L'union pour la méditerranée, quel avenir?( Télécharger le fichier original )par Khoudir Leguefche Université Pierre Mendès-France de Grenoble - Master 2 2009 |
Chapitre premier :D'une Union méditerranéenne à une Union pour la Méditerranée Curieusement l'appellation du projet a changé, Dans son projet initial, le président français parlait d'une union méditerranéenne. Ce projet a finalement été baptisé << Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée ». A première vue, on remarque l'introduction du processus de Barcelone qui est devenu le cadre unique du partenariat euro- méditerranéen depuis 1995. Cela veut dire qu'il ne s'agit pas d'un projet alternatif, mais d'un projet qui s'inscrit dans la continuité. La deuxième remarque est le remplacement d'union méditerranéenne par << Union pour la Méditerranée ». On peut avancer que le projet initial concernait les pays riverains de la Méditerranée seulement. Mais avant de s'aventurer, il est plus prudent d'analyser l'évolution de ce projet. Cela est possible à travers la lecture des différents discours et actes qui concernent ce projet pour voir l'écart entre la proposition initial et le projet final pour mesurer l'ampleur de la différence (I). Le suivi du parcours du projet démontre que son aboutissement n'a pas été facile, le président français a vu juste en laissant à ses partenaires la possibilité de donner au projet sa forme finale. Au Sud comme au Nord, les réactions à l'initiative ont été nombreuses au point que la France a été obligé de renoncer à la conception initiale du projet (II). Cependant, ce qui divulgue la nature d'un projet c'est ces institutions, d'où l'intérêt de les dénombrer dans ce cas (III). I. L'initiative selon les textesLes textes qui ont traité la nouvelle initiative sont diversifiés, allant de discours de compagne électorale à des déclarations officielles conjointes en passant par des rapports de groupes d'experts. Pour comprendre les contours du projet, on insistera particulièrement sur le discours de Toulon (a), celui de Tanger (b), la déclaration de Rome (c) et celle de Paris (d). Certains textes comme le rapport Avicenne, la communication de la commission à la demande du conseil européen sur << le processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée » et la déclaration des ministres des affaires étrangères euro- méditerranéens de novembre 2008 ne seront pas ignorés. a) Le discours de Toulon138 : Le 7 Février 2007 à Toulon, le candidat aux présidentielles françaises Nicolas Sarkozy a confirmé sa volonté de créer une union méditerranéenne. Dans ce discours, après qu'il a souligné que l'avenir des français est en Méditerranée, et que les européens ont cru en tournant le dos à la rive Sud qu'ils ont tourné le dos au passé alors qu'ils l'ont fait au futur, il a suggéré aux « pays méditerranéens eux-mêmes de prendre en main la destinée que la géographie et l'histoire leur ont préparée ». Il a ajouté que « c'est à la France, européenne et Méditerranéenne à la fois, de prendre l'initiative avec le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Grèce et Chypre, d'une Union Méditerranéenne comme elle prit jadis l'initiative de construire l'Union européenne ». Ensuite le futur président a avancé quelques indices sur la futur construction, « Cette Union Méditerranéenne aura vocation à travailler étroitement avec l'Union Européenne. Elle aura vocation un jour à avoir avec elle des institutions communes parce que la Méditerranée et l'Europe auront pris conscience que leurs destins sont liés ». Selon ces propos, rien n'indiquait que cette Union méditerranéenne regroupera tous les pays européens, il était clair que le futur président s'adressait aux pays riverains de la Méditerranée. Cette construction sera distincte de l'Union européenne, c'est-à-dire que les pays européens concernés auront une double appartenance. L'Union méditerranéenne devrait à terme avoir des institutions commune avec l'Union européenne, ce qui fait qu'elle serait comparable à cette dernière. A la tête de ce nouveau corpus un conseil de la Méditerranée comparable selon les termes du futur président au conseil de l'Europe. La référence au conseil de l'Europe suscite notre attention ; après avoir fait référence à l'effort de la France dans la construction européenne qui appel à l'esprit, la CECA (La communauté européenne du charbon et de l'acier), le marché commun, la supranationalité (la haute autorité) et la méthode communautaire, le futur président parle du Conseil de l'Europe qui réuni plus de 40 Etats européens, qui relève de l'inter- gouvernementalisme et qu'on parle moins de son succès. Cela met en avant une certaine ambiguïté sur le contenu de cette initiative et la forme que ce projet prendra. Peut être que les prochaines étapes apporteront des précisions ! Cette nouvelle construction aura vocation à construire des politiques communes autour des grands domaines, l'immigration, l'écologie, le co-développement et surtout il sera question d'une coopération intégrée dans le domaine de la lutte contre la corruption, le crime organisé et le terrorisme. 138 Discours du président français Nicola Sarkozy de Toulon du 7 Février 2007. http://www.u-mp.org/site/index.php/s informer/discours/nicolas sarkozy a toulon b) Discours de Tanger139 : A Tanger, Sarkozy, alors président, a précisé son initiative ; d'abord il a proposé la méthode suivie lors de la création de l'actuelle Union européenne. Pour lui, il faut s'inspirer des pères fondateurs de l'Europe : « Faisons ce qu'ont fait les pères fondateurs de l'Europe. Tissons entre nous des solidarités concrètes, sans cesse plus étroites, autour de projets pragmatiques qui mettent en jeu les intérêts vitaux de tous nos peuples. Faisons comme les pères fondateurs de l'Europe qui ont fait travailler ensemble des gents qui se haïssaient pour les habituer à ne plus se haïr ». Apparemment, cet extrait du discours limite la portée de la référence aux pères fondateurs de l'Europe, il ne s'agit plus de faire une construction comparable à l'Union européenne, il s'agit seulement de pallier les sentiments de haine ou les dépasser au moins sous la pression de l'intérêt commun aux méditerranéens. Et pourtant le président a évoqué la célèbre formule « Une union sans cesse plus étroite ». Mais cela n'a pas empêché le président de préciser : « Nous ne ferons pas d'emblée l'Union méditerranéenne sur le modèle actuel de l'Union européenne avec ses institutions, ses administrations, son degré élevé d'intégration politique, juridique, économique. Comme l'Union européenne ne ressemble finalement à rien de ce qui a pu être tenté jusqu'à présent pour unir des peuples, il est probable que l'Union méditerranéenne, à terme, ne ressemblera pas à l'Union européenne et à ce qu'elle est devenue mais qu'elle sera, elle aussi, en fin de compte, une expérience originale et unique ». Ce qui importe ici c'est qu'il devenait clair que cette futur Union n'entrera pas en compétition avec l'Union européenne et que jusqu'à présent, le projet garde l'appellation « union méditerranéenne ». Mais le point fort dans ce discours c'est que après que le président a préciser clairement que l'Union méditerranéenne n'a pas vocation à se substituer aux autres initiatives, il a précisé que cette union est un club ouvert aux pays riverains de la Méditerranée uniquement en invitant les autres pays en observateurs, « J'invite tous les Etats qui ne sont pas riverains de la Méditerranée mais qui sont concernés par ce qui lui arrive à participer, en observateurs, à ce premier sommet et à contribuer à sa réussite ». Comme indice sur la nature du projet, le président a avancé que ça sera une union de projet autour de domaine comme le développement durable, l'énergie, le transport, l'environnement et l'eau. En résumé l'approche sera fonctionnelle. 139 http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&cat id=7&press id=572 =fr c) Appel de Rome, 20 Décembre 2007140 A l'issue d'une réunion entre le président français, Nicola Sarkozy et ses homologues espagnol et italien, les trois chefs d'Etat ont fait une déclaration commune. Dans cette déclaration les trois ont précisé que << L'Union pour la Méditerranée aura pour vocation de réunir Europe et Afrique autour des pays riverains de la Méditerranée et d'instituer un partenariat sur un pied d'égalité entre les pays du pourtour méditerranéen ». Bien qu'il n'est plus question d'une union méditerranéenne mais plutôt d'une union pour la méditerranée, le projet ne concerne plus que les pays riverains de la Méditerranée, il concerne Europe et Afrique ! Les pays riverains restent le noyau. Pour les trois chefs d'Etat, l'UPM se justifie par leur volonté de donner un nouvel élan politique au partenariat euro- méditerranéen, il s'agit de donner plus de visibilité aux efforts des institutions communautaires. En clair, il s'agit de doter le partenariat euro- méditerranéen, devenu technique et bureaucratique, d'un parapluie politique. Ce qui attire l'attention c'est que les trois ont souligné que << l'UPM devrait être fondé sur le principe de la coopération et non sur celui de l'intégration », ce qui donne une idée clair sur ce que peut devenir l'UPM. Elle ne sera pas comme l'Union européenne, mais plutôt un cadre de coopération intergouvernemental. Les trois chefs d'Etat ont souligné aussi que les procédures de coopération et de dialogues qui existaient dans le cadre du Processus de Barcelone depuis 1995 et de la politique de voisinage depuis 2004 resteront valables et même centraux. En soulignant que << l'Union pour la Méditerranée n'interfèrera ni dans le processus de stabilisation et d'association pour les pays concernés, ni dans le processus de négociation en cours entre l'Union européenne et la Croatie, d'une part, entre l'Union européenne et la Turquie, d'autre part », les chefs d'Etats ont rassuré les pays concernés par l'adhésion. Les trois chefs d'Etats ont appelé les pays riverains de la méditerranée et ceux de l'Union européenne à se réunir à Paris le 14 Juillet 2008, et les pays riverains de la Méditerranée seulement à se réunir entre eux une journée à l'avance. L'ordre du jour sera la fixation des principes et des objectifs de l'UPM et la mise en oeuvre d'une approche fondée sur les projets concrets. Pour assurer le succès à ce sommet, les trois doivent travailler entre eux et en collaboration avec les pays concernés pour identifier les domaines prioritaires et les projets les 140 http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=view =fr&cati=1&pressi=821 plus appropriés, étudier la faisabilité de ces projets, rechercher des ressources pour leur financement et établir les listes des partenaires qui veulent s'engager dans chaque projet. d) La déclaration commune du sommet de paris 13 Juillet 2008141 Comme prévu les représentants des pays invités se sont réunis à Paris le 13 Juillet 2008, ils ont adopté une déclaration commune par laquelle ils ont lancé un processus de partenariat renforcé, baptisé << Le Processus de Barcelone: une Union pour la Méditerranée » comme l'a recommandé le conseil européen du 13 et 14 Mars 2008. Selon les termes de la déclaration, ce processus << s'appuie sur la déclaration de Barcelone et les objectifs de paix, de stabilité et de sécurité qui y sont énoncés, ainsi que sur l'acquis du Processus de Barcelone. Il est un partenariat multilatéral visant à accroître le potentiel d'intégration et de cohésion régionales ». L'initiative vient consolider les relations de l'Union européenne dans le cadre du processus de Barcelone, elle concerne les Etats membres de l'Union européenne, les Etats membres et observateurs du processus de Barcelone et aussi, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, Monaco et le Monténégro142. La commission européenne et la ligue arabe. Si la déclaration renvoi la détermination des modalités de choix des projets à la réunion des ministres des affaires étrangères prévue en Novembre 2008, le principe du consensus est adopté en règle générale. L'ambition de la nouvelle initiative de donner un nouvel élan au processus de Barcelone repose sur trois aspects comme le souligne la déclaration ; 1. Le rehaussement du niveau politique et renforcement des relations : à cet égard, il est opportun de souligner que nombre d'observateurs remarquent le caractère bureaucratique et technique des relations euro- méditerranéenne du fait que celui-ci relève directement de l'administration communautaire qui possède un grand pouvoir de décision et d'arbitrage sur les financements des projets de partenariat. 141 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Decla finale UPM 130708.pdf 142 l'Algérie, l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, la Mauritanie, Monaco, le Maroc, l'Autorité palestinienne, la Syrie, la Tunisie ; la Croatie et la Turquie, les pays candidats participant à des négociations d'adhésion à l'UE ; l'Albanie, la Bosnie- Herzégovine, et le Monténégro, candidats potentiels à l'adhésion à l'UE ; la Libye
Pour traduire cette ambition légitime et courageuse sur le terrain, l'initiative propose : - L'organisation de sommets biannuels au niveau des chefs d'Etats ou de gouvernements. Ces sommets se tiendront alternativement dans les pays de la rive Nord et ceux de la Rive Sud. - Des réunions annuelles au niveau des ministres des affaires étrangères. - Le renforcement du rôle de l'Assemblée parlementaire euro- méditerranéenne (APEM)143. - La reconnaissance de La Fondation euro- méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures en tend qu'institution du processus dans le domaine culturel à coté de l'Alliance des civilisations des Nations unies. - La mise en place d'un système de coprésidence du partenariat et l'établissement d'un secrétariat paritaire et d'un comité permanent conjoint. - Comme le stipule le texte de la déclaration, « Les détails du mandat de la nouvelle structure institutionnelle, le fonctionnement de la coprésidence ainsi que la composition, le siège et le financement du secrétariat, seront arrêtés par consensus par les ministres des Affaires étrangères en novembre 2008, sur la base de discussions approfondies et des propositions présentées par tous les partenaires ». Dans le texte annexé à la déclaration, les participants ont identifié les domaines clés susceptibles d'apporter des réponses aux attentes des uns et des autres. Néanmoins, ils ont identifié quelques projets dont il faut réaliser en priorité, il s'agit de : - la dépollution de la Méditerranée. 143 A l'origine de cette assemblée, le forum des parlements euro- méditerranéens transformé depuis 2004 en assemblée. D'autres informations sont disponibles sur le site du parlement européen : http://www.europarl.europa.eu/intcoop/empa/home/default fr.htm - Autoroutes de la mer et autoroutes terrestres. - La protection civile. - Energies de substitution : plan solaire méditerranéen. - Enseignement supérieur et recherche : université euro- méditerranéenne. - L'initiative méditerranéenne de développement des entreprises. A la lumière des textes précédents, on a pu remarquer que le projet final est différent de l'idée initiale lancée par le président français et que le projet a crée des institutions en plus pour le partenariat euro- méditerranéen. |
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