3.3. Origines et influences de l'analyse des pratiques
professionnelles
3.3.1. Les groupes Balint
Dans les années 50, alors que se mettait en place au
Royaume-Uni, un enseignement de médecine générale, Michael
Balint, psychanalyste d'origine hongroise, émigré en 1939 en
Angleterre, proposa une nouvelle méthode de formation aux
médecins généralistes. Celle-ci lui paraissait
nécessaire car on s'était aperçu que « les
réponses chirurgicales et médicales
s'avéraient inefficaces » dans les cas
où la demande des patients se situait dans un registre relationnel.
Deux solutions se proposent à lui: se positionner en
tant qu'enseignant en psychanalyse et psychiatrie selon un modèle
universitaire ou se positionner comme « leader d'une
équipe de recherche dans un séminaire de discussion avec les
médecins sur les problèmes psychologiques dans la pratique
médicale » selon ses propres dires (Chami, 2001)47.
Influencé par les études de cas (« case-work ») que
pratiquait sa deuxième épouse dans le champ du travail social, il
choisira la deuxième solution.
C'est ainsi qu'une méthode de formation très
innovante vit le jour ; le premier groupe Balint, appelé la «
vieille garde », réunissait douze médecins une fois par
semaine pendant deux heures, et ce durant plusieurs années. Il proposait
un « séminaire de discussion de groupe sur les problèmes
liés à l'exercice de la pratique médicale
». (Chami, 2001)
Les objectifs de la formation étaient de permettre aux
praticiens d'analyser les implications affectives et émotionnelles dans
le travail avec les patients et de rechercher de quelles ressources
personnelles ou professionnelles, ils disposaient pour s'en occuper.
47 Chami, Jean. 2001. Michaël Balint: un
travail sur " la relation primaire" à l'usage des formateurs et des
professionnels. [book auth.] Dominique (ouvrage coordonné)
Blanchard-Laville et Fablet. Sources théoriques et techniques de
l'analyse des pratiques professionnelles. Paris: L'Harmattan, 2001, p.
207. Coll. Savoir et Formation. p. 65-90.
3.3.2. Les influences théoriques
Nous pouvons retenir ici la double influence des « groupes
Balint » : d'une part la psychanalyse, d'autre part, l'influence
psychosociale à travers les études de cas.
M. Moreau-Ricaud, dans sa biographie de M. Balint
relève cette double approche : « Le groupe Balint est une
méthode hybride crée à partir de deux filiations,
l'une psychosociale [...],
l'autre analytique (...)
». (Fablet, 2001).48
Le champ psychosociologique se rappelle également
à nous par l'usage du terme « communauté » par M.
Balint lorsqu'il parle des participants à son dispositif. Ce mot nous
renvoie d'une part à un modèle basé sur le partage et
l'échange ainsi qu'à une notion de transformation de soi et des
autres membres.
Selon J. Chami, peut-être trouvons-nous là
« la genèse de la notion d'un groupe pouvant
s'approprier ses processus d'autonomie et de
développement par l'examen constant de son
fonctionnement. ». Cette idée
nous renvoie à la définition d'un « groupe
mature », à savoir un groupe « capable de
s'autoréguler
».49
L'outil d'analyse, de formation et de recherche sur les
pratiques créé par Balint, peut largement déborder de la
pratique médicale pour être utilisé dans des domaines
où des similitudes relationnelles s'observent ; on parle alors plus
généralement d'analyse des pratiques professionnelles.
Nous tenons à préciser qu'il nous a fallu du
temps pour repérer, dans les nombreuses publications, les divers types
d'analyse de pratiques professionnelles. En effet, il existe un
véritable engouement pour ces méthodes. Nous avons
distingué trois courants : une approche constructiviste (la pratique
réflexive développée par Schön et Argyris), une
approche psychanalytique ( le groupe Balint) et une approche psychosociologique
(inspirée des groupes Balint et développée par Lewin
à travers la recherche-action: l'intervention).
48 Fablet, Dominique. 2001. Les apports des
pratiques d'orientation psychosociologique. [book auth.] Claudine
Blanchard-Laville et Dominique Fablet. Sources théoriques et
pratiques de l'analyse des pratiques professionnelles. Paris: L'Harmattan,
2001, p. 207. Coll. Savoir et Formation. p.153.
49 Op. Cité. p.85.
C'est à l'approche psychosociologique de l'analyse des
pratiques professionnelles que nous nous intéresserons désormais
puisque notre volonté est l'amélioration des relations
interpersonnelles au sein de l'équipe pluridisciplinaire.
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