B. Le processus
d'intégration des migrants chinois : une collaboration entre l'espace
communautaire et l'espace républicain
La communauté chinoise nous l'avons vu, a une emprise
forte sur ses membres. Le processus migratoire mis en jeu et définissant
une organisation historiquement établie est un obstacle majeur à
cette intégration au sein de l'espace républicain. Dans ce jeu de
société, communauté et république ne font pas bon
ménage. Dès lors, comment l'intégration des migrants
chinois est-elle possible ? Si elle l'est, comment la République et
l'action sociale qu'elle met en oeuvre s'organisent-t-elles ? C'est
l'objet de cette deuxième partie.
1. Point de vue psychologiques
et sociologiques sur la migration
m) Le point de vue de la psychologie
D'après Alain Moreau, le phénomène
migratoire a une double dimension. Il y a la mise en jeu d'une culture
d'origine et d'une culture d'installation. Reprenant Carmel Camilleri, que
l'homme s'adapte à son nouveau cadre de vie : « La
culture n'est pas une entité figée et surdéterminante dont
le migrant serait la créature soumise et impuissante. Bien au contraire,
celui-ci apparaît comme acteur de sa vie, au sein d'une culture qui ne
lui est pas familière, il va donc développer des
stratégies lui permettant de résoudre les difficultés
liées à sa personne et aux situations dans lesquelles il se
trouve placé du fait de sa condition d'immigré ».
Pour Toby Nathan, l'adaptation à un nouveau cadre de
vie ne se fait pas aussi simplement. En effet « émigrer,
c'est perdre l'enveloppe de lieu, de sons, d'odeurs, de sensations de toutes
sortes qui constituent les premières empreintes sur lesquelles s'est
établi le codage du fonctionnement psychique. L'émigration
consiste donc à modifier l'enveloppe tout en tachant de préserver
l'identité du noyau ». Il ajoute
« l'expérience montre que cette entreprise à
laquelle se livre tout migrant est la plupart du temps vouée à
l'échec ».
Ces deux points de vue différents montrent que les
phénomènes liés à l'immigration provoquent des
bouleversements identitaires.
Alain Moreau pense que « tout groupe
d'immigrés tente toujours de reconstituer un cadre culturel similaire
à celui du pays d'origine ». Il constate que
« lorsqu'un groupe humain numériquement important quitte
son pays d'origine pour s'établir dans un nouveau pays, il tend à
reproduire, dans ce contexte spatio-temporel bien particulier, une culture
spécifique que l'on peut qualifier de culture de
l'émigration-immigration, ou encore de culture de l'entre
deux ». Cette troisième culture est composé de
trois sortes d'éléments culturels : ceux de la culture
d'origine maintenus tels quels ; ceux empruntés tels quels à
la culture du pays d'installation et surtout des éléments
culturels originaux. Ces derniers « ont été
transformés et remodelés dans le contexte de
l'immigration ».
Ainsi, les traits culturels que la conscience collective
prête souvent à la communauté chinoise seraient le fruit
d'une construction identitaire bâtie dans un entre-deux culturel, entre
« l'ici et là-bas ».
Geneviève Vinsonneau, directrice d'études et de
recherches en psychologie interculturelle à l'université de Paris
V, pense également que les migrants se fabriquent une culture afin de
réduire leur anxiété face à un monde qu'ils ne
connaissent pas : « ils bricolent les codes culturels
afin de réduire leur anxiété de s'adapter au monde
où ils se trouvent, et ils se livrent à des manipulations
symbolique. Cela touche en particulier les valeurs familiales et
religieuses ».
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