûts très élevés
tels que les catastrophes naturelles. Les coûts des soins, le risque
maladie, la probabilité de ce risque et avec quelle fréquence
sont autant de facteurs qui façonnent le dispositif de MAS. Mais quels
sont les autres facteurs qui favorisent la pénétration de la MAS
c'est-à-dire le fait de convaincre les populations cibles
d'adhérer ? Ces facteurs sont les suivants:
· Les personnes couvertes:
«La MAS cible effectivement les exclus de la
protection sociale, plutôt que les populations pauvres. Dans la plupart
des régimes d'adhésion volontaire, la capacité
financière effective de la population joue un rôle
déterminant : ce sont les plus solvables des exclus qui
adhèrent» (Letourmy et al, 2005). «La micro-assurance de
santé ne s'adresse pas tant aux pauvres qu'aux exclus, qui sont ceux qui
souffrent d'une participation et d'un accès inapproprié à
la vie sociale»(Dror et al, 1999). Certains exemples prouvent ce constat :
les régimes d'assurance UMASIDA en Tanzanie, SEWA (un syndicat
créé en 1972 pour les femmes du secteur informel)
en Inde s'adressent à des travailleurs ou
travailleuses du secteur informel, organisés en coopératives ou
syndicats. L'Association Por Salud de Barillas au Guatemala s'adresse aux
habitants de la commune de Barillas ; une région rurale isolée
constituée principalement de planteurs de café et de travailleurs
du secteur informel. Encore les populations assurées au Zimbabwe par les
régimes d'assurance à faible coût des gestionnaires
d'assurances de santé privées appartiennent à la fois aux
secteurs formel - des salariés ou des fonctionnaires dont les revenus ne
leur permettent pas d'adhérer à un régime d'assurance
classique - et informel de l'économie. On ne va pas s'intéresser
au fait que le secteur informel est le secteur qui échappe à la
légalité, et que ce secteur «informel» n'a rien
d'informel du moment où il influe fortement la sphère
économique. «L'ensemble des populations concernées peuvent
être considérées comme «pauvres», dans la mesure
où elles n'ont pas accès à certains biens et services en
raison de ressources matérielles inégales»(Dror et al,
1999). L'accessibilité financière à des soins de
qualité est entravée au même titre pour le planteur de
café guatémaltèque et l'habitant de la commune de
Barillas. «Si les dispositifs de micro-assurance ne ciblent pas tous les
pauvres, c'est parce que l'assurance suppose une capacité contributive.
Les personnes sans ressources rencontrent a priori des difficultés
à s'acquitter de leurs cotisations [...] Faut-il s'interroger sur la
capacité contributive des exclus «récupérables»
par la MAS ainsi que sur la façon dont la MAS traite les indigents ou
les «ultra-pauvres». Au sein des exclus sociaux, ce sont ceux qui
disposent le plus de ressources qui adhèrent
préférentiellement aux organismes de micro-assurance ou aux
mutuelles...Quant aux vrais indigents, ils ne profitent pas du système,
sauf dans les situations de forte cohésion sociale qui ne s'observent
que sur des territoires circonscrits (mutuelles rurales du Bénin) ou
bien s'il existe une volonté délibérée de leur
donner accès aux soins ou de les associer aux régimes , en payant
pour eux ( au Bangladesh)»(Letourmy et al, 2005). Exclus sociaux ou
«indigence chronique ne posent pas problème du moment où un
surplus de ressources existe et qu'une volonté de partage de ce surplus
pour élargir la sphère d'accessibilité est admise et
acceptée. Ce sont les deux principaux principes de la CMU.
· Le panier de soins offerts :
Si on va se limiter aux seules cotisations, «les
garanties offertes sont généralement modestes, car elles
dépendent des ressources des populations. La couverture des petits
risques occupe ainsi une place privilégiée. Cette tendance
s'expliquerait par divers facteurs : la rareté des hôpitaux, la
difficulté à négocier avec eux, les
préférences des populations elles-mêmes » (Letourmy et
al, 2005). Partant du fait que l'efficience allocative et technique des
fournisseurs de soins, et les
besoins de santé, diffèrent d'une
région à une autre au sein d'un même pays, «plus la
population ciblée est pauvre, plus la couverture du petit risque prend
de l'importance parmi les garanties de la MAS» (Letourmy et al, 2005). Peu
d'exemples de couvertures de soins complètes ou quasicomplètes,
c'est-à-dire que l'assuré bénéficie d'un
accès à une gamme de soins. «Le régime de l'ORT
Community Multipurpose Cooperative de La Union aux Philippines offre par
exemple un panier important comprenant l'ensemble des soins primaires et
secondaires»(Letourmy et al, 2005). Ce n'est pas uniquement la faiblesse
des cotisations, mais aussi le choix des assurés ayant des besoins
«spécifiques» qui fait la prédominance de la couverture
du petit risque, si bien stir ils ont vraiment un mot à dire dans la
définition des prestations. «L'accès à ces services
de base dépasse déjà la capacité contributive
individuelle des ménages et la mutualisation du risque est
intéressante dès le niveau primaire»(Letourmy et al,
2005).
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