3. ETUDES SUR LA VIABILITE, L'ETAT VIABLE NON
CULTIVABLE ET LA RESSUSCITATION
L'état VNC est une stratégie mise en place par
les cellules pour survivre en condition de stress extérieur. Cette
hypothèse implique que cet état soit transitoire et
réversible. De nombreuses études sont menées sur le
phénomène de ressuscitation..
3.1 La ressuscitation
La forme la plus simple de retour à l'état
cultivable se produit lorsque les conditions sont favorables à la
croissance. Une exposition à une température favorable peut
suffire à lever l'état VNC (Whitesides M.D., Oliver J.D., 1996
[43]). Cependant ce cas n'est pas généralisé, de nombreux
germes nécessitent des conditions particulières pour la
levée de l'état VNC. Ces conditions dépendent des germes
étudiés, il est donc nécessaire de traiter des exemples
d'études sur des germes particuliers.
Certaines études montrent l'effet d'agents antioxydants
ou anti-ROS (Réactive Oxygen Species). Les cellules à
l'état non cultivable ont un métabolisme réduit, certains
gènes ne sont pas exprimés. Dans l'étude menée par
Kong et al., les auteurs émettent l'hypothèse que Vibrio
vulnificus perd sa capacité à réduire l'H2O2 en
raison de l'absence de synthèse de l'enzyme catalase. Les ROS,
n'étant plus dégradés, deviennent toxiques et
létaux pour les cellules cultivées sur milieux riches. Ce
phénomène est d'autant plus vrai sur milieu gélosé
où ces agents toxiques ne peuvent diffusés comme dans le cas
d'une culture en milieu liquide. Cette hypothèse est
vérifiée par l'intermédiaire d'un mutant dépourvu
d'activité catalase (oxyR-). Ce dernier est incapable de former
des colonies sur milieu HIA, il retrouve cette capacité lorsque le
milieu est supplémenté avec une catalase ou du pyruvate de sodium
(antioxydant) (Kong I.-S. et al., [20]).
Une autre étude a été menée dans
ce sens, montrant l'effet de la ferrioxamine E, molécule
sidérophore permettant l'importation de fer dans la cellule. Le fer
permet de réduire la production de ROS et donc de réduire les
dommages causés aux cellules par ces molécules. En utilisant la
ferrioxamine E les auteurs ont réussi à obtenir un taux de
cellules ressuscitées élevé en culture liquide (Reissbrodt
R. et al. 2002 [35]).
![](Analyse-des-bacteries-non-cultivables32.png)
Outres ces effet de l'oxydation sur les cellules d'autres
facteurs entre en jeu pour le retour à un état cultivable :
Le cas de Legionella pneumophila a été
étudié par Michael Steinert et al., ce germe pathogène
pour l'homme est aussi parasite de certains protozoaires. Dans leur
étude, l'équipe décrit un retour à l'état
cultivable de Legionella pneumophila après avoir
été en contact avec Acanthamoeba castellanii, un
protozoaire hôte de Legionella (Steinert M. et al., 1997 [39]).
L'hôte permet aux germes de se multiplier mais aussi d'être
transportés vers un environnement où les conditions sont plus
favorables.
Le retour à un état cultivable de Legionella
pneumophila est également possible après incubation dans des
jaunes d'oeuf fécondés (Hussong D. et al., 1987 [14]). Ce
résultat a été reproduit chez d'autres espèces :
sur Campylobacter jejuni (Cappelier J.M. et al., 1999 [7]),
Listeria monocytogenes (Cappelier J.M. et al., 2007 [6]) et sur
Salmonella enterica (Dhiaf A., A. Bakhrouf., 2004, [11]).
Les études citées ci-dessus soulignent l'importance
de l'environnement sur le caractère cultivable des bactéries.
D'autres études présentent des résultats allant en ce sens
:
Reissbrodt et al. ont montré l'effet de
molécules baptisées « heat-stable autoinducer ». Ces
molécules sont sécrétées par les
entérobactéries en présence de norepinephrine. Cette
hormone stimule la croissance en simulant l'environnement des
entérobactéries hôtes des intestins des mammifères
(Reissbrodt R. et al. 2002 [35]).
Dans cette approche de l'importance de l'environnement de la
bactérie, une étude a été réalisée
sur l'importance de la flore environnante. Le principe de l'étude est de
recréer artificiellement l'environnement naturel des germes non
cultivable y compris la flore bactérienne. Ainsi les auteurs montrent
l'interdépendance de deux types de germes, l'un ne pouvant se
développer qu'en présence de l'autre (Kaeberlein T. et al., 2002
[16]).
Ces résultats de co-cultures ont été
repris par une autre équipe et ont mené à la
découverte de petits peptides agissant comme des facteurs de croissance
en induisant la division des germes voisins. Cette étude a
été réalisées à l'aide de boite de
pétri compartimentées et pouvant laisser diffuser les
molécules. (figure 9). (Nichols D. et al., 2008 [28])
![](Analyse-des-bacteries-non-cultivables33.png)
![](Analyse-des-bacteries-non-cultivables34.png)
Figure 9 : (A) boite de pétri compartimentée,
(B-C) co-culture avec croissance des germes induit aux contours
du compartiment central contenant une bactérie
sécrétant un signal de croissance , (D) Le compartiment central
est vide (témoin négatif), aucune culture dans le compartiment
des bactéries à induire, (E) cellule seule, aucune
croissance n'est observée. (Nichols D. et al., 2008 [28])
Cette étude révèle donc l'existence de
facteurs, de signaux peptidiques utilisés par les bactéries pour
communiquer. Extraites de leur contexte naturel et en l'absence de signaux
extérieurs certaines bactéries de l'environnement ne sont pas
capable de se développer en milieu artificiel.
La complexité des facteurs de croissance bactériens
explique en partie pourquoi tant de bactéries présentent dans
l'environnement ne peuvent être isolées sur milieux de culture.
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