L'union pour la méditerranée, quel avenir?( Télécharger le fichier original )par Khoudir Leguefche Université Pierre Mendès-France de Grenoble - Master 2 2009 |
II. La naissance difficile de l'UPMDés que, Nicola Sarkozy a lancé son appel à une union méditerranéenne, les pays concernés ont réagit de manières différentes. Allant de l'accueil favorable au rejet catégorique, les réactions des pays de la rive Sud sont marquées par le refus libyen et la préoccupation des arabes quand à la participation d'Israël. Du coté Nord, les positions de l'Allemagne de l'Espagne sont les plus sceptiques. a) Un projet marqué par le refus et l'indifférence du coté Sud Si, l'Union pour la méditerranée n'est miraculeusement pas morte après un an de son lancement, comme l'a estimé un journaliste144 ; sa naissance a été caractérisée par un climat de suspicion chez les uns, de méfiance chez les autres et de rejet chez certains. Le 10 Juin 2008, à l'occasion d'un mini sommet organisé à Tripoli et regroupant les chefs d'Etat de la Syrie, la Tunisie, la Mauritanie, l'Algérie et le premier ministre marocain en plus du leader libyen, à prés d'un mois du sommet de Paris sensé lancé officiellement le projet d'UPM, le colonel libyen Mouammar Kadhafi a rejeté l'initiative. Ce dernier a déclaré que : « Nous sommes des pays membres de la Ligue arabe et aussi de l'Union africaine et nous ne prendrons en aucun cas le risque de déchirer l'unité arabe ou africaine. Il faut que nos partenaires [Européens, NDLR] comprennent bien cela »145. Il a ajouté : « Nous ne sommes 144 L'an I d'une UPM pas morte mais pas très vivante, Les Afriques, article disponible sur : http://global.factiva.com/aa/?ref=LESAFR0020090723e58q0000w&pp=1&fcpil=fr&napc=p&sa from= 145 Propos rapportés par le quotidien français « Le point » du 10 Juin 2008, disponible sur : http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2008-06-10/kadhafi-rejette-l-union-mediterraneenne-de-nicolassarkozy/924/0/251891 ni des affamés ni des chiens pour qu'ils nous jettent des os ». Si le leader libyen n'a réussi à rallier à sa position aucun autre Etat, son rejet suscite des interrogations. Du coté français, l'attitude de Kadhafi a été mal comprise, il était attendu que se dernier se montre plus indulgent envers le promoteur de l'initiative qui vient de l'accueillir à Paris malgré la controverse liée à sa visite. Mais, réduire l'analyse à ce point est loin d'être convaincant. Le rejet libyen soulève deux questions principales. La première est que l'initiative s'adresse réellement à une partie des pays arabes et africains mais pas à la totalité des deux ensembles. Rien qu'on faisant un parallèle entre l'attitude allemande- jugée légitime comme nous verrons par la suite- qui a suggéré que l'initiative soit européenne et l'attitude libyenne, bien que le coté Sud est loin d'être un espace intégré, n'est-il pas légitime de s'interroger si cette initiative ne pourra pas saper les efforts (ou plutôt les chances) d'intégration au Sud de la Méditerranée ? La deuxième est que les propos du leader libyen reflètent une incompréhension totale, l'aide fournie par l'Union européenne est sujette à polémique. D'où le besoin d'un travail d'explication et des efforts en plus en matière de communication de la part des européens d'un coté, de l'autre, l'approche européenne basée sur la conditionnalité politique, le libre échange et l'aide au développement ne fait pas de différence entre les pays de la région, pourtant le PIB/ habitant est proche des pays développés dans le cas de la Libye par exemple. D'où la nécessité d'adopter une approche différente vu que la conditionnalité politique ne fonctionne que dans les pays qui ont besoin des fonds européens. « Si le Maroc, la Tunisie, l'Égypte, le Liban, la Jordanie et Israël ont vite joué le jeu, la Syrie, l'Algérie, la Turquie ont posé problème »146. Dans le camp de ceux qui ont été pour l'initiative, il faut souligner, à titre d'exemple, qu'Israël avait intérêt à exploiter toutes les possibilités qui permettent de nouer des relations avec ses voisins sans régler au préalable la question palestinienne et de cela économiser sur le coût de l'ouverture. Quand au Maroc, il semble tenir au statut avancé avec l'Union européenne auquel il aspire. Vraisemblablement, selon la presse, la Tunisie a obtenu l'appui du président Sarkozy pour qu'elle puisse abriter le siège du Secrétariat de l'Union pour la Méditerranée. L'essentiel dans ce qui vient d'être avancé c'est que la position des uns et des autres a été prise en fonction d'intérêts particuliers et non pas par rapport au contenu de la proposition française, ce qui a laissé prôner les calculs politiques au détriment des enjeux réels du partenariat. 146 Comment Paris a réuni Europe et Méditerranée, Le Figaro du 08/07/2008, disponible sur : http://global.factiva.com/aa/?ref=FIGARO0020080708e47800054&pp=1&fcpil=fr&napc=p&sa from= «Quant à la Turquie, elle a d'emblée perçu l'UPM comme un substitut à sa perspective d'adhésion à l'UE »147, elle n'a donné son feu vert qu'après avoir reçu des garanties que son processus d'adhésion ne sera pas interrompu. Dans le cas de l'Algérie, Le président << Abdelaziz Bouteflika aura donné du fil à retordre aux organisateurs »148. En effet, le suspens a régné sur son éventuelle participation au sommet de Paris sans que cela ne suscite un débat ni au sein de la classe politique ni aux cercles scientifiques sur les enjeux du projet. Vraisemblablement, il a finalement cédé de crainte de se voir isolé et a effectué le déplacement à Paris. b) Le scepticisme des allemands et des espagnoles Au coté nord cette nouvelle initiative a suscité inquiétude et suspicion, d'abord les allemands ont vu d'un mauvais oeil le rapprochement français des anciennes colonies, Angéla Merkel a reproché à la France de vouloir financer sa politique étrangère du budget communautaire et a menacé de se tourner à son tour d'avantage vers l'Europe centrale et orientale. La chancelière allemande a déclaré fin décembre 2007 au cours d'une conférence de presse à Berlin : << Il se pourrait que l'Allemagne se sente pour ainsi dire plus concernée par l'Europe Centrale et Orientale et la France plus attirée du côté de l'Union méditerranéenne : ceci pourrait alors libérer des forces explosives dans l'Union Européenne et cela je ne le souhaite pas »149. Selon l'Agence Europe, << La chancelière allemande Angéla Merkel s'est déclarée, en marge de sa rencontre à Majorque le 30 janvier avec José Luis Zapatero, favorable au développement de la politique méditerranéenne de l'Union européenne estimant, selon l'agence de presse allemande DPA, que le Processus de Barcelone « pourrait être un peu plus vivant, plus intensif ». L'Allemagne est disposée à endosser autant de responsabilités dans cette région que les pays directement concernés, a-t-elle affirmé, allusion directe au projet du président Sarkozy d'une `'Union méditerranéenne» qu'elle a souvent critiqué »150. L'opposition allemande à la vision française du projet a contraint le président français à adapter son projet, après qu'il eu été destiné aux riverains de la Méditerranée, l'appartenance de la France à l'Union européenne a limité sa marge de manoeuvre en matière de politique étrangère, d'ailleurs cela est garanti par les traités qui stipule que les Etats membres de l'UE 147 Le Figaro, Ibid. 148 Ibid. 149 propos rapportés par l'agence internationale d'information, << Agence Europe » le 05 Février 2008, disponible sur : http://global.factiva.com/ha/default.aspx. 150 Agence Europe, Ibid. ont le devoir de prendre compte des intérêts des autres Etats membres dans leurs relations avec les pays tiers. Dorénavant le projet n'est plus français, il est communautaire. Malgré que l'Espagne est un pays méditerranéen et de ce fait, elle est concernée par l'initiative française, elle s'est aligné sur la position de l'Allemagne. La presse a rapporté que << Le secrétaire d'Etat allemand aux affaires européennes, Günter Gloser, et le secrétaire général du ministère espagnol des affaires étrangères, Miguel Angel Navarro, ont insisté sur l'importance du processus de Barcelone et de la politique européenne de voisinage qui sont " parties intégrantes de la politique de l'UE " et dans lesquels " tous les pays européens sont engagés ". Les problèmes posés en Méditerranée sont " des défis communs " qui doivent être affrontés par la politique étrangère et de sécurité commune. Les Vingt Sept doivent y participer avec les mêmes droits »151. Il est clair que l'Espagne s'est opposée au projet quirisquait de faire disparaître le << Processus de Barcelone » auquel elle tenait. C'est pourquoielle a insisté- et a obtenu gains de cause- que toute politique méditerranéenne doive être au sein de l'Union européenne. A Bruxelles, le projet d'Union méditerranéenne a suscité très peu d'enthousiasme, comme le rapporte Le Figaro, « La commissaire européenne aux Affaires extérieures, Benita Ferrero Waldner, critique le flou de l'initiative présidentielle. Elle craint que la France, seulement secondée par les quelques pays européens riverains de la Méditerranée, fasse cavalier seul dans cette région considérée comme stratégique. Ce projet, insiste-t-elle, doit être « mené au sein de toute l'Union, même si certains pays sont plus intéressés que d'autres » 152. Les réactions des uns et des autres sur la rive Nord de la Méditerranée sont marquées par la volonté de tous de prendre part à cette nouvelle initiative, ils ont tous souligné l'importance de la zone. 151 Madrid et Berlin sceptiques sur le projet d'Union méditerranéenne, Le Monde du 28 Novembre 2007, disponible sur : http://global.factiva.com/aa/?ref=LEMOND0020071127e3bs0000r&pp=1&fcpil=fr&napc=p &sa from= 152 Bruxelles se méfie du projet français d'Union méditerranéenne, Le Figaro du 03/09/2007, disponible sur : http://global.factiva.com/aa/?ref=FIGARO0020070903e3930003d&pp=1&fcpil=fr&napc=p& sa from= Si le scepticisme des pays nordiques de la Méditerranée a porté ses fruits en poussant le président français à adapter son projet à leurs revendications. Les pays du Sud de la Méditerranée et la Turquie n'ont laissé aucune emprunte sur le projet. Finalement l'initiative du président français s'est résolue en un projet européen au sein du processus de Barcelone et de la politique européenne de voisinage qui restent le cadre unique du partenariat euro- méditerranéen comme l'a suggéré la présidence du conseil européen du 13-14 Mars 2008153. L'attitude de la France qui a finalement renoncé à certains aspects de son initiative peut s'expliquer par le devoir de loyauté auquel elle s'est souscrite en adhérant à l'Union européenne. A titre d'exemple on peut lire dans l'article 24 du Traité sur l'Union européenne154 (ex article 11 §3) que : << Les États membres oeuvrent de concert au renforcement et au développement de leur solidarité politique mutuelle. Ils s'abstiennent de toute action contraire aux intérêts de l'Union ou susceptible de nuire à son efficacité en tant que force de cohésion dans les relations internationales ». |
|