II.1.3. Statut des femmes congolaises dans le domaine de
la santé
Il est à noter que le statut défavorable des
femmes congolaise dans le domaine de la santé a un lien avec
l'instruction, le pouvoir économique, la prise de décision, voire
les rapports sociaux des sexes et les politiques publiques dans ce domaine.
Tous ces aspects ont des effets sur le comportement des femmes dans le domaine
sanitaire. Ils contribuent ou non à modifier les tendances des femmes
dans leurs accès aux soins de santé, à l'information ou
encore dans leur appropriation des mesures sanitaires bénéfiques
à leur vie.
Le rapport du Bureau de l'OMS en RDC pour l'année 2010
prouve que la mortalité maternelle est très élevée
en RDC. Pour la période de 0-4 ans, le taux de mortalité
maternelle est estimé à 549 décès maternels pour
100 000 naissances vivantes. Le risque de mortalité maternelle sur la
durée de vie, calculé à partir du taux de mortalité
maternelle est de l'ordre de 0,034, ce qui signifie en d'autres termes, qu'en
RDC une femme court un risque d'environ 1 sur 29 de décéder pour
une cause maternelle durant les âges de procréation. Seulement,
les mesures en termes de prise en charge des femmes, d'information, de
sensibilisation, de renforcement des capacités du personnel, pour
réduire cet état de chose semblent faibles. Ce qui demande
l'implication de tous les acteurs qui militent pour la question de Genre ;
en fait le domaine de la santé par rapport à la question de
Genre, devraient tenir compte des besoins spécifiques et
stratégiques des femmes dans le domaine de la santé pour
l'élaboration des politiques appropriées.
Dans la ville de Kindu par exemple, en ce qui concerne les
attitudes et comportements en rapport avec le VIH/SIDA, le manque
d'éducation, l'accès réduit aux médias et au centre
de formation en la matière par les femmes, les rendent moins accessibles
aux informations sur le SIDA. Aussi, les stéréotypes
collés aux malades de SIDA produisent chez les femmes des attitudes
négatives tant pour les tests volontaires que pour la recherche de
l'information. La société est plus dure envers les femmes
porteuses de SIDA, ou encore envers celles qui ont un intérêt
particulier de la question, qu'envers les hommes. Ainsi, malgré la
connaissance du SIDA, des réticences persistent à plusieurs
niveaux en ce qui concerne l'appropriation d'approches de prévention et
de prise en charge du SIDA. Ce qui empiète sur la connaissance
complète de la question.
Selon le Ministère National de la santé en RDC,
la quasi-totalité des congolais ont entendu parler du VIH/sida (92 % des
femmes et 97 % des hommes) ; cependant, seulement 15 % des femmes et 22 % des
hommes de 15-49 ans peuvent être considérés comme ayant une
connaissance « complète » du sida. La possibilité de
transmission du VIH de la mère à l'enfant par l'allaitement est
connue par 55 % des femmes et 53 % des hommes ; mais seulement 14 % des femmes
et 15 % des hommes savent que le risque de transmission du VIH de la
mère à l'enfant peut être réduit par la prise de
médicaments spéciaux pendant la grossesse. Le
niveau global de tolérance envers les personnes vivant avec le VIH est
faible : seulement 6 % des femmes et 11 % des hommes feraient preuve de
tolérance.
L'usage des préservatifs à Kindu est en grande
partie décidé par l'homme. Les femmes ont une faible marge de
décision sur l'usage de préservatif. La supériorité
de l'homme dans la prise de décisions rentre même dans la
sphère des préventions, qui met par ce fait la vie des femmes en
danger ; elles ne sont pas toujours responsables même dans la
sexualité.
Au cours des 12 derniers mois ayant
précédé l'EDS, 19 % des femmes et 44 % des hommes de 15-49
ans ont eu des rapports sexuels à hauts risques (rapports sexuels avec
un partenaire extraconjugal et non cohabitant). Parmi eux, 17 % des femmes et
27 % des hommes ont déclaré avoir utilisé un condom au
cours des derniers rapports sexuels à hauts risques. Lors des derniers
rapports sexuels prénuptiaux, 16 % des jeunes femmes et 26 % des jeunes
hommes ont utilisé le condom.
Le constat est que les femmes utilisent moins les
préservatifs que les hommes. Question de soumission aveugle à
l'homme quel qu'en soit le risque. Ce qui a un lien avec la violence
domestique. Près de deux femmes sur trois (64 %) ont
déclaré avoir subi des violences physiques à un moment
quelconque de leur vie depuis l'âge de 15 ans et près de la
moitié (49 %) au cours des douze mois ayant précédé
l'enquête. Toutes les catégories de femmes sont touchées
par les violences domestiques. Dans 74 % des cas, l'auteur des actes de
violences est le conjoint actuel ou précédent ; fait de la
domination masculine.
En ce qui concerne l'accès aux soins de santé on
constate par exemple à Kindu que l'incapacité de consulter
un médecin ou autre personnel qualifié ainsi que
l'inaccessibilité aux soins existe soit parce que le prix est
élevé, soit les produits sont rares ou que la distance qui
sépare les malades d'une structure de santé sont grandes. Ce sont
autant des facteurs de la pauvreté.
Les femmes sont dans la plupart des cas les plus
concernées, pourtant, en cas de grossesse par exemple, les consultations
prénatales de qualité sont indispensables pour assurer la
vaccination des mères contre le tétanos et pour détecter
précocement et prendre en charge les complications potentielles et les
facteurs de risques pendant la grossesse et l'accouchement notamment la
pré éclampsie, l'anémie, les maladies
sexuellement transmissibles et la transmission du VIH/SIDA de la mère
à l'enfant. Elles permettent ainsi de prévenir les
décès maternels.
Le taux des femmes âgées de 15 - 49 ans qui ont
consulté le personnel qualifié est de 73,0 %. Des études
ponctuelles réalisées dans les milieux ruraux ont montré
que des coûts des services de santé ont un effet appauvrissant sur
les populations. En effet, 24,0 % des patients ont vendu leurs biens et 18,0 %
se sont endettés pour faire face aux coûts de soins de
santé. Une étude menée par une ONG a
déterminé que 30,0 % des patients ont vendu leurs biens et 15 %
se sont endettés pour faire face aux coûts de soins de
santé. Quand on met ceci avec la féminisation de la
pauvreté on peut bien voir à quel niveau les femmes sont les plus
exposées dans ces conditions.
Bien que le taux de la couverture des soins prénatals
soit de 73 ,3 %, des disparités persistent entre les milieux ruraux
et urbains, aussi entre les femmes qui ont étudié et celle dont
le niveau d'instruction est faible.
Le rapport annuel de la Division Provinciale de la
Santé au Maniema (exercice 2010), montre la réalité selon
laquelle, malgré la proximité géographique des services de
santé, 9 femmes de Kindu sur 10 âgées de 15 à 49 ans
déclarent avoir rencontré des problèmes pour
accéder aux soins, et en particulier des problèmes financiers
(78,1%). La pauvreté limite donc l'accès des femmes aux services
de santé. Il n'existe pas de mutuelles de santé
et le personnel médical exige d'être payé,
même dans les centres de santé publics, avant
toute consultation des patients. On souligne également
que les produits pharmaceutiques ne sont pas donnés
dans ces centres qui se contentent de délivrer des
ordonnances pour leur achat auprès des pharmacies.
Il faut noter par ailleurs que 43,2% des femmes
évoquent le problème de transport qui les a
empêchées de se soigner et 22,1% se sont vu refuser la permission
d'y aller par leurs conjoints. Une des conséquences de cette situation
est que seulement 39,1% des femmes ont effectué des soins
prénatals chez un médecin ou une sage-femme au cours de leur
dernière grossesse.
En outre dans toute la province du Maniema, un tiers des
accouchements (33%) se font en dehors des établissements sanitaires. Par
ailleurs, près de la moitié des accouchements ne sont pas
assistés par un personnel de santé. Ce qui explique probablement
le niveau élevé du taux de mortalité maternelle en RDC en
général et au Maniema en particulier.
L'inégalité dans le domaine de
l'éducation et du travail rend déjà les femmes
vulnérables (faiblesse du capital humain et financier). Un accès
limité au service de santé ne fait qu'accroître cette
vulnérabilité. L'Etat devrait consentir un effort plus important
pour améliorer l'accès physique et financier de tous, et
particulièrement des pauvres et des femmes, aux services de
santé.
Tableau 3. Incidence de la pauvreté
en province selon le milieu de résidence et les caractéristiques
socio démographiques du chef de ménage
|
Kinshasa
|
Sud Kivu
|
Maniema
|
Equateur
|
RDC
|
Milieu de résidence
|
Urbain
|
-
|
84.6
|
76.1
|
83.5
|
61.5
|
Rural
|
-
|
84.7
|
52.8
|
95.3
|
75.7
|
Sexe
|
Hommes
|
40.7
|
86,7
|
55.3
|
94.2
|
71,6
|
Femmes
|
45.7
|
65,6
|
60.8
|
87.7
|
69,9
|
Niveau d'instruction
|
Sans instruction
|
68.9
|
86,5
|
68.3
|
93.8
|
77,0
|
Primaire
|
57.0
|
84,9
|
54.3
|
96.9
|
76,3
|
Secondaire
|
45.5
|
83,6
|
55.6
|
92.7
|
71,9
|
Programme non formel
|
32.4
|
100,0
|
46.9
|
53.7
|
56,3
|
Universitaire
|
14.3
|
77,5
|
45.6
|
75.9
|
34,1
|
Secteur institutionnel
|
Administration publique
|
26.7
|
70,6
|
49.0
|
93.4
|
65,0
|
Entreprises publiques
|
16.2
|
86,0
|
22.0
|
87.0
|
59,1
|
Privés formels
|
31.3
|
48,8
|
53.6
|
92.2
|
49,6
|
Informel agricole
|
40.1
|
86,6
|
59.3
|
95.1
|
77,1
|
Informel non agricole
|
47.2
|
83,6
|
47.5
|
90.6
|
64,5
|
Associations
|
33.4
|
85,3
|
54.9
|
78.1
|
60,1
|
Source : Tableau
élaboré sur base des profils des provinces (PNUD ; Rapport
annuel, exercice 2009)
Le milieu de résidence, le sexe, le niveau
d'instruction et le secteur d'activité restent déterminants sur
l'incidence de pauvreté. Ces facteurs associés au niveau
d'instruction et au milieu de résidence aggravent la situation de
pauvreté des femmes résidant en milieu rural et n'ayant pas un
niveau élevé d'instruction.
L'accès des femmes aux services de santé n'est
pas évident dans la ville de Kindu. En effet, outre l'insuffisance des
infrastructures de santé, 85% des femmes enquêtées dans la
ville de Kindu, représentant 85 sur 100 sujets enquêtés
déclarent avoir rencontré des problèmes pour
accéder aux soins. Il s'agit principalement des problèmes
financiers (72%) et des problèmes de transport (44%).
L'inégalité selon le Genre sur le marché du travail et
dans le domaine de l'éducation rend déjà les femmes
vulnérables.
L'accès limité au service de santé ne
fait qu'accroître cette vulnérabilité dans la ville de
Kindu. Par ailleurs, d'autres facteurs viennent aggraver les barrières
financières et géographiques que subissent les femmes pour
accéder aux services de santé. En effet, 25 sur 100 femmes
enquêtées soit 25% de la totalité des sujets
enquêtés dans la ville de Kindu déclarent s'être vu
refuser la permission d'aller se soigner.
Malgré cela, les conditions d'accouchements semblent
bien meilleures au Chef lieu de Province par rapport aux autres territoires
formant la province du Maniema. Le même rapport du Ministère
National de la santé indique que les accouchements ont été
assistés dans une proportion élevée (73,5% au Maniema
contre 64,4% en RDC) par un personnel de santé (médecin,
infirmier ou sage femme).
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