4.2- Historique des politiques de lutte contre la
pauvreté dans le monde et au Bénin
Dans la littérature, les pratiques de lutte contre la
pauvreté trouvent leurs origines dans les sociétés
mésopotamiennes[16] plusieurs siècles avant le début
même de l'ère Chrétienne.
Mais dans la conception chrétienne, la pauvreté
est un état de fait qui, dans le cadre d'un monde régi par le
divin, ne peut être éliminée. Elle est souvent
perçue comme un châtiment et menace l'âme du chrétien
de l'oisiveté, mère de tous les vices. La lutte contre la
pauvreté passe donc par la remise au travail. Ainsi la pauvreté
n'est pas due à un
[16] La Mésopotamie est une
région du Moyen-Orient située entre le Tigre et l'Euphrate. Elle
correspond pour sa plus grande part à l'Irak actuel.
dysfonctionnement de la société mais aux individus
eux-mêmes.
En France par exemple, l'abbé de Saint-Pierre(1724)[17]
est l'un des premiers à réfléchir sous un jour nouveau
à cette question. Les XVIIe et XVIIIe
siècles apportent sur cette notion un grand bouleversement. La lutte
contre la pauvreté est désormais passée de
l'identification des causes des inégalités à la recherche
de la conciliation de l'utilité et de la philanthropie.
A cet effet, l'abbé de Saint-Pierre préconisa le
retour au travail comme moyen principal de la lutte contre la pauvreté
et dans le même temps contre un facteur d'entropie sociale. C'est dans
cet ordre de pensée qu'avait été mis en place le
système de l'hôpital général [18]. C'était
une stratégie d'internement forcé des pauvres qui avait pris un
essor extraordinaire et qui a affecté très rapidement l'ensemble
des Etats européens.
En 1575 en Angleterre, un acte d'Elisabeth I [19] a
institué des établissements visant « la punition des
vagabonds et le soulagement des pauvres ». Les "Houses of correction" qui
auraient dues être présentes dans chaque comté vont laisser
la place aux workhouses qui, dans la seconde moitié du XVIIIe
siècle, trouveront leur véritable expansion. En Hollande, en
Italie, en Espagne, en Allemagne, des lieux d'internement de même nature
se sont multipliés.
Mais après un temps, cette politique d'enfermement
systématique des pauvres apparaît inhumaine et dangereuse au plan
sanitaire. Elle fut contestée par les philosophes des
`'lumières» et finalement abandonnée. Une évolution
dans la conception de la pauvreté a pris corps. La pauvreté
devient l'expression de dysfonctionnements dans la
[17] L'abbé de Saint-Pierre,
né le 18 février 1658 à Saint-Pierre-Église
(Manche) et mort le 29 avril 1743, Paris, est un écrivain, diplomate et
académicien français, précurseur de la philosophie des
Lumières.
[18] l'Hôpital
Général de Paris n'était pas un
établissement médical par destination mais un lieu de
renfermement des pauvres. Voulu par des dévots laïcs (la Compagnie
du Saint-Sacrement) sous le règne de Louis XIII, il entendait
résoudre le problème récurrent de la mendicité et
des cours des miracles
[19]
Elisabeth Ire d'Angleterre est
l'une des plus célèbres souveraines d'Angleterre.
Également nommée (( La reine vierge », (( Gloriana » ou
(( Good Queen Bess » par ses partisans, Élisabeth Ire
fut reine d'Angleterre, et d'Irlande du 17 novembre 1558 jusqu'à sa
mort. Elle parlait l'anglais, le latin, le grec, le français et
l'italien
société. Un traitement laïc et social de
celle-ci nécessite un questionnement de son origine et induit de
nouvelles réponses à partir du moment où le principal
facteur de la pauvreté est un facteur économique. Bien que le
discours moral ne soit pas absent des débats de l'époque, le
principe de la redistribution des richesses et des allocations devient possible
et même nécessaire aux nouveaux principes de la République.
Les personnes prises en charge sont des gens de catégorie
spécifique comme les veuves et les orphelins.
Mais, c'est surtout au milieu du XXe siècle
que certains Etats s'engagent dans un programme d'intervention directe et
massive, en prenant le contrôle des institutions privées (caisses
de retraite, assurances chômage) et en diversifiant les interventions.
A l'échelle mondiale l'Organisation des Nations Unies a
mis en place au cours de la seconde moitié du XXème siècle
un plan de réduction de la pauvreté au sein de ses Objectifs du
millénaire, ratifiés en 2000 par les Etats membres, et qui
constitue aujourd'hui une priorité mondiale. Le premier objectif du
millénaire se donne deux cibles :
1. « réduire, entre 1990 et 2015, la proportion
de personnes dont le revenu est inférieur à un dollar par jour,
ce qui concerne plus d'un milliard de personnes. » et
2. « une réduction des populations souffrant de faim
entre 1990 et 2015.
Au Bénin, les initiatives gouvernementales de lutte
contre la pauvreté se sont beaucoup plus intensifiées vers la fin
des années 80 après la crise économique qui a
secoué le pays au cours de la décennie 80 - 90. Parmi ces
initiatives, on peut citer le programme d'actions sociales d'urgence, la
stratégie de la dimension sociale du développement, le minimum
social commun, le plan d'orientation national, les stratégies de
réduction de la pauvreté et les orientations stratégiques
du développement.
Le programme d'actions sociales d'urgence lancé en 1989
était destiné aux groupes sociaux vulnérables ou
menacés. Ce programme prévoyait des mesures concrètes,
telles que l'intégration au marché du travail d'anciens
fonctionnaires «déflatés» sous le Programme
d'Ajustement Structurel(PAS) et des jeunes diplômés sans
emploi.
La stratégie de la dimension sociale du
développement avait pour objectifs (i) le renforcement des
politiques macro-économiques et sectorielles par l'intégration de
la dimension sociale du développement dans leurs stratégies ;
(ii) l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme
d'intervention ciblée en faveur des groupes vulnérables sur la
base d'une approche participative des populations concernées ; (iii)
la recherche et la maîtrise des causes de la pauvreté
à travers une observation dynamique des conditions de vie des
populations. Cette stratégie qui a pris corps en 1994 était
fondée sur les principes de la décentralisation, la
subsidiarité, la coordination des donneurs et la hiérarchisation
des interventions relatives à la pauvreté.
En 1997, le programme du Minimum Social Commun a
été mis en oeuvre à travers une phase pilote dans quelques
communes du Bénin. Ce programme était destiné à
répondre à cinq besoins essentiels: l'éducation,
l'accès aux services de santé, les capacités et
activités génératrices de ressources, la
sécurité alimentaire et la réhabilitation des routes de
campagne.
Le plan d'orientation national 1998-2002 quant à lui, a
été conçu dans la perspective d'obtention d'une croissance
économique dont le niveau serait à 6,7% en vue de lutter contre
la pauvreté par le biais d'une croissance du revenu par tête.
Les Stratégies de Réduction de la
Pauvreté(SRP) ont été mises en oeuvre entre 2003 et 2005
avant de devenir Stratégies de Croissance pour la Réduction de la
Pauvreté(SCRP) depuis 2007. Les objectifs fondamentaux de ces
stratégies se résument au renforcement des
politiques macro-économiques, à une
accélération des réformes structurelles et
institutionnelles, à la bonne gouvernance et à la promotion des
investissements privés d'une part et à une plus grande
priorité accordée aux secteurs sociaux, à travers une
allocation plus importante des ressources issues de la croissance et de
l'assistance extérieure d'autre part. C'est au coeur de ces SCRP que se
trouve aujourd'hui le programme de microcrédits aux plus pauvres qui est
l'objet de la présente étude dans la commune rurale d'Adjarra.
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