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Le féminisme islamique: l'islam "au féminin"-dessous sociologiques et historiques d'un mouvement féministe pour une nouvelle lecture du Coran.

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par Nejwa El Kettab
Université de Picardie Jules Verne - Master 1 recherche sociologie 2012
  

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Présentation et analyse de l'ouvrage de Fatima Mernissi:

Sociologue et écrivaine marocaine mondialement reconnue. Elle s'est notamment fait connaître dans la défense des femmes au Maroc et dans le monde arabe. Née en 1940 à Fès, Fatima Mernissi est professeur à l'institut universitaire de recherche scientifique de l'Université Mohammed-V de Rabat. Elle est également membre du Conseil d'Université des Nations Unis.

En 1981, Fatima Mernissi fut à l'origine de la création du collectif « Femmes Familles, enfants » ainsi qu'au lancement de la collection « Approche » aux éditions le Fennec afin de promouvoir les écrits traitant de la question des femmes et des enfants au Maghreb.

Elle a publié une multitude d'ouvrages traitant de la question des femmes en terre d'islam sous diverses angles ( politique, sociale, moral, culturel,...). Al Jins Ka Handasa Ijtima'iya23, Éditions Le Fennec, Casablanca 1987; Le monde n'est pas un harem, Albin Michel, 1991; Sultanes oubliées : femmes chefs d'État en Islam, Albin Michel / Éditions Le Fennec, 1990; Le harem politique : le Prophète et les femmes, Albin Michel, 1987; La Peur-Modernité : conflit islam démocratie, Albin Michel / Éditions Le Fennec, 1992 ; Sexe , idéologie , islam Éditions Maghrébines, 1985 Le Fennec et bien d'autres revisitant l'Histoire et le système idéologique arabo-musulman encadrant la vie des femmes dans ces pays.

Notre analyse se portera sur son ouvrage s'intitulant « Sexe, idéologie, Islam » publié en 1985, un de ses ouvrages les plus lue et qui reprend à travers une analyse sociologique et historique des cadres moraux, politiques et religieux régissant la condition féminine au Maroc. L'auteur part d'un aperçu historique du temps du prophète Mahomet, ses relations avec les femmes, les règles islamiques promulguées et établies à cette époque. C'est une approche qui nous permet de comprendre les origines sacrées des normes et des valeurs islamiques légitimant la situation d'une large part des femmes aujourd'hui dans les pays arabo-musulmans.

23 Le genre en tant qu'industrie sociale

L'intérêt de se pencher sur cet ouvrage s'explique par l'approche de la situation des femmes en terre d'islam autour de la thématique de la sexualité qui en réalité encadre les rapports de force et de genres entre les hommes et les femmes. L'auteure part d'un aperçut historique sur la sexualité et l'institution matrimoniale dès l'apparition de l'islam et donc comment ces règles de vie conjugales ont été instituées.

Ceci nous amène à comprendre les fondements de la mise en place de ces normes et ces valeurs ainsi que la manière dont ces valeurs prônées par l'Islam ont pu être interprétées.

Dès le premier chapitre s'intitulant « Le concept musulman d'une sexualité active des femmes », l'auteure commence par nous présenter comment l'Islam définit l'instinct humain. Contrairement à la dichotomie de l'instinct de chair et de la raison, séparant ainsi le bien du mal dans l'idéologie chrétienne; l'islam quant à lui est fondé sur une théorie des instincts plus élaboré, proche du concept freudien de la libido. En effet, l'instinct en lui même constitue l'énergie, une énergie à l'état brut pouvant être utilisé sous diverses formes. L'utilisation et la canalisation de cette énergie doit être soumise a des normes et des règles. La question du bien et du mal dans l'utilisation de l'énergie ne se pose qu'à l'intérieur de l'ordre social établi par les prérogatives religieuses: Comment utilisons- nous cette énergie naturelle propre à tout être humain? C'est ainsi que l'auteure nous explique que par conséquent « dans l'ordre musulman, l'individu n'est pas tenu de supprimer ses instincts ou de les contrôler pour le principe, il lui est demandé seulement de les utiliser conformément aux exigences de la loi religieuse; »24 .

Par la suite l'auteure analyse la manière dont est perçu le désir sexuel, un désir émanant de deux anatomies différentes (sexe féminin et masculin) mais complémentaires, une complémentarité constituant l'essence même de la création divine, une création ayant pour but de satisfaire les désirs charnels et de perpétuer l'existence humaine sur terre. De plus, l'auteure nous explique que le fait d'éprouver une volupté, satisfaire un désir charnel amène l'individu à aspirer à la volupté parfaite et éternelle promise au paradis, ainsi il accomplira les devoirs religieux au cours de sa vie sur terre afin d'être récompensé comme promis dans les écrits coraniques. C'est une stratégie divine permettant donc de réguler les instincts naturels présents chez l'Homme.

Ensuite l'auteure se penche plus particulièrement sur la question de la sexualité féminine: « active » ou « passive »? Elle commence par nous présenter une distinction faite par Georges Murdock25 :

24 « Sexe, ideologie, Islam » Page 5- chapitre 1

25 Anthropologue américain

Régulation des instincts sexuels:

Société Occidentale

Société islamique ( « traditionnelle »)

« Forte intériorisation des interdits sexuels au cours du processus de socialisation primaire » pour maintenir le respect des règles sexuelles.

« [...] barrières de précautions extérieures

telles que les règles de conduites ségrégationnistes » pour maintenir le respect des règles sexuelles.

Il semble évident que s'agissant des sociétés où le voile islamique est de rigueur, elles se situent dans la catégorie des sociétés islamiques. C'est en ce sens que nous comprenons que cette catégorie préserve la chasteté des filles avant le mariage par une barrière non seulement morale mais aussi physique dans la mesure où ces sociétés mettent en place un mode vestimentaire adapté (le voile), une haute surveillance, un chaperon constant (joug patriarcal), ...afin de garantir cette chasteté. Contrairement aux sociétés occidentales où les règles relatives à la préservation de la chasteté et l'évitement de l'adultère sont intériorisées au cours de la socialisation de ces individus; la socialisation suffit à elle seule pour la garantie de cet ordre moral. Dans ces sociétés on accorde donc une plus grande liberté individuelle aux femmes sachant que les principes moraux intériorisés suffisent. L'auteure poursuit cette analyse en se référant à une réflexion faite par le féministe égyptien Amin Kacem26 : dans une société où il existe une ségrégation spatiale et où l'isolement et la séparation de la femme prédominent, cela témoigne de la capacité chez la femme de contrôler ses instincts contrairement aux hommes qui doivent garder éloigné le corps de la femme. Le concept de la sexualité de la femme est donc implicitement actif dans la mesure où c'est l'incapacité chez l'homme à se contrôler qui l'oblige à rester éloigné et isolé de lui (par le port du voile, la ségrégation spatiale,...). C'est donc un moyen de protéger les hommes et non les femmes. Amin Kacem part du constat d'une crainte de la « fitna »27 en Islam, c'est-à-dire de la crainte du chaos, du désordre pouvant être généré par l'absence d'un contrôle moral et sexuel dans la société. « Fitna » signifiant également « une belle femme » on peut penser que la crainte est liée à la beauté dévastatrice du corps de la femme que l'on doit maintenir caché étant donné ( si l'on suit sa logique) que l'homme est faible et ne peut se contrôler.

C'est ainsi que l'auteure consacre une partie sur la « peur de la sexualité de la femme » ; elle y rappelle la théorie de la sexualité passive de la femme de Freud car selon celui ci « l'agression chez la femme est tournée vers l'intérieur en accord avec sa passivité sexuelle » (P.24); conformément au règles sociales et aux normes dominantes la femme se doit d'intérioriser ses pulsions et sa sexualité

26 Féministe musulman à l'origine de la création du code du statut personnel de la femme dans la législation tunisienne

27 Chaos, désordre social

expliquant cette tendance masochiste chez les femmes. L'absence d'une sexualité active rend la femme « masochiste et passive. ». C'est en suivant cette logique analytique que l'auteure explique que la sexualité de la femme musulmane est considérée comme étant active puisque tournée vers l'extérieur elle est dotée d'une séduction fatale qu'il faut cacher. C'est une attraction qui réduit l'homme à un être passif qui subit cette attraction.

Cette attraction est vue comme une fatalité entrainant le chaos, la « fitna » qu'il faut donc éviter et qui caractérise l'agressivité sexuelle de la femme musulmane. Ensuite l'auteure analyse la pensée populaire marocaine qui a une forte tendance à diaboliser le sexe féminin comme étant source de désordre et de destruction.

La femme est donc une force destructrice de l'ordre social est ceci est valable dans la majorité des sociétés musulmanes.

L'interprétation de la sexualité a pris deux directions selon qu'on se situe dans la société occidentale ou la société arabo-musulmane. En effet , selon l'analyse Freudienne , l'Occident chrétien attaque la sexualité en elle-même comme étant la partie incarnant le mal dans chaque individu , une partie ( la chair) qu'il faut surpasser pour atteindre la raison qui représente le bien et la noblesse de l'esprit humain. L'individu serait divisé entre ces deux parties qui s'opposent. Alors que la vision de l'Imam Ghazali28 stipule que le mal est incarné en la femme elle même, elle est « fitna » donc représente un danger et détient un « potentiel destructeur démesuré »29.

On comprend ici que dans la pensée islamique la sexualité en soi n'est pas perçue comme étant négative au contraire elle à des fonctions positives sur l'ordre social; ceci dit le danger de celle ci s'exprime uniquement à travers la femme qui peut être source de trouble.

Ensuite l'auteure nous expose le parcours du prophète Mahomet dans ses relations avec les femmes, ses mariages et la manière dont il percevait les liens matrimoniaux.

28.Célèbre penseur musulman perse dont l'influence philosophique est considérable dans la civilisation musulmane

29 Ibid. Page 9.

La première femme du prophète fut Khadija ( riche et puissante commerçante âgée de 40 ans lorsqu'elle demanda au prophète de l'épouser séduite par son honnêteté); ensuite à la mort de Khadija il épousa aicha, puis d'autres femmes dont Maria30 et deux juives31, cependant mise à part Aicha les autres femmes étaient des concubines avant l'établissement divin de la règle limitant à 4 le nombre de femmes à épouser et sous des conditions bien établies.

On en retient que le prophète exprimait une grande vulnérabilité face aux femmes, une vulnérabilité qu'il associait souvent à l'amour et à la tendresse (en particulier vis-à-vis de la femme qu'il a le plus aimé : Aicha). C'est à partir de la vie du prophète, de ses faiblesses, de son expérience personnelle le rapprochant du commun des mortels qu'un certain nombre de codes et des valeurs relatif a la vie conjugale et matrimoniale ont été mis en place.

L'ordre social crée par le Prophète est un État patrilinéaire où l'institution de la famille est une composante centrale dans l'équilibre de la « Umma »32.

Cependant aujourd'hui le processus de modernisation a influé dans les structures sociales islamiques par l'entrée des pays musulmans dans le marché mondial. C'est ce changement que connaissent petit à petit les sociétés musulmanes actuellement qui s'articule autour des luttes contre l'apport symbolique et idéologique occidental.

L'analyse de cet ouvrage central de Fatima Mernissi nous offre une explication sociologique et historique qui vient appuyer les discours féministes musulmans, car on comprend que le statut de la femme en terre d'islam est intimement lié à cette vision de la sexualité ainsi que la construction historique de la culture musulmane.

L'engagement de cette sociologue consiste en la remise en cause de certains hadith33 islamiques de la vie du prophète afin de dénoncer les interprétations abusives ainsi qu'une construction d'un édifice social fondé sur une misogynie remontant à une période pré-islamique dont l'héritage se ressent dans l'interprétation de certains écrits. Elle se penche sur le cas du Maroc à la fin de son ouvrage afin de mettre la lumière sur les répercussions de telles constructions historiques sur la vie quotidienne des femmes marocaines34.

30 Une chrétienne copte

31 Safiya Bint Huyay et Rayhana Bint Zayd

32 Désigne l'ensemble de la communauté musulmane

33 Récits de la vie du prophéte

34 Mariages précoces, mariages forcées, dévalorisation de l'éducation féminine ( et ce surtout en milieu rural)

Cette sociologue marocaine fait un travail de déconstruction des discours religieux et une analyse sociologique fine du quotidien d'un ensemble de femmes au Maroc35 afin de mettre en évidence l'impact d'un « islam masculin » faisant de la femme un être dangereux dont le confinement dans l'espace domestique est la seule garantie du maintient d'un ordre social et moral.

L'approche de cette féministe est une approche qui dénonce et dresse un bilan accablant des conséquences de l'instrumentalisation de la religion pour légitimer la domination masculine.

35 Entretiens et statistiques

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984