L'intégration républicaine à l'épreuve du lien communautaire: l'exemple des migrants Chinois( Télécharger le fichier original )par Romain Hem-Reun Institut régional du travail social Paris Parmentier - Diplôme d'état d'assistant de service social 2011 |
IV. Outils de vérificationIl s'agira, afin de vérifier cette hypothèse de travail, d'aller sur le terrain et de mener une enquête auprès du public concerné. La question de recherche que nous avons faite émerger élargit le public cible à l'ensemble des migrants. La problématique de l'écart culturel n'est pas spécifique aux migrants chinois. Il ne s'agit donc pas du public mais des publics dont font aussi partie les professionnels de l'action sociale, assistants sociaux, éducateurs spécialisés, moniteurs éducateurs etc. Les associations communautaires sont des terrains de choix car elles représentent un sas de rencontre possible entre communauté et société d'accueil. Les bénévoles et salariés de ces associations sont donc également concernés. Dans le triangle migrants - institutions - associations, il s'agira de recueillir des données qualitatives par des entretiens semi-directif orientés par des grilles d'entretien spécifiquement conçus pour chaque public. Une place sera également donnée aux données subjectives par des entretiens ouverts. Il nous semble important dans cette enquête de tenir compte du ressenti du public, autant professionnels que migrants. Face au phénomène de disqualification ressenti par les migrants confrontés à la société d'accueil et à l'impuissance des professionnels de l'action sociale devant cette incompréhension réciproque et l'incapacité à effectuer leur mission, la prise en compte de données subjectives peuvent être d'une réelle utilité. Nous aurons soin d'interroger de manière spécifique les primo-arrivants, les migrants de longue date et isolés ayant des problématiques d'insertion, les migrants économiquement intégrés mais pas socialement et les enfants de migrants nés sur le territoire. Nous interrogerons également les mineurs isolés étrangers. Chez les professionnels, les ethnopsychiatres et les médiateurs feront partie du panel des personnes avec le personnel associatif, faisant le pont entre migrants et société d'accueil. V. ConclusionLa question de l'immigration est devenue en quelques décennies centrales dans la vie de la population française. Elle touche tous les champs, qu'il soit politique, social, économique, culturel, philosophique etc. Dans un contexte de mondialisation, cette question intéresse l'ensemble des sociétés modernes. La question chinoise dans ce contexte alimente les craintes. En 1897, déjà, Jacques Novicow, sociologue russe d'expression française écrit : « Le Péril Jaune », expression encore bien connue aujourd'hui. Il y étudie l'impact de la représentation des chinois. Celle-ci est donc perçue comme menaçante pour la civilisation occidentale : « « Partout où l'ouvrier chinois ou même nègre est en concurrence avec l'ouvrier blanc, dit M.E Faguet, celui-ci est vaincu »(...) Les chinois sont quatre cent millions. Théoriquement ils peuvent mettre trente millions d'hommes sur pied de guerre. (...) Le « Péril jaune » vient surtout de l'ouvrier chinois qui se contente de cinq sous. ». Plus récemment, le 9 mars 2011, Philippe Plassart dans le Nouvel Economiste écrit un article titré également « Le péril jaune ». Dans cet article, le journaliste s'interroge sur le futur leadership économique mondial et l'impact que cela aura. La Chine a de tout temps été l'objet d'interrogations et de craintes. Aussi la question de leur émigration inquiète. La population chinoise ne représente pourtant qu'une faible partie de l'ensemble des immigrés présents en France (4,4%) et une infime partie de la population totale (0.3%)36(*). Jusqu'à la fin des années 90, les chinois jouissaient d'une réputation plutôt positive, perçus comme des personnes calmes, travailleuses, économiquement intégrés, mais fermés et restant entre eux. Depuis une dizaine d'années, la population est davantage observée. Leur inclusion au sein de la société pose question. Si les services d'actions sociales institutionnels ne voient que peu d'usagers chinois, ces derniers n'échappent pas aux problèmes sociaux. La majorité d'entre eux sont pris en charge par une communauté chinoise depuis longtemps organisée dans un processus migratoire commençant dans le pays d'origine et ayant cours tout au long du séjour dans la société d'accueil. Les études montrent que ce phénomène ne relèverait pas de la culture chinoise mais serait une stratégie d'adaptation, une stratégie de survie. La nuance est importante car la communauté chinoise véhicule beaucoup d'a priori aujourd'hui devenu négatifs. L'intégration des migrants chinois est aussi devenue un défi pour la République, pris entre ses principes fondamentaux d'unité et d'indivisibilité et par conséquent ne reconnaissant pas l'existence des minorités ethniques. Ce qui pose problème dans la prise en charge de ces personnes car la prise en compte de déterminants culturels s'avère indispensable pour qu'un lien se mette en place. C'est notamment le cas dans la prise en charge d'une assistante sociale ou d'un éducateur spécialisé. Ainsi, une connaissance réciproque des migrants et de la société d'accueil limite la défiance que les deux parties peuvent se vouer. Pour ce, les associations communautaires représentent un sas de communication pouvant créer des passerelles. La question de l'intégration dépasse évidemment celle des migrants chinois et concerne l'ensemble des migrants. Ce travail sur les migrants chinois peut être effectué sur les populations pakistanaises, tamoules, cubaines etc. toutes ces communautés possédant des traits culturels différents et des typologies migratoires différentes. Elles vivent l'intégration républicaine de manières différentes en fonction de leurs spécificités culturelles. Ce travail sur cette thématique m'a permis de répondre à la question de l'antinomie apparente du travail en partenariat avec les communautés et du cadre républicain. J'ai notamment compris que l'égalité n'est pas incompatible avec la différence et que celle-ci n'est pas proscrite ni à proscrire dans le cadre privé comme dans le cadre public. La question républicaine est également intéressante et revient au centre des débats politiques et philosophiques. Le fait de reconnaître ou non l'existence des minorités ethniques est en débat, même si fondamentalement la République ne peut revenir sur ces principes fondateurs. Dans ces débats le parallèle avec les sociétés anglo-saxonne, américaine, anglaise ou canadienne. Cependant, les comparaisons ne tiennent pas, car le développement de nos sociétés respectives s'est effectué de manières tout à fait différentes. Les Etats-Unis et le Canada ont par exemple développé une politique social autour de la notion d'empowerment où les minorités ethniques prennent en charge l'action sociale au sein de leur propre communauté. C'est probablement une évolution que la République ne connaîtra jamais. * 36 Véronique Poisson, Gao Yun, op. cit. |
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