b) Prolifération d'un militantisme de la jeunesse au
coeur de ce mouvement, constitution du
parti des Kadihines.
Dans ce contexte de crise et de divergences
idéologico-politiques, apparait un mouvement étudiant
(présent en Mauritanie mais aussi dans d'autre pays tel que l'Egypte,
l'Irak, la France, ...). L'union des étudiants mauritaniens qui
comportait surtout les éléments maures, avec en parallèle
l'ASM (association des étudiants mauritaniens) qui était
négro-africaines. Les étudiants maures mettaient l'accent sur
l'arabité de la Mauritanie tandis que les négro-africains
étaient soucieux du caractère négro-africain de la
Mauritanie alimenté surtout par une peur de l'influence montante de
l'arabe et du recul de l'enseignement du français.
Le gouvernement mauritanien connaissait des difficultés
à réguler l'effervescence de ces mouvements contradictoires ce
qui accentuait la faiblesse du parti unique qui dirigeait le pays. De plus, le
seul revenu du pays : La Miferma (société de mine et de fer de
Mauritanie), véritable source de richesse pour le pays était une
société dominée par les européens (en particulier
par les
belges et les anglais) et la France, bénéficiant
ainsi des principaux revenue de cette société minière. Le
gouvernement mauritanien avait des accords militaires avec les autorités
françaises débouchant sur une très forte présence
de consultants français dans l'administration mauritanienne, si bien que
les mouvements naissants des étudiants reprochaient à l'Etat
d'être un gouvernement néo-colonial.
Ce qui a hâté la prise de conscience politique du
mauritanien fut la grève entreprise par les ouvriers de la Miferma, elle
a été réprimée par l'armée mauritanienne
dans le sang (plusieurs morts). C'est ainsi que les syndicalistes et les
étudiants ont commencé à percevoir le gouvernement comme
étant néo-colonial au service de la France. Ces mouvements au
départ corporatistes se sont petit à petit politisés, si
bien qu'à l'intérieur du pays le syndicat des enseignants, des
ouvriers, les étudiants et l'organisation des lycéens se sont
regroupés pour mener un travail politique contre le gouvernement en
place qu'ils accusaient d'être le valet de l'impérialisme
français .
Tout d'abord cette prise de conscience a permis la naissance
d'un mouvement contestataire nationaliste arabe sous l'influence du
Nassérisme égyptien, et du mouvement de Baath. Ce mouvement
nationaliste arabe luttait pour la promotion de la culture arabe, le
positionnement de la Mauritanie au sein des pays arabe voulant affirmer le
caractère arabe du pays contre lequel se dressaient les noirs qu'ils
appelaient « chauvins ».
Petit à petit dans les feux de la lutte, s'est
crée une conscience de la nécessité de dépasser les
clivages ethniques. Les mouvements syndicalistes et étudiants ont
opéré un glissement vers la Gauche, ils adoptent peu a peu des
idées socialistes pour se radicaliser au fur et à mesure vers des
idées communistes (s'inspirant de Marx et Lénine). Ils ont vu
dans l'idéologie marxiste une solution à la crise et aux
problèmes ethniques que traversait la Mauritanie. La reconnaissance
ethnique devenait le point de jonction entre les noirs et les arabes.
Les syndicats, l'élite des intellectuels et les
étudiants ont commencé à adopter les idées
marxistes, dépasser la notion d'arabe, de noirs, etc. Ils ne posent plus
le problème en terme ethniques mais en termes de classes sociales. La
contradiction n'est plus entre noirs et arabes mais entre le capitalisme
européen et les forces de travail. Une véritable approche
marxiste s'opère.
Ce mouvement fait boule de neige et s'étend, il devient
de plus en plus important et acquière de plus en plus d'adeptes. Le
parti des Kadihines a rallié et touché les couches populaires,
les marginalisés (les « haratines » qui sont les anciens
esclaves, les griots, les anciens esclaves, les artisans,...). Les
marginalisés par le système des castes se sont sentis
concernés par cette mouvance et c'est en conséquence qu'il
devient un mouvement populaire, il est dirigé par des intellectuels
marxistes qui se sont trouvé en opposition avec le mouvement
nationaliste arabe. Ce mouvement marxiste a été accusé par
le mouvement arabe (mis de coté) de mettre en avant les noirs et
d'oublier l'arabisation qui, rappelons le, est leur cause principale.
Le mouvement des Kadihines s'est répandu dans les zones
précarisées (bidonvilles etc.), touchant ainsi une grande part de
la population ce qui a permis de dépasser les clivages ethniques. Parmi
ses principales avancées, ce parti a exercé une forte pression
sur le gouvernement pour l'adoption de politiques beaucoup plus patriotiques,
si bien qu'il a amené le pouvoir en place à réviser les
accords militaires avec la France . Un ensemble de changements s'est
opéré également suite aux revendications des Kadihines :
La nationalisation de la Miferma en 1974 (devenue la SNIM), la création
de la monnaie nationale, la reconnaissance de la pluralité
ethnique,...Suites à ces bouleversements socio-politiques, un grand
nombre de jeunes ont intégré ce parti. C'est ainsi qu'une grande
part des anciens Kadihines ont estimé que le gouvernement ayant
opéré d'importants changements qualitatifs pour le pays
justifierait son intégration et sa collaboration avec le parti. Suite
à cela, un grand nombre d'anciens Kadihines se sont ralliés au
parti au pouvoir, le PPM (Parti pour le peuple mauritanien).
Les Kadihines qui ont intégré le parti de Moktar
ould Daddah (le PPM) ont perdu leur combativité, le président a
su rallier à son parti une force gauchiste considérable suivi
d'une politique d'arabisation ; ce qui provoqua l'implosion du PK donnant
naissances à deux partis : Le mouvement national
démocratique24 (MND) et l'Alliance mauritanienne des
démocrates (AMD). Une grande part des Kadihines négro africains
ont rejoint le parti de l'AMD et du Flam25.
24. Minorité très active sur le plan politique et
qui existe toujours aujourd'hui.
25? Pati luttant contre les discriminations raciales et
l'esclavage des noirs en Mauritanie
C'est donc une tendance qui existe encore, active mais pas
avec la même ampleur. Les anciens Kadihines ont tous le sentiment d'avoir
participé à un grand tournant de l'Histoire politique de la
Mauritanie.
Les Kadihines ont constitué un réservoir pour
tous les pouvoirs qui se sont succédés dans la mesure où
ils sont restés très actifs dans le paysage politique
mauritanien. Ils sont devenus des caméléons politiques, ils se
sont accommodés aux différents régimes qui ont
dirigé la Mauritanie. Même si le marxisme n'est plus d'ordre, il
est resté une certaine vision du politique et un esprit d'organisation
propre à eux.
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