Deuxième partie
REVUE DE LITTERATURE ET DEMARCHE
METHODOLOGICUE DE RECHERCHE
CHAPITRE V : ETAT DE LA PAUVRETE ET DE LA
MICROFINANCE
Sur la base des études scientifiques récentes,
la revue de littérature s'est surtout intéressée ici
à l'état de la pauvreté au Bénin et à celui
de la microfinance tant au Bénin, en Afrique que dans le monde.
5.1 - La pauvreté au Bénin
Au Bénin, plusieurs études ont été
réalisées pour appréhender le phénomène de
pauvreté afin d'y développer des stratégies
adéquates de lutte. Les premières sont celle de J-P. Lachaud et
de M. Tovo.
En effet, dans son étude sur `'la
pauvreté au Bénin : éléments
d'analyse», Lachaud (1994) a été l'un des
pionniers qui a pu établir un profil de pauvreté au Bénin.
Cette étude s'est fondée sur des données de
l'enquête budget consommation (EBC) de 1986-87. La pauvreté a
été assimilée à une situation dans laquelle une ou
plusieurs personnes ne peuvent atteindre un niveau de bien-être
matériel correspondant à un minimum acceptable. La
pauvreté ainsi définie soulève deux questions : un
problème d'identification et un problème d'agrégation.
Après avoir exposé différentes approches sur le concept du
bien-être, Lachaud recommande l'utilisation des dépenses de
consommation comme mesure du bien-être. Mieux encore, après
l'expérimentation de plusieurs indicateurs, c'est la consommation par
tête ajustée qui a été privilégiée
comme indicateur permettant une meilleure sélection des
individus/ménages pauvres. Ainsi pour établir le profil de
pauvreté, Lachaud a- t- il- distingué trois seuils ou lignes de
pauvreté à savoir :
1) un seuil équivalant aux deux tiers de la moyenne de
la consommation par tête ajustée par équivalent-adulte. Ce
seuil était estimé à 53.366 F.CFA par an en 1986
;
2)
un seuil qui équivaut au tiers de la moyenne de la
consommation annuelle par tête ajustée soit 26.683 F.CFA en 1986
qui permet d'analyser l'extrême pauvreté et enfin ;
3) une ligne de pauvreté par rapport aux besoins
nutritionnels en référence à un panier de biens
représenté par un bien unique qu'est le riz et sur la base d'un
besoin journalier de 2.400 Kcal par adulte. Il en sort un seuil de 74.880
F.CFA/an/équivalent-adulte.
Sur la base de ces résultats, Lachaud aboutit à
une spatialisation qui identifie le Nord rural ou urbain comme une
région très vulnérable en termes de pauvreté, en
particulier la pauvreté extrême. La pauvreté affecte plus
les campagnes que les villes.
Après Lachaud, c'est Tovo(1995) qui s'est
illustré à travers son titre `'Réduire la
pauvreté au Bénin». Selon Tovo, le seuil de
pauvreté avant la dévaluation est évalué à
39.286 F.CFA sur la base du coût des besoins essentiels.
Selon ses estimations, 15% de la population serait en dessous de ce seuil. Tovo
présente les interrelations entre la pauvreté et l'état de
l'environnement. En faisant référence au Plan d'Action
Environnemental (PAE) qui estime le coût économique de la
dégradation de l'environnement à 3 voire 5% du PIB, il met
l'accent sur la notion de vulnérabilité. Il la définit
comme un indicateur de probabilité d'exposition à la
pauvreté ou à l'appauvrissement. Il identifie quelques
groupes vulnérables à savoir les ménages ayant une
femme comme chef de ménage, les personnes âgées,
les enfants en situation difficile, les familles de pêcheurs, les
ménages d'agriculteurs à faibles moyens de production, les
fonctionnaires déflatés et les jeunes diplômés sans
emploi. Par rapport à la dévaluation, Tovo affirme que
l'après dévaluation a été une période
difficile pour le béninois moyen. Des premières informations
recueillies par ce dernier, l'incidence de la dévaluation a
été forte parmi les citadins pauvres. Les revenus nominaux de
ceux travaillant dans le secteur informel semblent avoir diminué en
moyenne de 30 à 50%. On s'attend donc que la dévaluation du franc
CFA de 50% (en devises étrangères) produise un impact positif
important à long terme, dont l'atténuation de la
pauvreté.
En un mot, Pour Tovo, au nombre des
conditions nécessaires à la mise en oeuvre efficace d'une
stratégie de lutte contre la pauvreté au Bénin on peut
citer:
- la conception des interventions du bas vers le haut ;
- la participation des populations ;
- le renforcement du pouvoir des communautés ;
- l'allègement des contraintes institutionnelles et
juridiques dans
le domaine du régime foncier et de l'égalité
entre hommes et femmes;
- le renforcement des mécanismes de surveillance de la
pauvreté.
Par ailleurs, Tovo insiste également sur quelques
domaines d'intervention comme le secteur productif et la création
d'emplois, l'éducation, la démographie, l'eau potable et
l'assainissement. L'étude insiste également sur l'importance des
interventions ciblées et la décentralisation, ainsi que le
renforcement des capacités de la société civile.
Toujours dans la perspective de comprendre davantage les
déterminants de la pauvreté, les institutions comme le
PNUD, le MDR, et l'INSAE ont réalisé entre 1995-96, et 1999-2000
les premières éditions de l'étude sur les
conditions de vie des ménages béninois. Il s'agit des
Etudes sur les Conditions de Vie des ménages Ruraux
(ECVR). Ces études ont été conduites en milieu rural comme
en milieu urbain. Le milieu rural a été stratifié en huit
(8) zones agro-écologiques (Zone AE), tandis que le milieu urbain est
représenté par les principales villes à savoir, Cotonou,
Porto-Novo, Parakou, Abomey-Bohicon. A partir d'un module dépense il a
été possible d'établir un profil de pauvreté
monétaire. Ce profil comporte trois seuils de pauvreté à
savoir : (i)le seuil de pauvreté alimentaire (SPA) calculé
à partir d'un panier de biens alimentaires établi sur la base
d'un régime alimentaire et nutritionnel équilibré et un
besoin énergétique journalier de 2.400kcal par adulte, (ii) le
seuil de pauvreté non alimentaire (SPNA) estimé à partir
du rapport
entre les dépenses réelles alimentaires et non
alimentaires des ménages et enfin (iii) le seuil de pauvreté
global (SPG) qui est la somme des deux précédents.
En milieu rural, le seuil de pauvreté alimentaire
était de 38.800 F.CFA. L'incidence de la
pauvreté alimentaire est de 17%. L'incidence de la pauvreté
globale y est de 33% avec 24% de ménages vulnérables. Par rapport
à la saisonnalité, la période la plus critique se situe en
septembre-novembre avec une incidence de 24% de ménages pauvres. La
corrélation entre la possession ou non d'un actif et le niveau de
pauvreté paraît inexistante car les ménages ruraux ont
déclaré très peu d'actifs. Le ratio du déficit de
dépenses dans le milieu rural est de 31%. Autrement dit les
ménages arrivent, en moyenne, à subvenir à 69% de leurs
besoins vitaux.
En milieu urbain, le seuil de pauvreté global est
estimé à 144.300 Fcfa par an par équivalent-adulte
avec une variation sensible d'une ville à l'autre. L'incidence
de la pauvreté globale y est de 33% avec 23% de ménages
vulnérables. Le lien étroit entre la pauvreté urbaine et
l'emploi est mis en exergue par un taux de chômage et un taux de
sousemploi relativement plus élevés chez les pauvres (taux de
chômage de 5,2% contre 3,8% et taux de sous-emploi de 27,9% contre
23,9%). Sur l'ensemble des quatre villes-échantillons, Cotonou
était la plus touchée avec une incidence de la pauvreté
globale de 38%. Cotonou est la ville la plus urbanisée du Bénin
et le revenu moyen y est le plus élevé (230.228 F.CFA).
L'incidence de la pauvreté globale paraît positivement
reliée au degré d'urbanisation.
Après les ECVR et dans le souci de bâtir une
nouvelle stratégie efficace de réduction de la pauvreté,
une enquête d'envergure nationale a été
réalisée en 2006. Il s'agit de l'Enquête
Modulaire Intégrée sur les Conditions de Vie des
ménages(EMICoV). Cette enquête avait pour objectif
d'évaluer l'ampleur de la pauvreté, d'identifier ses
caractéristiques ainsi que ses déterminants afin
d'affiner les politiques de lutte contre la pauvreté. La pauvreté
monétaire analysée selon les indicateurs habituels d'incidence
(P0), de profondeur (P1) et de sévérité (P2) se
présente comme suit :
Tableau I: Evolution des indices de
pauvreté entre 2002 et 2006
|
2002
|
|
|
2006
|
|
Milieu de résidence
Urbain Rural Ensemble
|
P0
|
P1
|
P2
|
P0
|
P1
|
P2
|
23,6
|
0,107
|
0,069
|
27,2
|
0,11
|
0,06
|
|
0,11
|
0,058
|
|
0,149
|
0,075
|
31,6
|
40,6
|
|
|
28,5
|
0,109
|
0,062
|
37,4
|
0,138
|
0,071
|
Source : EMICoV 2006
Cette enquête réalisée entre août et
novembre 2006 auprès de 7440 ménages urbains et 10560
ménages ruraux par l'Institut National de la Statistique et de l'Analyse
Economique (INSAE) a eu le mérite d'appréhender la
pauvreté de 3 manières :
1. la pauvreté monétaire qui dépend du
revenu du ménage fixé à un seuil. Les seuils sont
calculés en fonction d'une enquête de prix des biens et services
disponibles dans chaque commune. Par exemple le seuil de pauvreté
à Cotonou est annuellement de 236 330 FCFA / tête, soit
0,99 € par jour et par tête. Dans la commune rurale
d'Adjarra il est 132.728 f cfa / tête et par an en
2009
2. la pauvreté non monétaire dépend des
conditions de vie et des actifs du ménage ;
3. la pauvreté subjective dépend de la
perception d'un ménage sur sa pauvreté. Elle s'explique par deux
facteurs à savoir les caractéristiques du ménage
(âge et niveau d'instruction du chef de ménage, revenus) et le
développement de sa sphère géographique (village, commune,
département). Cette troisième dimension laisse penser que le
développement des communes fournit un contexte significatif et positif
à la lutte contre la pauvreté des individus.
Cette approche multidimensionnelle a l'avantage de couvrir les
différents
éléments constitutifs de la pauvreté. Elle
permet aussi d'identifier le
noyau dur de la pauvreté.
Enfin, il faut noter qu'en dehors des études
pionnières et celles réalisées par des institutions de
références ci-dessus indiquées d'autres travaux
récents se sont intéressé à l'approche
multidimensionnelle de la question. C'est le cas des travaux de
Mèdédji et Djossou, (2007) sur `'les
différentes facettes de la pauvreté au Bénin».
Les résultats de leur étude ont montré
l'existence de la pauvreté non monétaire et le faible recoupement
entre les différentes formes de pauvreté. Ce qui confirme la
nature multidimensionnelle de la pauvreté au Bénin. La
caractérisation des populations pauvres suivant ces différentes
formes de pauvreté montre par ailleurs des profils aussi
différenciés.
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