4.7 Les limites de la démarche d'analytique mise en
oeuvre
Le projet analysé sur une courte période
était dans une dynamique particulièrement active. Il n'a pas
été évident dans ces conditions de prendre le recul
nécessaire à l'exercice d'analyse. Les barrières
culturelles et linguistiques ne doivent pas être négligées.
Toutes les allocutions et les conversations auxquelles j'ai assisté
n'ont pu m'être traduites. Quand elles l'ont été, il faut
prendre en compte les biais liés à cet exercice. La traduction
passe par une réflexion et une reformulation qui peut nuire à
l'authenticité ou la qualité de l'information (Tröger,
2004). Ne disposant pas d'un interprète, les traductions ont
été réalisées selon les situations par une grande
diversité d'individus (Chargé de projet, agent technique ou
stagiaire du SAGE et de CI, membre des communautés locales). Elles
représentaient alors une occasion de plus pour pratiquer une certaine
censure pour des raisons variables et propres à chaque traducteur. Cet
aspect m'a notamment empêché de vraiment pouvoir mener des
enquêtes approfondies auprès de l'ensemble des communautés
locales. Il est aussi clair que vu mon statut de jeune « expert »
occidental, toutes les informations ne m'étaient pas accessibles.
Contribuant pour beaucoup à sa compréhension, la
spatialisation de l'analyse est sûrement un point qui aurait dû
être plus développé. Malheureusement, vu les
difficultés d'obtention auprès des rares techniciens en SIG du
projet et le caractère réduit et imprécis des
données disponibles, la production de supports cartographiques est
restée très limitée.
5. L'intégration locale, le point faible du
projet
5.1 De la pensée globale à un blocage
local
Un projet d'AMP qui rencontre des difficultés en
partie prévisibles
Le déroulement chronologique l'a bien montré, la
création de l'AMP est un processus mouvementé et
particulièrement complexe.
De nombreuses difficultés d'ordre méthodologique
ont pu être identifiées. L'intégration des actions de
terrain au sein du rythme de la vie villageoise n'a pas été
facile. La gestion et la coordination dans le temps des différentes
phases du projet se sont montrées difficiles. Les retards du processus
à Ambodivahibe causé par l'opposition ainsi que les retards dans
la livraison des diagnostics ont handicapé les restitutions et les
validations au niveau local.
L'implication des communautés locales est surtout
restée très limitée. Dans ce contexte, la participation et
l'obtention d'un accord réel sur la définition des
modalités de l'AP entre le SAGE et les acteurs les plus concernés
ont représenté les difficultés majeures du projet. Les
vrais conflits générés par l'AMP n'ont en fait jamais pu
être abordés lors des réunions d'information et de
validation. En effet, particulièrement paisibles sur le moment, ces
dernières étaient très souvent suivies de manifestations
d'opposition dans les semaines qui suivaient.
La réalité du projet révèle
certaines contradictions par rapport à ses objectifs de
développement et d'implication des acteurs locaux. Elle fait
également apparaître des conflits de représentation entre
les différents acteurs impliqués. La complexité
géographique du processus génère également des
déphasages entre les temporalités politiques, économiques,
sociales et environnementales.
Le projet s'est aussi retrouvé devant une situation de
plus en plus complexe qui dépassait largement ses promoteurs locaux.
L'augmentation des pressions sur les ressources, les espaces et les acteurs
clés en sont une bonne illustration.
- Une intégration au niveau local qui reste
très limitée
Globalement ce projet n'est pas bien compris par les
communautés et les leaders locaux. Ses objectifs, les
intérêts qu'il présente ainsi que les modalités du
processus ne sont pas bien cernés et restent flous. Son
interprétation donne lieu aux hypothèses les plus alarmantes qui
sont, bien sûr, reprises par ses détracteurs. Perçu comme
une menace, une remise en cause de leurs droits, le projet n'est absolument pas
investi par les communautés. La dynamique au niveau local est faible.
Des acteurs extérieurs au territoire animent donc le processus qui de
surcroît n'est ni accepté ni approprié par les acteurs
locaux.
Les problèmes générés par la crise
politique concernant le projet traduisent bien la sensibilité et la
fragilité de cette approche venue d'en haut vis-à-vis d'une
conjoncture nationale dont l'instabilité est importante.
- Une réelle distorsion entre le discours officiel
et les perceptions des acteurs
L'ONG Conservation International met en avant concernant ses
objectifs et ses modes d'action un discours reposant sur une approche
dialectique et constructive du couple environnement/développement. Les
documents cadres du SAPM tel que le manuel de procédure de
création des AMP insistent également sur l'importance du
développement engendré à toutes les échelles par le
classement d'espaces protégés. Le projet est donc
présenté comme la solution idéale pour la conservation de
la biodiversité et au développement du territoire. En
réalité, il est principalement porteur de contraintes pour les
communautés locales alors que les opérateurs se rendent compte
que sa mise en oeuvre reste très problématique.
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