Annexe III
Entretien de Violette
En gras : questions et relances de
l'entreteneur
En clair : réponses de Violette.
Entretien Violette. Psychomotricienne
Durée : 43 minutes
1 D'après vous, quels sont les apports du
dispositif d'intervention pour
2 l'équipe ?
3 Alors d'abord il faut savoir que j'ai été
intégrée dans une équipe infirmière et
4 éducateurs, ce qui est un peu original pour une
psychomotricienne qui
5 habituellement viennent un peu pour des groupes, pour des
prises en charge
6 individuelles. Là je suis vraiment
intégrée à l'équipe. Euh...donc la supervision
moi
7 j'en avais jamais eue dans le cadre des...de l'endroit ...de
tous les différents endroits
8 où j'ai travaillé. Maintenant ça fait 25
ans que je travaille en psychiatrie :
9 pédopsychiatrie et psychiatrie adulte et euh...donc
j'avais jamais bénéficié de ce
10 qu'on appelle ici la supervision euh...donc euh...je savais
pas trop, je connaissais
11 des collègues qui elles faisaient de la supervision en
dehors de leur travail sur
12 euh...enfin en fait par des psychanalystes qui eux faisaient
de la supervision à
13 l'extérieur donc, et elles payaient pour ça et
euh...au niveau de la ; de tout ce qui
14 était vraiment service hospitalier, y avait pas de
groupe de supervision. Euh...donc
15 le...j'savais pas trop en fait à quoi ça
correspondait, moi en fait individuellement,
16 j'avais jamais eu, ressenti le besoin d'aller voir dans ces
groupes de supervision
17 extérieurs qui regroupaient par contre que des
psychomotriciens et qui étaient faits
18 par des psychomotriciens qui étaient psychologues
analystes et euh...voilà donc
19 quand je suis arrivée ici les infirmières m'ont
dit ben écoutes, tu fais partie de
20 l'équipe, tu viens avec nous ! (rire) Donc
voilà, donc j'ai un peu découvert c'qu'était la
21 supervision ici, hein, euh...donc je trouve ça
très intéressant donc, ca qui est sûr,
22 c'est qu'ici, ça manque de temps de travail clinique,
c'est-à-dire qu'il y a un gros
23 travail clinique qui se fait mais, on a assez peu de temps
pour pouvoir en...reprendre
24 ça avec la psychologue, le psychiatre...essentiellement
donc on reprend ça entre
25 nous, mais c'est pas la même chose...voilà. Donc
c'est vrai qu'il y a une grosse
26 demande de la part de l'équipe d'avoir des temps
où on peut un peu se dire les
27 choses...bon, par rapport au patient, aux prises en charge et
aux difficultés qu'on
28 peut rencontrer, voilà. Donc euh...donc au début
c'était un autre psychanalyste qui
29 intervenait, c'était un homme, j'sais plus comment y
s'appelait euh...Alors, moi c'que
30 j'trouve...enfin j'pense que ça a un peu le
côté original ici , c'est qu'on fait pas mal de
31 clinique au sein de la supervision et par exemple, on va pas
aborder des difficultés
32 mettons qu'on aurait entre nous euh...au niveau de
l'équipe ou des choses comme
33 ça. Ca peut se faire mais à partir de
difficultés qu'on a dans la perception d'un patient
34 ou on dit ben « tiens, toi tu le perçois comme
ça mais moi je le perçois comme ça »
35 ou « mais toi...c'est parce que dans ton
métier...t'as ta façon de faire avec lui, tu vas
36 plutôt être comme ça, moi j'suis
plutôt comme ça » enfin, vous voyez, c'est plutôt
37 dans ca style là de...au niveau du travail euh...autour
d'un patient en particulier mai
38 c'est vrai que euh... les difficultés qu'on peut
rencontrer éventuellement entre nous,
39 c'est pas à la supervision qu'on en parle. On en parle
entre nous en fait. Et j'pense
40 aussi peut-être voilà, y a des gens qui sont
très différents des autres, donc très
41 complémentaires donc de ce fait là...mais par
contre on se respecte complètement
42 quoi ! Donc, j'pense que c'est intéressant parce que de
ce fait là on se dit les choses
43 tout de suite quoi. Quand y a des trucs qui vont pas on s'dit
« mais attends ! pourquoi
44 ça j'comprends pas ! » mais bon, après
allez hop on s'explique. Donc c'qui fait qu'il y
45 a pas de... Peut-être aussi parce qu'on est une
équipe 9h 17h peut-être hein. On est
46 une petite équipe et on est sur le même temps de
travail, on est pas certaines du
47 matin, d'autres d'après-midi etc...donc ça,
ça favorise certainement la cohésion
48 mais aussi les gens eux-mêmes disons qu'il y a pas
d'éléments ni pervers ni
49 euh...j'sais pas quoi qui...L'équipe, c'est tous des
gens assez francs, donc des fois
50 ça pète...des fois on est pas d'accord, on se le
dit mais c'est pas grave, on travaille
51 bien ensemble quoi (rires) Voilà, donc la supervision
euh...moi ça m'a aidé à
52 plusieurs reprises j'ai remarqué, à plusieurs
reprises par rapport à des fois où
53 j'comprenais pas...j'me disais ben, bon là y s'passe
telle chose avec tel patient et je
54 ne comprends pas euh...euh...j'arrivais pas à
comprendre pourquoi quoi ! Et la
55 supervision m'a toujours aidée...
56 Pourriez-vous me dire comment ?
57 Ca m'a aidé euh...en apportant...une analyse autre !
C'est-à-dire un regard peut-être
58 ben auquel je m'attendais pas, une chose à laquelle
j'avais pas pensée et la
59 psychanalyste elle me disait « mais, mais peut-être
ça,ça... » et j'disais « ah ben oui,
60 ça j'y avais pas pensé ». Effectivement,
ben euh...fin bon en amenant comme ça des
61 éléments euh...et j'pense que effectivement, du
fait qu'elle est psychanalyste, elle a
62 une...une écoute et un regard différent. Par
exemple, je sais plus, y avait un patient
63 qui jouait du violoncelle et euh...j'disais «
voilà, ce patient il fait beaucoup de
64 musique etc... » et puis...et puis je disais qu'en
faisant l'évaluation de la
65 psychomotricité, j'avais vraiment un sentiment que ce
monsieur avait été blessé au
66 fond de lui-même quoi, qu'il avait été
même peut-être euh...abusé ou enfin, il avait
67 une attitude par rapport au corps...de méfiance, de
repli, de, enfin on sent que c'était
68 quelqu'un qui...bon avait été frappé ou
voir violé et euh... ou en tous cas abusé, fin,
69 parce que j'ai pas mal travaillé dans une consultation
avec des gens comme ça et
70 euh...j'trouvais qu'il y avait des similitudes. Et euh...donc
elle, elle nous a demandé
71 de reprendre un peu son histoire... et en fait, ce monsieur il
a fait une première
72 décompensation lorsqu'il a fait un concours de
violoncelle où il est arrivé deuxième et
73 il voulait arriver premier. Il a complètement
décompensé, il s'est mis à délirer etc...Et
74 elle, par exemple, elle a dit, oui, « viol-oncelle »
enfin, elle a amené un élément
75 auquel moi j'avais pas du tout pensé par rapport au
violoncelle, hein. Et
76 effectivement, là elle a fait un lien qui m'a
interrogé ! hein. Parce que c'est un patient
77 qui ne veut plus jamais jouer de violoncelle...et qui,
très souvent dans les groupes,
78 différents groupe soit de lecture, soit de, aborde des
histoires de viol, parle beaucoup
79 de...justement des abus, de viol etc... Et elle bon l'histoire
du violoncelle, c'est vrai
80 que...Elle disait « bon, ben, y a le mot viol dans
violoncelle » . Enfin...vous voyez, ce
81 genre de choses...
82 Vous avez insisté sur le fait que vous
êtes psychomotricienne, vous pourriez
83 m'en dire un peu plus ?
84 Oui. Ben...moi...je le sais, on est pas pareilles, ça
c'est sûr...j'pense que euh...les
85 infirmières le ressentent aussi puisqu'on en a
déjà parlé mais euh...oui, c'est sûr ! j'ai
86 pas le même regard. Par exemple...ici, on fait le repas,
on met la table avec
87 euh...donc on a des petits groupes comme ça et puis
tour à tour chacune on est
88 responsable des repas. Et, moi au début je me suis dit,
« bon psychomotricienne,
89 j'vais préparer le repas, où est ma
spécificité ? ». Fin, parce que quand on est
intégré
90 dans une équipe, j'suis pas intégrée
pour être infirmière alors que je le suis pas. Je
91 suis psychomotricienne, voilà, donc,
forcément...voilà, mon travail, moi, comment je
92 me situe par rapport à ça. Et en fait,
ça a été très clair tout de suite en fait c'est
les
93 patients surtout qui...qui vont chercher là nos
compétences à chacun et donc y a un
94 patient, il mettait la table un peu, ben voilà,
n'importe comment, il mettait une main là,
95 le verre là-bas et puis euh...les infirmiers elles
disaient < Mais non, X, non, ça c'est
96 là bas, l'assiette là, les couverts et
tout». Mais bon, en fait, moi j'ai dit
97 < mais...comment...quelle est la forme de la table ?
». Donc j'ai fait une référence à
98 la notion de perception de l'espace et en fait, ce monsieur,
il percevait pas qu'il y
99 avait un rectangle, il percevait pas qu'y avait un cercle.
Fin, voyez, il avait de grandes
100 difficultés en fait à percevoir la notion de
l'espace. Donc j'ai fait un travail avec lui,
101 voilà bon...repérer les deux grands
côtés, les deux petits côtés...etc...et quand on
102 s'assoit, on est en face de quelque chose et puis se
repérer, en fait, il avait des
103 grosses difficultés de repérage dans
l'espace...Bon, voilà un exemple...
104 Chacun sa place dans l'équipe...
105 Oui. Les autres sont très demandeuses et très
à l'écoute de ça, donc j'ai pas besoin
106 de...enfin, au sein de la supervision, ça apporte une
richesse de l'équipe
107 pluridisciplinaire parce que bon effectivement en fonction,
bon ici on a pas d'aide-
108 soignante, en fonction de la formation de chacun, on va avoir
un regard, peut-être
109 un peu différents et complémentaires. Donc
ça, ben c'est intéressant mais c'est vrai
110 que c'est pas..ben, disons que la supervision ne me permet
pas particulièrement
111 de...Quoi que si j'avais eu des difficultés
d'intégration dans l'équipe, oui. Sûrement.
112 Parce que quand même, ça permet d'entendre les
spécificités de chacun, ça c'est
113 sûr, mais euh...c'est que dans c'cadre là que
ça se fait. Enfin...ça apporte aussi
114 euh...du temps ! qui est réservé à
l'échange et qui est réservé à la...à la
pensée et à
115 comprendre la pensée de l'autre, à
élaborer soi-même sa propre pensée et à, à
116 écouter celle de l'autre. C'est-à-dire que y a
des fois, on va dire... < ben tiens, y a
117 ça, y a ça », parce qu'on est dans le
bureau et que bon y a pas de souci, on va
118 l'aborder, mais on va pas prendre le temps, on aura pas assez
de temps pour
119 pouvoir se dire les choses, de dire < bon,
euh...pourquoi, toi, tu perçois les choses
120 comme ça et moi autrement? » et < pourquoi
à ce moment là, ce patient là il a eu
121 telle réaction comme ça? » et...fin, donc
les relations, elles sont euh...ben c'est un
122 temps de relation en fait (rires) la supervision. C`est un
temps vraiment qui est
123 réservé à l'échange, à la
relation, enfin, et surtout à l'écoute de l'autre. C'est pas
124 uniquement un temps d'expression. Mais bon, c'est vrai, y a
plus d'écoute pendant la
125 supervision...Ca c'est sûr, c'est pas de notre
volonté, hein. Les gens demandent que
126 ça d'écouter, mais euh...on a pas assez de
temps pour ça ! Donc c'est vrai que
127 euh...la supervision, c'est aussi...puis euh...une personne
qui est extérieure, hein,
128 donc qui va pas être impliquée directement dans
le travail thérapeutique et
129 qui...justement va nous donner un regard un p'tit peu
différent, on va mieux...ça va
130 nous permettre de prendre un peu de distance. Ca va... Et
puis de nous mettre en
131 lien, ça va... des fois on voit les choses
différemment et puis la psychanalyste, elle
132 dit << ben, c'est normal, parce que ce patient
là il est comme ci il est comme ça, et
133 puis avec vous il est comme ça, avec vous il va
être comme ça et c'est bien comme
134 ça ! » (rires). Il y a aussi cet aspect
là, hein. C'est...c'est pas la pensée unique hein,
135 donc on est vraiment dans le...justement, le vrai temps
d'échange, hein.
136 Ce « vrai temps d'échange », il vous
permet quoi ?
137 Ben...il permet...il favorise le dialogue, il permet de se
comprendre mieux. Mais bon,
138 encore une fois, c'est vrai qu'on attend pas forcément
après la supervision pour ça.
139 Mais c'est plus facile... Mais bon on fait, par exemple, on
essaie de faire un travail
140 sur le projet du service etc...Bon, euh...mais en même
temps, avoir des idées...fin,
141 partager des choses communes oui, au niveau du but...du
travail qui est toujours
142 thérapeutique mais maintenant euh...y a des fois , y a
des choses, moi j'me dis
143 << ouh là...pffff ». J'vois une
infirmière qui fait un truc, j'fais <<ouh là ! » et
puis parce
144 que moi j'aurai pas fait comme ça puis après
je...donc j'interviens pas, j'laisse faire,
145 puis après j'vais me rendre compte que c'est vrai
j'serai pas intervenue comme ça,
146 n'empêche qu'elle, elle est intervenue comme ça
et que ça a fonctionné. Donc
147 euh...c'est des choses...vous voyez, c'est au niveau d'un
langage commun, j'pense
148 qu'on a pas forcément un langage commun dans les
personnes qui travaillent ici et
149 pourtant, j'pense que c'qui est important, c'est ce respect
du travail de l'autre quoi.
150 Hein, et...les différences ont de l'importance, par
exemple , moi j'ai eu beaucoup de
151 mal une fois y avait un patient qui voulait pas aller en
sortie, c'est moi qui faisait la
152 sortie etc...et il voulait pas y aller, et je le sentais
très angoissé, il me disait << non,
153 non, j'veux pas y aller, j'veux pas y aller !!! » et
donc moi j'étais prête à ne pas
154 l'emmener, parce que j'ai dit moi j'veux pas lui faire
violence et y a une infirmière qui
155 est arrivée et qui a dit « Allez ! Hop ! C'est
l'heure ! Allez, Hop ! Vous allez à la
156 douche ». Et alors moi j'étais...j'me suis dit
« oh la honte ! ». Bon, et finalement, il est
157 venu à la sortie et ça s'est très bien
passé. Donc moi j'aurai jamais été capable de le
158 faire parce que je ressentais ça comme une virulence
parce qu'il était angoissé et
159 l'infirmière, elle, elle savait ce qu'elle faisait
quoi ! Donc elle a été jusqu'au bout du
160 truc et le patient il est venu et ça s'est bien
passé. Donc, ça c'est des choses
161 qu'on...enfin, moi j'pense que j'apprends en travaillant avec
des gens qui ont pas la
162 même formation que moi et...et c'est vrai que j'pense
qu'une psychomotricienne ne
163 ferait jamais ça. Quelle qu'elle soit mais,
voilà, une infirmière y a une autre...peut-
164 être une autre formation, ça veut pas dire que
toutes les infirmières feraient ça, hein,
165 mais en tous cas, là, voilà. Donc, là on
était pas sur un truc commun là, avec elle,
166 maintenant n'empêche que je suis pas intervenue, j'ai
laissé faire, je lui ai fait
167 confiance en fait, hein. Et puis ça s'est bien
passé. Voilà, donc des fois c'est des
168 choses comme ça qu'on reprend en supervision pour
être sûr que les choses ont
169 bien été euh...comprise ...
170 Ca vous a à aidé à vous
intégrer cette supervision ?
171 Euh... Oui, oui parce que en fait, au début, moi,
quand je suis arrivée ici, il y avait 5
172 temps infirmiers et les trois éducatrices et euh donc
en fait la direction et la direction
173 du service avait décidé qu'il y avait une
infirmière qui partait, qu'il n'y airait plus
174 quatre temps infirmiers puisqu'ils avaient des
difficultés à recruter en intra-hospitalier,
175 donc, ils voulaient laisser quatre infirmières. Et
puis bon, ben il s'est trouvé que moi
176 j'faisais une mutation professionnelle. Et bon, j'ai...un
certain bagage on va dire en
177 psychiatrie adulte et ça les a
intéressé. Et du coup, ils ont, ils m'ont proposé de
venir
178 sur ce temps infirmier. Donc c'était pas simple parce
que, ni pour les infirmières ni
179 pour moi, bon euh...ça leur a été
imposé en fait, ça je le savais pas (rires) C'est-à-
180 dire que l'équipe n'a pas été
préparée, hein, du jour au lendemain, on leur a dit
181 « bon, écoutez, soit vous restez à quatre,
soit vous serez quatre plus une
182 psychomotricienne. ». Boum ! Donc euh...Ouf !
c'était pas évident mais bon, quand
183 je suis arrivée ici, il y avait des tracts syndicaux
contre l'embauche d'une
184 psychomotricienne qui fera pas le travail d'une
infirmière, et effectivement, c'est vrai
185 (rires). Donc euh, voilà, hein, ça a pas
été simple au départ parce que l'équipe
était
186 en grande souffrance et les infirmières, elles
étaient vraiment en souffrance, elles
187 avaient vraiment le sentiment qu'on leur avait fait un enfant
dans le dos quoi,
188 que...mais bon, c'qui était super, c'est que tout de
suite elles m'ont dit tout de suite
189 on a absolument rien contre toi en tant que personne ni
contre l'embauche d'une
190 psychomotricienne bien au contraire, mais par contre qu'on
nous mette une
191 psychomotricienne sur un temps infirmier, ça
euh...voilà, hein ! Moi, j'avais l'esprit
192 tranquille parce que je savais que de toute façon, ils
mettaient pas d'infirmière à ma
193 place si j'y étais pas donc j'avais pas le sentiment
de prendre la place de quelqu'un
194 etc..quoi hein. Donc c'était, pour moi c'était
clair dans ma tête sauf que pour elles,
195 elles le voyaient pas bien sûr de cet angle. A l'issue
finalement, ce qui a été
196 intéressant c'est que s'est posée la question
dès l'arrivée de la référence des
197 patients. Moi j'ai dit « non hein, ça c'est pas
mon travail ça, je sais pas faire d'abord».
198 Une psychomotricienne référente, non, enfin,
moi la connaissance que j'ai du métier
199 d'infirmier, c'est pas ça, surtout en psychiatrie,
enfin bon, du coup, là on est tombées
200 sur des bases communes et j'pense que ça c'est quelque
chose que les infirmières
201 ont pu dire en supervision hein, la difficulté que
ça représentait pour elles euh...de
202 ben d'intégrer quelqu'un qui faisait pas le même
métier, qui avait pas le même
203 regard, de pas avoir été consultées par
les instances supérieures, qu'on leur ait pas
204 demandé leur avis enfin bon voilà. En fait on
est tombé là sur un terrain vraiment
205 d'entente quoi parce qu'elles ont vu que moi justement je
voulais absolument pas
206 prendre la place d'une infirmière (rires) que
c'était pas du tout ça, voilà, moi je suis
207 psychomotricienne et je le reste et je crois que justement
ça a permis parce qu'à ce
208 moment là, y s'trouvait que moi je coordonnais un
numéro parce que je suis au
209 comité de rédaction d'une revue de
psychomotricité qui s'appelait « le corps
210 psychiatrique » et je voulais faire un numéro sur
l'intérêt de la cohésion et de la
211 coopération dans l'équipe pluridisciplinaire et
donc je leur ai sit « et ben si vous
212 voulez, on écrit un article ensemble sur
l'intégration d'une psychomotricienne dans
213 une équipe infirmière et justement
l'infirmière référente etc...Et donc rn fait, de là
est
214 parti tout un travail. Y a eu toute une journée sur la
référence infirmière etc...Enfin,
215 elles avaient déjà écrit des trucs sur
la référence, elles m'ont pas attendu mais c'que
216 j'veux dire c'est que du coup tout ça ça a
été repris en supervision mais aussi sur
217 d'autres temps et on a écrit, voilà on a
écrit sur notre travail en commun etc...Donc
218 euh...Et la supervision a aidé les infirmières
à imposer des choses que visiblement
219 les autres n'avaient pas envie d'entendre. Donc moi j'ai pu
aussi, c'était important
220 que je l'entende aussi et qu'elles me le disent et c'est
c'qui fait je pense d'ailleurs que
221 le fait qu'elles aient pu déposer un peu tout ca.
Parce que quand je suis arrivée ici, il
222 y avait deux maladies, il y en avait une en congés,
enfin c'était la « bérézina »,
223 l'équipe était complètement
explosée et et ils étaient sous le coup de massue là,
et
224 puis la psychomotricienne au milieu, « qu'est-ce-qu'on
va en faire ? » enfin, c'était un
225 peu la panique, la crise identitaire par rapport au
métier etc...Donc le fait de jeter un
226 peu les choses pendant la supervision , ca permet de
finalement accepter l'autre en
227 tant que...en tant que ce qu'il est, parce que ca permet de
dire des choses, de
228 déposer des choses, de dire qu'elles en avaient marre
de pas être consultée, qu'on
229 les mette devant le fait accompli que... et ca, ca a pu
être entendu. De toutes facons,
230 sous l'attention bienveillante de la personne qui faisait la
supervision. Les autres, la
231 cadre sup etc...ne pouvaient pas entendre ca. Moi ca m'a
été dit « vous verrez,
232 l'équipe ca va être difficile, ca va être
difficile parce que elles ont peur du
233 changement etc »...en fait c'était pas ca, elles
avaient pas été préparée au
234 changement. Et c'est justement parce que c`est une
équipe très professionnelle,
235 qu'elles voulaient pas que les choses se passent comme ca
quoi. Moi ca me parait
236 tout à fait normal. Donc en fait, finalement, au bout
du compte on s'est soutenu
237 mutuellement c'est-à-dire moi j'ai soutenu
l'idée qu'effectivement j'voulais pas
238 remplacer une infirmière et que ce qu'elles
disaient... elles disaient que ca leur avait
239 été dit comme ca : « la psychomotricienne
elle pourra tout faire comme vous sauf
240 les médicaments ! » donc j'comprends qu'elles
aient eu un peu peur donc là après
241 quand on a travaillé ensemble ben elles ont vu que
c'était pas ca quoi.
242 En fait, vous avez appris en travailler en commun
?
243 Moi oui, ben oui, il faut dire ca développe des
compétences quand même. Bon à
244 chaque fois on apprend des choses donc euh...moi je suis
toujours intéressée
245 pour...enfin, je pense que la remise en question, j'dirai que
dans notre métier voilà
246 hein...quand on fait nos études etc...on fait beaucoup
par exemple de pratique
247 corporelle et là, justement on est confronté
à notre propre agressivité, à nos propres
248 angoisses, on nous met en situation pratique physique et
mentale de, hein, donc on
249 a dans notre formation, on est habitué dans notre
fonctionnement thérapeutique à
250 toujours se remettre en question , à mettre à
distance ou a s'dire ben tiens ce patient
251 là il a l'âge de mon fils ou de ma fille, enfin
c'est un recul que j'dirai de par ma
252 formation , je sens que je l'ai plus que les
infirmières, je vois bien, tout de suite ça
253 c'est sûr mais donc ça, c'est pas ça que
ça m'apporte, ça m'apporte au niveau de
254 l'élaboration, c'est-à-dire de la
compréhension et des choses et de pouvoir aller plus
255 loin dans mes interprétations, dans mes comment dire ?
d'aller plus loin dans mes
256 pensées en fait, voilà. Parce qu'à la
supervision, ça va aller poser encore d'autres
257 questions que moi j'ai pas, on va jamais assez loin nous
hein, on est que des
258 individus en fait. Donc ce regard extérieur va aller
pousser l'autre dans ses
259 retranchements et moi, franchement ça m'a aidé,
oui, oui oui. Y a plusieurs fois, au
260 moins deux ou trois fois, j'étais vraiment...j'me
disais : « mais qu'est-ce-qui se passe
261 là ? Pourquoi ci pourquoi ça ? et en fait,
vraiment après la supervision je me suis dit
262 « mais oui, bien sûr ! » Du coup ça
m'a facilité mon travail...parce que quand y a un
263 mal-être, notamment lié au travail ou à
l'équipe, c'est-à-dire que... mettons, si... si
264 mon intégration s'était mal passée,
s'était pas bien passée, que j'ai eu une hostilité
265 de la part des autres etc... J'pense que c'est des choses que
j'aurais pu aborder en
266 supervision. Maintenant, si c'est un mal-être qui est
lié complètement à autre chose,
267 des choses personnelles, un deuil ou je sais pas quoi, des
problèmes de couple
268 etc... là non, c'est pas l'endroit. Par contre, dans
l'équipe oui. Mais la seule chose
269 qui est embêtante c'est que l'équipe elle est
pas vraiment au complet.
270 Vous pourriez m'en parler un peu plus longuement
?
271 Elle est pas vraiment au complet parce que des fois y a des
gens qui sont pas là
272 ou... et puis il y a pas la cadre, il y a pas le
médecin, il y a pas le psychologue, il y a
273 pas, fin. Je trouve que ce serait intéressant,
j'trouve que c'est...oui, oui,oui. Alors des
274 fois aussi, c'qui pose question, c'est aussi la
présence des élèves. La première
275 année où j'étais là, y avait une
élève psychologue qui était là et euh...enfin des
fois,
276 c'est un peu...J'trouve la supervision c'est un moment
d'intimité. Donc, oui,
277 personnellement, je serai assez d'avis que les
étudiants ne participent pas à la
278 supervision, j'sais pas ce qu'ils en font, enfin,
voilà. J'vois pas ce que ça leur apporte
279 vraiment, si ce n'est de voir et d'écouter mais...
parce que comme on en a une tous
280 les deux mois, les élèves qui restent un mois,
quatre semaines, etc, enfin,bon, moi je
281 sais que j'avais une élève psychomotricienne
qui est restée quinze jours en
282 stage...bon, comme les autres élèves venaient,
les infirmières m'ont dit « allez, tu la
283 fais venir à la supervision », bon, elle est
venue à la supervision, elle a posé des
284 questions intéressantes etc...fin
c'était...j'trouve que...voilà. Ca pour moi, c'est pas
285 évident. Mais bon, c'est pas la même chose,
j'trouve que c'est bien. Les gens qui ont
286 un travail thérapeutique ensemble...par exemple, la
cadre sup' j'vois pas c'qu'elle
287 viendrait y faire, les gens qui sont au chevet du malade, si
j'puis dire, je... si on avait
288 un ergothérapeute, ça serait important qu'il
soit à la supervision, si on avait un kiné,
289 si on avait enfin je sais pas ... Oui, c'est important, parce
que c'est ce qui relie les
290 gens...surtout quand on travaille avec des psychotiques,
enfin, c'qu'y est très
291 important, on passe notre temps à faire du lien. Donc
euh...Il faut faire du lien autour
292 du patient, c'est-à-dire enfin moi c'est toujours ce
que je dis aux étudiants : »vous
293 pouvez être une super psychomotricienne, si vous
n'êtes pas capables d'entrer en
294 communication avec les gens avec qui vous travaillez, de dire
ce que vous faites,
295 pourquoi vous le faites, comment vous le faites,
qu'est-ce-qui s'y passe, les
296 échanges, les difficultés etc...C'est nul,
ça marche pas, parce qu'on rentre dans un
297 clivage, euh...où il va y avoir, enfin j'pense un,
faut pas trop qu'il y ait de...
298 de...comment dire ? Faut que ce soit un partage. Pour moi
c'est un partage,
299 j'envisage pas de pouvoir faire des séances sans en
parler aux infirmièreset aux
300 éducatrices , ça a aucun intérêt
quoi. (rires) Dans ce cas là, on prend un cabinet en
301 libéral, on travaille en ville mais
l'intérêt de l'équipe c'est justement ça, on a envie
de
302 partager des choses, comme ça plus avec le
médecin, le psychologue qui eux aussi
303 connaissent le patient. Ils le voient dans un cadre
différent et comment ça se passe
304 et comment ça se dit, qu'est-ce-qu'on en comprend et
puis, etc... Donc c'est vrai que
305 nous on est sur le terrain 8 heures par jour, eux ils sont
pas là toute la journée. Mais
306 c'est pas grave, ils connaissent le patient, ils s'en
occupent quoi ! Donc pour moi, la
307 boucle n'est pas bouclée (rires). C'est, c'est
très intéressant notamment au niveau
308 de l'équipe elle-même déjà, mais
bon, ce serait important qu'il y ait d'autres gens,
309 d'autres membres de l'équipe mais vraiment les gens
qui sont dans une relation
310 transférentielle avec le patient. C'est pour ça
que j'dis que les étudiants, pour moi, ils
311 y ont pas trop leur place. Il faudrait appartenir à
l'équipe pour y aller...parce que ça
312 m'a permis justement euh... ben encore une fois un temps
d'écoute. En fait, on peut
313 dire les choses, par exemple, j'ai pu dire « Ah ben
tiens, tu as vu l'évaluation, on a
314 fait comme ci, on a fait comme ça, donc
forcément de faire découvrir un peu mon
315 travail ,d'ouvrir un peu la porte des séances sur ce
qui s'y fait, comment ça se fait
316 etc... Donc forcément, ça facilite
l'intégration , parce que du coup les infirmières, elle
317 parle du travail : « pourquoi je suis là ? A quoi
je sers ? etc...Cest que souvent, j'me
318 souviens y a un psychiatre qui m'avait dit : « j'aimerai
bien être une petite mouche
319 dans une salle de psychomotricité pour voir ce qui s'y
fait ». Et j'avais beaucoup
320 réfléchis à ça parce que je
m'étais dit « mais c'est vrai que Bon, la
psychomotricité,
321 en plus, c'est le travail du corps et le corps, par rapport
à l'histoire de la psychiatrie,
322 c'est quand même quelque chose de... de très
tabou, de très, voilà hein. Alors,
323 c'qu'on a comme point commun, avec les infirmières,
c'est que justement, elles
324 travaillent aussi sur le corps, au niveau du corps, c'est les
infirmières et euh...à un
325 autre niveau, c'est vrai, mais là, il y a plein de
points communs. Donc euh... on parle
326 même langage hein. Mais par exempla avec une
psychologue, ça va être différent ,
327 mais son regard va quand même être
intéressant hein. Sur le corps des patients,
328 c'qu'elles vont pouvoir en dire...enfin etc... On
perçoit mieux ce qu'on fait au
329 quotidien... (silence)
330 Quelque chose à rajouter ?
331 Non, non, non... (elle est pressée)
332 Merci beaucoup alors...
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