Annexe 12
Bilan et perspectives du festival Chroniques Nomades.
Compte-rendu d'entretien : CLaude Geiss, directeur artistique du
festivaL Chroniques Nomades, HonfLeur, Le 21 mai 2006.
La retranscription servile a été validée
par l'interviewé.
BILAN ET PERSPECTIVES DU FESTIVAL CHRONIQUES NOMADES DE
HONFLEUR
Interview de Claude Geiss, directeur artistique du
Festival Chroniques Nomades
Par rapport aux différents emplois que peut
générer un festival comme celui de Chroniques Nomades, vous
arrive-t-il de travailler avec des bénévoles ?
Non, je ne travaiLLe pas avec des bénévoLes, car
dans des viLLes très touchées par Le chômage comme
HonfLeur, Le bénévoLat n'existe pas. Les premières
années, j'ai travaiLLé avec une agence intérimaire qui me
proposait une main d'oeuvre « quaLifiée » mais, La pLupart du
temps, c'était une réeLLe catastrophe car eLLe n'avait aucune
motivation. Je n'ai donc jamais travaiLLé avec des
bénévoLes mais uniquement avec des gens aux conditions de vie,
notamment famiLiaLe, assez difficiLe. C'est L'envers de La médaiLLe dans
une beLLe viLLe touristique comme HonfLeur, ceLa donne un côté
moins « gLamour ». On retrouve une popuLation en dehors des beaux
quartiers qui « gaLère » et travaiLLe dans La
précarité La pLus totaLe.
En majorité, votre équipe permanente
est-elle constituée de personnes de la région ?
Bien sûr, tout d'abord, pour une question
budgétaire, ceLa m'est pLus faciLe car iL n'y a pas de frais
d'hôteL suppLémentaire à régLer. Par exempLe cette
édition, j'ai fait venir un professionneL de Paris La veiLLe de
L'ouverture pour prendre en charge L'accrochage, ce qui a donné Lieu
à une facture de défraiement coLossaLe de 1000 euros au Lieu des
150 normaLement prévus... CeLa est bien évidemment Lié au
phénomène de précarité des intermittents du
spectacLe, qui préfèrent travaiLLer moins de temps pour de
grosses factures, quitte à ne jamais revenir par La suite, mais ceLa
entraîne, en contre partie, une détérioration de L'image
des petits métiers, et surtout ceux de services en Lien avec ce type
d'événements.
Existe-il une taxe ou impôt à verser
à la commune pour la réalisation de ce genre de manifestations
?
Non, une association n'est pas assujettie à un
impôt car eLLe est à but non Lucratif. ELLe peut L'être
Lorsqu'eLLe vend du matérieL ou Lorsqu'eLLe a une activité
d'édition dans un voLume proche de ceLui du commerce. En France, Lorsque
L'on réaLise jusqu'à trois événements annueLs, iL
n'y a aucune taxe à verser à La commune. Si c'était Le
cas, se serait La fin de nombreuses associations...
De quelle manière sont gérées les
subventions publiques que perçoit le festival Chroniques Nomades
?
Lorsque L'événement est présenté, ou
queLque fois même après ceLui-ci, iL arrive que certaines
subventions ne soient toujours pas votées. C'est d'aiLLeurs Le cas
à cette date où deux subventions n'ont pas encore étaient
attribuées. On fait aLors un budget « sur Le fiL du rasoir »,
avec un engagement de dépenses sans savoir qu'eLLes vont être
exactement Les recettes. CeLa traduit maLheureusement bien Le fonctionnement
des coLLectivités territoriaLes ou LocaLes, qui réaLisent
cependant L'effort, depuis queLques années, d'être Le pLus en
phase avec Les dates du festivaL afin de nous éviter tout
décaLage de trésorerie.
Avec les prémices du Conseil général
du Calvados en 2006, il semble que les subventions publiques soient
amenées à diminuer pour les éditions à venir,
avezvous pensé à de nouvelles formes de subventions ou de
partenariats ?
Nous n'avons pas attendu Les premiers « craquements
» au niveau des coLLectivités territoriaLes pour se poser cette
question. En ce sens, je me suis rapproché de L'ADMICAL582,
ce qui n'est pas forcement une bonne idée, car toutes Les associations
en ont connaissance et se tournent aLors vers une même Liste de
partenaires. La photographie fait partie des branches Les moins soutenues par
Le mécénat à L'heure actueLLe, contrairement aux arts
vocaux, La musique, Le théâtre, ou encore de nombreux
événements sociaux et humanitaires.
Pour Le mécénat, Le pLus dur est de sortir des
chemins battus et de trouver une entreprise intéressée. IL faut
aLors mener une anaLyse de sa poLitique de communication et voir si eLLe peut
entrer ou non en adéquation avec notre événement. IL
s'agit en ce sens de Leur fournir un « kit », de L'argumenter et Le
construire pour donner au partenaire potentieL Les cLés pour pouvoir
communiquer en interne ou en externe. En effet, comment une entreprise
peut-eLLe justifier La somme dépensée en matière de
mécénat si eLLe effectue paraLLèLement des Licenciements
?
582 Association de loi 1901 crée en 1979 pour le
développement du mécénat industriel et commercial.
Depuis queLques mois, nous avons donc engagé une
personne en charge du déveLoppement, Frédéric Toussaint,
président d'une société de conseiL en communication
cuLtureLLe. CeLa reste récent car nous n'avions pas ce genre
d'inquiétudes auparavant, mais désormais, iL faut éLargir
nos partenariats. Nous nous y sommes sûrement pris en retard pour cette
édition car Les pLans de budget sont votés à partir de
janvier, mais nous avons de nouveLLes pistes pour 2007. Ainsi, pour Chroniques
Nomades, La démarche sembLe être pLus précise car iL
présente Le seuL festivaL en France qui traite de La photographie de
voyage, La trame de communication reste donc reLativement simpLe. Les
entreprises qui traduisent une certaine éthique ou qui exercent Le
commerce équitabLe peuvent aLors être des pistes
intéressantes pour Chroniques Nomades. Cependant, Le recours au
mécénat sembLe être de pLus en pLus difficiLe car Les
partenaires sont pLus « prêt de Leurs sous » et prennent pLus
de temps pour verser Les subventions.
Cette année, le Prix Chroniques Nomades n'a pas
lieu, cela tient-il a la baisse des subventions publiques ?
Cette aventure, soutenu par notre partenaire privé FUJI
FiLm a commencé iL y a cinq ans et a donné Lieu à de
très beLLes aventures et histoires. Ce Prix fonctionne grâce
à un dossier de candidature que doivent rempLir Les Lauréats qui
y expLique Leur projet de voyage. Ensuite, pLus ceLui-ci est intéressant
et pLus ceLa peut aboutir. Pour Les éditions précédentes,
quatre Lauréats sur cinq étaient des Lauréates, ce qui
montre que La pratique de La photographie se féminise, eLLes sont en
effet pLus Libres qu'avant. Mais FUJI FiLm, qui a de sérieux soucis
financiers à L'heure actueLLe à cause du numérique, n'a
pas eu Les reins assez soLides et a du réduire très vite son
soutien pour de nombreux festivaLs. CeLa est très
désagréabLe pour Chroniques Nomades qui tient à soutenir
La création contemporaine. Cependant, pour un autre festivaL comme Visa
pour L'Image à Perpignan, c'est un budget coLossaL qui passe à La
trappe. Les répercutions de ce type interviennent même à
L'écheLLe internationaLe. En effet, j'ai entendu récemment sur
France info que toutes Les usines FUJI du Japon ont fermé et on
été transférées en Chine.
Cet exempLe souLigne L'intérêt qu'iL y a à
ne pas se jeter aveugLement sur Les mêmes partenaires privés qui
sembLent avoir de moins en moins de moyens, mais de se tourner vers des
entreprises pLus éLoignées de La photographie. Mais iL y a de
grandes chances que La bourse Chroniques Nomades reprenne dès
septembre...
Le Festival OFF des Chroniques Nomades fêtait cette
année son sixième anniversaire, quel peut être aujourd'hui
votre bilan entre interactions IN et OFF ? Je suis natureLLement
contre tout ce qui est barrière ou frontière, car même si
La tradition dans La photographie et La cuLture est d'être une famiLLe
où « tout Le monde s'aime », iL existe maLgré tout des
secteurs, des cLans, comme par exempLe La photographie documentaire
méprisée par La photographie conceptueLLe. Ce sont des fissures
qui partagent en deux La photographie.
ParaLLèLement, iL existe Le OFF, qui enrichie Le regard
sur La photographie, et regroupe de jeunes taLents qu'iL ne faut cependant pas
confondre avec ceux qui ont déjà un parcours. Ce qui sembLe
regrettabLe chez ces derniers, est qu'iLs ne veuLent surtout pas donner de
conseiLs ou s'approcher des jeunes. Pourtant, L'intérêt est pLus
dans L'enrichissement que dans L'isoLement. Pour exempLe, à ArLes ou
à Perpignan, et même à Madrid avec Madrid Photo Espana, iL
y a un confLit vioLent qui dure entre Le IN et Le OFF. ParadoxaLement, ceLa
peut queLquefois éveiLLer L'attention des professionneLs qui jettent
aLors un coup d'oeiL au OFF. En effet, iL est « rafraîchissant
», permet d'avoir un aperçu sur Les nouveLLes tendances, et peut
pLaire à ceux qui sont bLasé par Les grandes expositions un peu
conventionneLLes.
A HonfLeur, Le OFF enrichi La programmation mais iL a
queLquefois L'inconvénient d'accueiLLir des photographes un peu
dissipés, qui n'on pas compris que Le reLationneL est très
important dans ce métier. On assiste dans Le OFF à queLques
dérapages propres aux jeunes photographes. CeLa ne me gène pas
outre mesure, iLs n'ont juste pas encore compris qu'iL faut savoir se tenir,
avoir une attitude de prudence pour se faire accepter. Les photographes qui ont
une manière de présenter Leur travaiL avec une grande
discrétion et poLitesse, on Les remarque tout de suite et on Les suit.
En effet, si on apprend qu'un photographe est «ingérabLe», on
Lui dit non pLus faciLement et Les portes se ferment très vite. Le
reLationneL est vraiment très important, c'est capitaL, ceLa n'est pas
appris dans Les écoLes de photographie mais doit être natureL.
Prévoyez-vous le développement de nouveaux
événements en parallèle du festival Chroniques Nomades
pour les éditions à venir ?
J'ai effectivement un projet qui est déjà
construit et presque prêt. CeLa s'appeLLera «Les Rencontres de
Chroniques Nomades» : une rencontre d'une trentaine de personnes autour
d'un photographe. J'ai très envie de travaiLLer avec Les scoLaires
égaLement, qui ont un enthousiasme et une fraîcheur d'esprit pour
LesqueLs iL existe des quantités d'axes à expLoiter. Mais Les
rencontres vont se faire, c'est sûr.
Aujourd'hui, iL y a beaucoup de choses à faire, car
L'événement à bien été compris, c'est donc
pLus faciLe. Je suis même entré en contact avec une association de
jeunes de HonfLeur et nous aLLons sûrement faire des choses ensembLe.
Combien de temps à l'avance vous y prenez-vous
pour organiser votre festival ? Je commence dès à
présent à voir de nouveaux dossiers, mais aujourd'hui, avec
TrouviLLe, je dois chercher pLus de sujets et de projets de co-production. En
effet, Chroniques Nomades travaiLLe égaLement avec des
événements étrangers, notamment un festivaL au Cambodge
à Angkor qui a vu sa première édition cette année.
Si un sujet en commun nous pLaît, je Leur demande si iL est possibLe de
produire à deux Les expositions. ILs sembLent surtout
intéressés par Les sujets qui traitent de L'Asie, comme Le sujet
de Patrick Brown exposé cette année à
HonfLeur583.
Entretenez-vous le même type de collaboration avec
les festivals de photographie de Arles ou Perpignan ?
En effet, c'est surtout Le cas pour Perpignan mais aussi avec un
festivaL de BrookLyn qui va naître à La fin de L'année, un
événement sur Le métissage photographique.
De quelle manière envisagez-vous le
développement exponentiel du nombre de festival en France, notamment en
ce qui concerne les festivals de photographie ? Je suis tenté
de voir ceLa positivement. L'effet premier est d'amener Le pubLic à La
photographie. En effet, on rattrape aujourd'hui Le retard accumuLé
depuis queLques dizaines années, contrairement aux angLais ou aLLemands
qui ont une éducation de L'image que L'on n'a jamais eu en France. Les
jeunes générations commencent à acheter et à
coLLectionner, ce qui est bien évidement positif pour Les photographes
qui vivent beaucoup moins de La presse ou de L'édition. Mais
paradoxaLement, je pense que ceLa peut aussi être responsabLe d'un
certain « étouffement » car beaucoup
d'événements se « tirent dans Les pattes » quand iLs
sont sur Le même territoire ou traitent du même sujet.
Pour des événements « aduLtes » comme
Chroniques Nomades, Visa pour L'Image, Etonnants Voyageurs à Saint MaLo
Photo Espana à Madrid, je considère que L'on est à
même de se pLacer un peu au-dessus de ce type de comportements. Nous nous
appeLons souvent et trouvons des accords, surtout au niveau des dates, afin de
se partager La disponibiLité des journaListes ou Les signatures
d'ouvrage. Nous avons
583 Poaching in Asia, Le trafic des animaux sauvages,
exposition de Patrick Brown présentée au Festival Chroniques
Nomades à Honfleur du 13 au 28 mai 2006.
donc de bonnes reLations, mais eLLes peuvent être pLus
désordonnées pour de jeunes événements qui ne
regardent pas trop ce qui se passe autour. Certains journaListes sont
tiraiLLés entre des événements qui prennent pied un peu
sur tout Le territoire, La presse peut donc s'éparpiLLer. Par exempLe,
L'année dernière, iL y a eu un recensement de 74
événements photographiques en France.
Enfin, dans le contexte financier, politique et de
concurrence que vous avez pu nous décrire, la notion de
pérennité semble donc être primordiale ?
En effet, iL existe des menaces sur Les événements
photographiques, surtout pour La Basse-Normandie. A Cherbourg, un festivaL
reste dans L'ombre car La photographie qu'iL présente est difficiLe
d'accès, très cérébraLe et conceptueLLe qui vient
peut-être de Leur répuLsion pour Le partenariat privé. Leur
« éthique » est : 0 euros de partenariat privé et 100%
de subventions pubLiques. Un projet de Centre RégionaL de La
Photographie associé à L'enseignement et à La construction
d'un bâtiment est en cours de réaLisation. Un teL projet est une
réeLLe « pompe » aux financements, ceLa fonctionne en vase
communiquant, iL y aura moins d'argent pour Les autres et ceLa est à
prendre en compte... Comme Les budgets sont déjà en baisse, ceLa
risque d'affaibLir Les événements voisins.
Interview réalisée le dimanche 21 mai 2006
à Honfleur.
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