Conclusion
Le présent travail de recherche entend
appréhender la manière dont la création des AMP à
Madagascar s'intègre dans la gestion environnementale du pays. Dans
quelles mesures ces Aires Protégées particulières
contribuent à son évolution et selon quelles orientations ? La
mise en évidence du contexte et des modalités de la
création de l'AMP dans la baie d'Ambodivahibé devait permettre
d'apporter des éléments de réponse à ces questions.
Dans la mesure du possible, la démarche de cette analyse
interactionnelle se veut à double sens, entre le concept d'AMP et le
contexte environnemental malgache.
L'analyse de ces deux éléments a mis en
évidence les enjeux de la situation et permis de soulever des
hypothèses pertinentes. L'étude de cas a, quant à elle,
fourni une compréhension de la réalité de ce type de
projet. Les logiques d'acteurs et les influences contextuelles à
différentes échelles ont été identifiées au
même titre que les origines des difficultés rencontrées. Le
travail sur l'incidence des spécificités propres aux AMP n'a par
contre pas pu être suffisamment développé. Le manque de
recul concernant les AMP à Madagascar a aussi limité
l'évaluation de ses conséquences d'un point de vue global.
Les AMP représentent un phénomène mondial
démontrant l'importance et la pertinence attribuées par les
acteurs de la conservation à l'utilisation des AP dans la gestion de
l'environnement. Au niveau local les enjeux territoriaux associés aux
AMP sont très importants. Dans les années 1990, des
réponses ont déjà été apportées
à ce type d'enjeux concernant les AP. Elles ont rencontré de
nombreuses difficultés et le contexte environnemental malgache actuel
montre que cette démarche y est plus que problématique. La
création de l'AMP à Ambodivaibe représente un processus
qui rencontre des blocages majeurs. Ces derniers sont révélateurs
de l'approche conservatrice développée et montrent bien son
inadéquation vis-à-vis des territoires concernés.
Conditionné par un programme national établie dans l'urgence,
l'opérateur et le promoteur de l'AMP ont été largement
sous estimés les investissements en temps et en préparation. Il
en résulte une certaine précipitation dans le projet
accentuée par les nombreux retards accumulés. La focalisation sur
la préservation de la biodiversité selon des critères
occidentaux et la concrétisation d'un projet répondant à
des engagements internationaux (congrès Durban) se font au
détriment de considération relative au développement local
et à l'appropriation du projet par les communautés
concernées. Il en résulte un projet d'AP mal défini par
les opérateurs et incompris par les acteurs locaux.
Une meilleure compréhension du territoire semble
nécessaire afin d'en développer une intelligence plus
complète, acceptée par toutes les parties prenantes. La
diversification, la spatialisation et la diffusion des données
mobilisées pourraient s'appuyer efficacement sur le potentiel reconnu
des nouvelles technologies de l'information. Face aux difficultés que
rencontre l'intégration du projet à l'échelle locale, une
approche plus ouverte reposant sur la planification territoriale ascendante
pourrait également apporter des solutions. Le pouvoir donné aux
acteurs locaux semble à ce sujet plus efficace que la fenêtre
participative qui leur est timidement ouverte.
Conséquemment, on peut affirmer que la création
des AMP appuie une certaine radicalisation de la conservation à
Madagascar. Les conditions de leur mise en oeuvre traduisent un
éloignement flagrant du paradigme environnemental intégrateur.
Les normes internationales y sont prépondérantes tandis que la
mobilisation nationale révèle une approche contrainte laissant la
place à l'intervention soutenue des ONG et des acteurs exogènes.
La réalité des enjeux locaux relatifs à la gestion de
l'environnement marin et littoral n'est pas réellement prise en compte.
Dans un contexte de détérioration des relations entre les
acteurs, les blocages
sont renforcés par l'absence de médiation dans un
processus qui laisse donc transparaître une certaine violence.
La mobilisation de cette étude de cas a vraiment permis
de mettre en évidence les montages institutionnels et les
mécanismes d'action propres à la vision de la conservation
actuellement opérante à Madagascar. Face à la
prépondérance avérée de l'échelle
internationale dans la gestion de ces territoires, on peut à juste titre
s'intéresser aux moyens d'inverser la tendance. Sur quels outils
méthodologiques pourrait s'appuyer l'accompagnement de dynamique plus
endogène ? La question de l'articulation des différentes
échelles d'analyse et d'action permettant de dépasser les
conflits constatés reste entière et se place également au
coeur des débats.
Index des Figures
Figure 1 : La pêche traditionnelle à Madagascar, un
contexte en mutation
à l'origine de nouvelles pressions 7 p
Figure 2 : Chronologie d'une prise de conscience internationale 8
p
Figure 3 : Le système littoral, une structure spatiale 11
p
Figure 4 : La friction territoriale entre un espace
protégé et une société locale 12 p
Figure 5 : Positionnement individuel par rapport à
l'espace protégé 13 p
Figure 6 : Traduction collective et impact sur la gestion de
l'espace protégé 13 p
Figure 7 : Concrétisation du changement de paradigme
appliqué aux Aires Protégées 15 p
Figure 8 : Une composante marine importante associée
à des milieux diversifiés 17 p
Figure 9 : La gestion de l'environnement à Madagascar :
système d'influence
et de flux financiers 19 p
Figure 10 : Les AMP à Madagascar, état de lieux en
2009 20 p
Figure 11 : La mise en place des nouvelles AMP depuis la vision
Durban 21 p
Figure 12 : Tourisme et Aires Protégées dans la
région de Diana 24 p
Figure 13 : Répartition du tourisme et des Aires
Protégées au Nord de Diana 25 p
Figure 14 : Emprise spatiale de l'AMP et territoires
administratifs concernés 26 p
Figure 15 : Ampondrafeta, une des plages remarquables faisant
déjà l'objet
de spéculation foncière 26 p
Figure 16 : Milieux naturels au sein de l'AMP 27 p
Figure 17 : Schématisation théorique du zonage de
l'AMP 33 p
Figure 18 : Débat animé entre leaders locaux lors
du zonage participatif à Ambodivahibe 34 p
Figure 19 : Une délimitation initiale modifiée par
le processus 35 p
Figure 20 : Le cercle « vertueux » de la conservation
38 p
Figure 21 : Les grandes étapes du projet jusqu'à sa
confrontation avec l'échelle locale 39 p
Figure 22 : Echelles d'action et niveaux l'implication des
acteurs, une logique interventionniste 40 p Figure 23 : Une organisation
relationnelle à l'origine des blocages 41 p
Liste des acronymes utilisés
AMP : Aire Marine Protégée AP : Aire
Protégée
CI : Conservation International
SAGE : Service d'Appui à la Gestion de l'Environnement
MBG : Missouri Botanical Garden MNP : Madagascar National Park
MEFT : Ministère de l'Environnement de la Forêt et du Tourisme
ONE : Office National de l'Environnement
SRPRH : Service Régional de la Pêche et des
Ressources Halieutique
UICN : Union International pour la Conservation de la Nature
COI : Commission de l'Océan Indien COAP : Code des Aires
Protégées
SAPM : Système d'Aires Protégées de
Madagascar
MAP : Madagascar Action Plan
ICBG : International Cooperative Biodiversity Group
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