L'intégration républicaine à l'épreuve du lien communautaire: l'exemple des migrants Chinois( Télécharger le fichier original )par Romain Hem-Reun Institut régional du travail social Paris Parmentier - Diplôme d'état d'assistant de service social 2011 |
3. La relation parents/enfants dans le projet migratoireCes mineurs arrivant en France ont entre 13 et 18 ans et sont donc en âge d'être scolarisés. Ils constituent souvent le lien entre la société française et la communauté. Le courant migratoire dans lequel ils sont pris a une incidence de premier ordre pour eux se trouvant dans une période charnière de leur développement. Ne connaissant ni la langue ni la culture de la société d'accueil, leur vie en est bouleversée, tout comme l'appréhension de leur avenir aussi. On peut se demander la part du choix personnel dans cette décision de migrer et de tout quitter. C'est sur la relation parent/enfant qu'il convient de se pencher pour apprécier ce questionnement. Dans quelle mesure ce lien nous permet-il de comprendre les choix migratoires de cette population migrante en France ? La relation parents/enfants est particulière au regard de la culture française occidentale. Ce lien culturel s'est élaboré progressivement, au fil du temps et de l'élaboration de la philosophie, culture, confucéenne. Il est donc le fruit d'un héritage culturel qui structure la société chinoise depuis des siècles. g) Le confucianisme et le devoir filialeLe devoir filiale est un des fondements de la pensée confucéenne. Au-delà du principe de respect quant à l'attitude à tenir envers ses parents qui n'est pas spécifiquement confucéen, il donne également des « principes d'éthique sociale » dans les rapports que l'être humain doit avoir avec son environnement. La société chinoise est basée sur les valeurs familiales. Telle que nous la connaissons, cette société est fondée sur les traditions. Dans une société traditionnelle, les individus sont considérés comme les membres d'une famille ou d'un clan, plutôt que comme des êtres indépendants. La solidarité est dite mécanique, notion introduite par Durkheim, le poids du groupe est très important et absorbe l'individu. De fait, la morale confucéenne est une morale familiale qui donne, en plus le sens du devoir induit par la pression du groupe, le « sentiment de ce qui est dû aux parents » et « le respect des aînés6(*)», ce qui « remplace presque complètement la religion en donnant à l'homme la perception de sa survivance sociale et de sa continuité à travers la famille, satisfaisant ainsi son insatiable désir d'immortalité » ; cela engendre le sentiment de «l'honneur de la famille7(*) ». Ainsi, les membres d'une famille ne peuvent agir de manière individuelle sans penser aux conséquences pour la communauté familiale. Dès lors, les origines familiales et sociales influent directement sur la réussite d'un individu et vice versa. L'individu et le groupe sont interdépendants. On enseigne aux jeunes générations l'idée «d'apporter sa contribution » et de « faire honneur aux ancêtres en réussissant socialement8(*) ». C'est un moyen de remercier les parents du don de la naissance. Si le respect de la piété filiale implique une conduite qui dépasse le lien familial, c'est l'interdépendance de l'individu avec son groupe familial qui dicte sa conduite envers autrui. À cet égard, le respect dû à la famille ne pourrait supporter de faire perdre la face à l'ensemble du groupe familial. Cette valeur est au coeur de l'organisation social de la population chinoise et est essentielle à la survie des membres de la famille dans une société qui ne possède pas de structure institutionnelle d'assurance maladie ou de retraite. Dans le processus de migration, cet attachement au groupe est primordial. Les chinois qui partent sont l'objet d'attentes du groupe qu'il ne faut pas trahir. C'est parfois la famille qui rassemble les fonds pour le départ, ce qui induit chez le migrant une « obligation de résultat ». Un migrant chinois n'avouera jamais à quel point la vie est difficile en France et ne correspond pas à l'image édulcorée entretenue au pays. Cette image, les migrants l'alimentent eux-mêmes en envoyant des images, des vidéos de mariage par exemple9(*) représentant leur réussite fictive. Aussi, 100 euros envoyés à la famille en Chine représente là-bas 1 mois de salaire selon les secteurs d'activité, cela crédibilise la « réussite » des migrants et le rêve d'une migration réussie. * 6 Zheng Lihua, Les Chinois de Paris et leurs jeux de face, L'Harmattan, Paris, 1993 * 7 Lin Yutang, La Chine et les Chinois, Payot et Rivages, Paris, 1997 * 8 Gui Yuhua, Disputes au village chinois, Maison des Sciences de l'Homme, Paris 2001 * 9 Un documentaire de 48 mn a été tourné par Lee Show-Chun montrant cela, celui-ci s'intitule : « Ma vie est mon vidéo clip préféré », 2004, visionnable à la BNF |
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